Louis aka CEDOT, le petit prince de la techno
Louis Grattard aka CEDOT nous fait découvrir dans cette interview les coulisses de son univers qui explore rythmes et profondeurs dans des sonorités techno, trans et EBM. À 21 ans, le DJ lyonnais sillonne les scènes locales pour faire danser et transpirer le public dans une fête intime et libérée. Après sa première date au Sucre le 31 octobre, club incontournable de Lyon, CEDOT semble bien parti pour se frayer une place sur la scène électronique française.
Pourrais-tu te présenter, pourquoi CEDOT et depuis quand tu mixes ?
Je m’appelle Louis Grattard, je suis lyonnais de naissance et j’habite encore à Lyon . Je mixe officiellement depuis un an.
Pourquoi CEDOT ?
CEDOT ça veut dire Cavalier Explorateur Des Objets Technophiles. C’est un nom qui a été trouvé à la va-vite pour mes premières dates, je n’exclus pas du tout la possibilité de changer un jour. Pourquoi pas aller vers la mythologie Arthurienne avec un nom comme Galaad, ça me plairait bien. Galaad c’est celui qui a trouvé le Graal, je trouve ça cool.
Trois mots pour présenter ton univers ?
Si on parle de mon univers musical, je dirais déjà le mot divin. C’est une des grandes dimensions que j’essaye de mettre en avant dans ma musique. Essayer de figer le temps. Y’a souvent un délire au début de mes sets qui correspond aux soirées “after life”, où t’avais de la musique avec un kick assez lent, qui retentissait bien fort. En écoutant ça tu te disais forcément :”waouh, qu’est-ce qu’il m’arrive dans la gueule !”. C’est un peu ce que j’essaye de retranscrire avec ma musique.
Ensuite, je dirais éclectique, parce qu’il y a plein de styles que j’affectionne. J’aime une techno lente et profonde, mais aussi des sonorités très break et rapides. Un son un peu joyeux parfois. De l’électro, un peu d’ambiant, et parfois même du rap. Ouais, le mot éclectique me parait bien.
Au final je me rends compte qu’il y a cette dimension mythologique qui me fascine beaucoup et que j’utilise dans mon travail musical. J’ai envie de raconter des histoires. Et finalement c’est ça que j’ai envie de transmettre dans mes soirées, une histoire pour faire la teuf et me laisser m’exprimer. Donc le dernier mot, la teuf ! Tout simplement…
Quelles sont tes inspirations ? Où est-ce que tu digues tes sons ?
Mes inspirations à la toute base, me viennent de ma mère. C’est la personne qui m’a le plus élevé et elle était très inspirée par les musiques électro de son époque. On parle de classiques comme Jean-Michel Jarre, ou certains sons de Mylène Farmer et pleins de morceaux du genre, qu’elle m’a fait écouter en boucle.
Cet amour des musiques électroniques est né comme ça. Il est né aussi de mes premières teufs et de mes premiers clubs. À la base, j’avais un avis très négatif sur les clubs. Je pensais que c’était des endroits pour picoler et draguer, tout ça, ça ne m’intéressait pas. Au final j’ai vu qu’il y avait des clubs qui existaient juste pour profiter du son, avec une vraie programmation artistique. C’est de là qu’a grandi mon amour pour cette scène.
Donc mes inspirations musicales découlent de mes premiers clubs et des artistes que j’ai vraiment aimé. Par exemple ceux du label Ritmo Fatale, un label créé par Kendal il y a bientôt quatre ans, basé à Toulouse. Ce label qui produit une grande partie de la scène Italo Body Music de ces dernières années comme Pablo Bozzi, Zaatar, etc… C’est un style que j’adore, même si j’ai souvent l’habitude de mixer des sons un peu plus froid et percussif. Je suis aussi pas mal bercé par l’EBM allemande qui t’attaque et qui est froide, avec des artistes comme Phase Fatale et Silent Servant, des musiques régulièrement jouées au Tresor ou au Berghain.
Sinon je digue pas mal de sons au Sucre, où je travaille depuis bientôt deux ans. Je suis trois fois par semaine, pendant à minima sept heures, dans un club où j’écoute de la musique non-stop donc forcément ça me nourrit. Je découvre aussi beaucoup de nouveaux sons quand je vais faire la fête dans d’autres endroits.
C’est d’ailleurs ce qui m’a valu quelques problèmes au début de ma carrière. Mes sets étaient souvent calibrés sur ceux d’autres artistes. Donc je me suis forcé à diguer ailleurs, notamment sur Beatport pour acheter mes tracks, Bandcamp pour les nouvelles sorties. Soundcloud à balle et l’algorithme Apple Music qui est très très bon, me conseille des petites pépites pas connues. Donc voilà !
Comment tu construis tes sets ?
Depuis que j’ai commencé à mixer, j’ai fait pleins de sets de manières différentes. J’ai commencé par le truc que beaucoup font pour leur première date ; tu prépares tout ton set de A à Z, tout est millimétré, tes transitions tu les as répétées trois fois. Ça vient du stress des premières scènes. Et grâce à mes expériences passées en club où j’analysais beaucoup ce qu’il se passait, j’ai très vite appris à bien anticiper les soirées à l’avance et préparer des sets qui marchaient très souvent. Ça c’était au début, maintenant ça dépend, si je suis seul sur une date, je vais me créer des playlists avec des sons dans l’énergie de la soirée, je me laisse plus de liberté, tout en ayant ma bibliothèque sur ma clé USB à côté.
Pour mes premières scènes je cherchais vraiment une osmose avec le public. Mais en fait c’est l’expérience qui me permet d’amener le public là où je veux l’emmener. C’est vraiment la phrase de Laurent Garnier en interview qui disait que c’était une hérésie de préparer un set à l’avance, qui m’a marqué et m’a poussé à me laisser plus de liberté et d’improvisation.
Ma deuxième façon de construire mes set c’est quand je suis booké en B2B, un exercice que je fais beaucoup en ce moment, et sur lequel je me sens bien plus à l’aise maintenant. J’ai pu jouer aux côtés de Malice, du collectif Romanesque, Maïa Neel ou encore Agop. Pour ça, je trie ma clé par style majeur, puis sous genre et je vais piocher dedans en fonction de l’énergie que l’autre DJ envoie. J’aime bien évoluer dans un univers organisé, j’ai l’impression d’y voir plus clair.
Est-ce que tu composes ?
On va dire que je compose réellement depuis trois mois. Et je m’y suis mis nuit et jour. J’étais déjà sur des logiciels de production pour faire des tracks dans mon coin mais c’est tout. J’ai fait quatre ans de solfège et des études de cinéma en spécialisation sonore donc ça m’a beaucoup aidé. Surtout quand je me suis mis sur des logiciels comme Ableton.
J’ai d’ailleurs un EP qui arrive début 2024 de cinq tracks qui s’appelle Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière. C’est une phrase de Jacques Audiard à la base, elle représente assez bien ma vision du club. Je me dis que, si vraiment tu vas dans un club pour aller écouter de la musique et pour te donner corps et âme à la danse, c’est qu’il y a un truc à un moment dans ta vie qui a peut-être été bousculé. Dans le sens où il y a un truc qui n’allait pas, une frustration que t’avais peut-être et t’as trouvé ton exutoire dans les clubs. C’est comme ça que je vois les choses…
Les cinq tracks sont toutes d’un style complètement différent. T’as de l’ambiant, du break, de la techno mélodique, de l’EBM et même une reprise de pop à un moment. Bref tous les styles que j’adore !
T’as également fondé les soirées Héphaïstos, peux-tu nous en parler ?
Héphaïstos, c’est une soirée que j’ai fondée au moment de ma première vraie date.
En fait c’est le directeur de production de HEAT, un tiers lieu où je travaillais à Lyon, qui me dit un jour : “j’ai un créneau ce jour-là, je sais que tu mixes un peu, que tu te débrouilles bien, que t’as quelques potes qui aiment ce que tu fais. Ça te dirait pas de venir faire un truc ? Je te laisse carte blanche”. Moi je me dis trop bien je vais faire un All Night Long, je vais être tout seul et même proposer du Live Machine à un moment.
En gros je me suis dit comme un idiot, je vais monter un DJ SET de six heures et un live d’une heure à moi tout seul en un mois. J’en parle à mon pote Malice qui mixe depuis dix ans et qui connaît très bien le milieu et il me dit : tu veux capitaliser ? Tu veux être sûr d’être réinvité à HEAT? Il faut que tu montes une soirée, que tu crées une identité propre avec une histoire à raconter, tu fais ta DA et tout ce qui va avec”.
J’ai la chance de sortir d’études de cinéma où j’ai pu faire un peu de design. Je savais que j’étais capable de créer une identité visuelle. Comme ça faisait aussi un moment que je bossais à HEAT et au Sucre, j’avais pas mal de contacts de DJ qui étaient devenus des amis. Donc je me dis trop cool, je monte un line up, je crée mes visuels, je communique dessus… Les gens sont venus et ils ont aimé ! Tellement qu’on en a refait quatre éditions en un an. Pour un premier projet je trouve que ça a déjà pas mal pris. (rires)
Le nom Héphaïstos à la base, ça vient de mon envie d’avoir une soirée qu’on pouvait personnifier. Tu vas à la Garçon Sauvage, à la Darude, ma soirée est pas à la même échelle évidemment, mais je trouve que ça permet de te sentir un peu plus proche de l’univers du projet. Héphaïstos c’est le dieu de la création divine. Je trouvais ça génial d’imaginer les platines comme une enclume et les DJs que j’invitais comme des forgerons qui fabriquent des objets divins, leur musique.
Je fais tout moi-même, la direction artistique, la communication, le booking, les factures. Et pour le moment toutes mes dates se sont passées à HEAT. Je cherche en ce moment d’autres lieux pour 2024. J’veux explorer d’autres endroits, il y a pleins de lieux culturels qui pourraient adorer le concept. Y’en a à qui ça parle déjà donc on va voir pour la suite !
Quelle est ta vision de la fête et tes engagements avec Héphaïstos ?
Je dirai, mettre l’artistique en avant et non pas l’argent. Malheureusement, encore beaucoup de boites fonctionnent comme ça. J’ai aussi un engagement qui me vient de mon entourage, notamment des équipes de Plus Belle La Nuit qui organisent entre autres Intérieur Queer et des différentes connexions et amitiés que j’ai pu nouer avec des personnes de cette communauté.
J’avais cette volonté d’avoir sur l’ensemble de mes soirées un line-up qui était égalitaire au niveau des genres. Je fais en sorte le plus possible d’équilibrer, notamment avec les artistes Queer. Je suis hyper content d’avoir réussi à inviter deux fois Kirara pour mes soirées. Elle mixe trop bien et j’affectionne particulièrement son univers Cyber et sa Ghetto House hyper rythmique.
Tes ambitions pour la suite c’est quoi ?
Dans le meilleur des mondes si j’arrivais à faire deux dates par mois en 2024, ce serait génial. Éventuellement signer avec un collectif. Ce que je vais chercher pour cette future année c’est peut-être plus de rigueur et d’organisation pour mes différents bookings.
Sur quoi on peut te suivre ?
Début 2024 y’aura un compte Spotify et Apple Music sur lequel vous pourrez retrouver mon EP. Le compte s’appellera aussi CEDOT, donc je vous invite à aller suivre de près !
Pour le booking, c’est par email : louisgrattard@gmail.com
Propos recueillis par Noé Molla
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