Rencontre avec Benoit Joubert, agent chez Allo Floride
Benoit Joubert © Allo Floride
Depuis son bureau basé à Lyon, Benoit Joubert agent (booking) chez Allo Floride revient pour nous sur ses expériences professionnelles et sa vision post COVID sur l’industrie musicale.
Peux-tu te présenter et expliquer ton métier en quelques mots ?
Je m’appelle Benoit Joubert, je suis actuellement agent au sein de la société Allo Floride. Mon métier consiste à représenter des artistes et des spectacles sur le côté live : organisation de tournées, mise en place des productions de type concert. C’est essentiellement sur cette activité que se concentre mon métier, s’ajoute à cela du conseil qui demande beaucoup de connaissances annexes de l’ordre du publishing, du management, sur la création d’un entourage dédié aux artistes qui sont à la base de toute notre activité.
Allo Floride, c’est quoi ?
C’est une société qui existe depuis huit ans, dont les deux membres fondateurs sont Thomas Lefrançois et David Leblanc. Ils sont les dirigeants de notre structure. Allo Floride se compose de trois pôles : un pôle Live qui s’occupe donc essentiellement de la production de nos artistes et des tournées, un pôle Artist Services (Label/Distribution/Management) et le pôle Eat & Drink, dédié à l’exploitation de lieux, éphémères ou non, et la mise à disposition de services de restauration auprès d’autres lieux et/ou d’événements .
Pourquoi avoir choisi l’industrie musicale ? D’où vient ta passion pour ce milieu ?
J’ai choisi cette industrie par passion pour la musique mais aussi par goût artistique, je pense comme beaucoup dans nos métiers. Cette passion vient du fait d’avoir pratiqué moi-même la musique à partir de mes dix ans. D’abord dans d’une école de musique puis avec un groupe amateur par la suite, c’est vraiment la pratique de la musique qui m’a plongé là -dedans.
La passion du métier est venue parce que j’ai trainé pas mal dans des concerts, j’ai aussi été bénévole dans des festivals et dans des salles. Petit à petit tu veux mieux accueillir les artistes, tu prends des initiatives, tu t’intéresses à ce qu’il se passe de l’autre côté de la scène, tu as envie de soutenir ces artistes. C’est l’ensemble de toutes ces expériences qui a donné naissance à cette passion.
Après de multiples aventures dans différentes structures, au bout de cinq ou six ans en tant que professionnel, c’est tout simplement par réseau que j’ai fait la connaissance des dirigeants d’Allo Floride ; par accointance sur la vision artistique et structurelle, nous nous sommes retrouvés pour que je participe à l’aventure.
Ă€ partir de quel moment un artiste peut et doit faire appel Ă toi ou Ă un agent ?
Cette question est à prendre au cas par cas, car les agents ont leur propre sensibilité sur un projet artistique ou autre. Après l’artiste en soi peut faire appel à un agent à n’importe quel moment, c’est plus l’agent qui peut correctement décider de défendre ou non un artiste et son projet. Il y a tout de même quelques basiques à suivre, comme déjà se faire reconnaître en local, par sa salle et ses acteurs proches via des dispositifs d’aides au développement (tremplins, etc).
À chaque agent son réseau, sa sensibilité artistique, sa capacité à investir son temps, son enthousiasme, à investir de l’argent de la structure sur le nom d’un artiste. C’est vrai que l’artiste nous sollicite souvent à tous les moments (à son départ, lorsqu’il commence à monter ou lorsqu’il est dans un dispositif local).
Ça se fait un peu des deux côtés, on est très sollicité et justement en tant qu’agent on analyse le moment pour savoir où les artistes en sont, pour situer si l’on peut les accompagner au mieux. Il y a un temps de développement, d’investissement qui est nécessaire et il faut être capable de servir correctement le discours et le projet de l’artiste car si tu le fais qu’à moitié, ça ne le fera pas du tout.

Benoit Joubert s’occupe du groupe La Fine Equipe © Bertrand Vacarisas
Quelles sont les qualités d’un bon agent ?
Être authentique, être confiant dans ses choix artistiques. Mais aussi courageux, car parfois tu pars sur des petits projets qui nécessitent beaucoup d’investissement. Les qualités pour être un bon agent sont des qualités de bon sens. En étant plus pragmatique, il faut avoir un réseau qui puisse être le bon match avec l’artiste que tu accompagnes. Connaître et maîtriser un budget de tournée, de concert, le langage technique est un plus, avoir une connaissance administrative circonstanciée sur les coûts d’une production également. Enfin, il faut avoir une vision globale sur le marché et l’entourage de l’artiste pour l’accompagner au mieux.
Cette année a été très spéciale, comment as-tu vécu cette période sous COVID-19 ?
Cette année était très particulière, un sentiment d’impuissance s’est peu à peu installé. On est sur une crise sanitaire… Tant qu’il n’y a pas de réponses scientifiques face à ça, on ne peut agir que très difficilement.
La plupart de nos tournées ont été annulées ou reportées. Quand tu le fais une fois, deux fois, trois fois… C’est vrai que c’est fatigant, le plus difficile c’est de devoir travailler parfois pour rien. Sans résultat, sans que tes artistes puissent se représenter devant un public…
Au-delà de l’impact dans le milieu musical, il y a-t-il eu un avant et un après COVID pour ton métier ? Quels sont les changements auxquels tu as dû faire face ?
Un avant, c’est sûr il y en avait un… un après je pense qu’il y en aura un ! Ça ne sera pas comme avant, j’ose penser que ce sera nouveau dans la démarche de chacun, que ça soit du côté des acheteurs ou des vendeurs dont je fais plus partie. J’espère un travail en bonne synergie d’un côté comme de l’autre.
La réponse après COVID, ça sera de connaître les enjeux de chacun (les festivals, les salles) et de notre côté les enjeux que l’on peut avoir sur les productions que l’on a lancées ou que l’on lance avec nos artistes.
Discuter peut-être moins frontalement mais de manière plus approfondie pour réfléchir et jouer le jeu ensemble. Il y a dix ans notre métier c’était de formaliser des tournées, faire tomber des dates… Aujourd’hui à mon sens c’est avoir des dates qui amènent du sens à l’artiste. Qui lui permettent de se représenter face à un public dont on situe mieux l’engagement, dans un lieu ou un événement qui envoie le bon signal sur l’image et les valeurs de l’artiste. L’idée, déjà bien installée, sera de ne plus produire un artiste n’importe où, n’importe quand, devant n’importe qui.
Quels sont les conseils que tu pourrais donner à un artiste qui souhaite se lancer aujourd’hui ?
Beaucoup, car il y a beaucoup à faire quand on se lance ! Maintenant le meilleur conseil si je dois en choisir un, ça serait de vraiment bien choisir son entourage. Quand tu te lances et que tu as la capacité artistique de choisir cette trajectoire comme une trajectoire professionnelle, il y a forcément un entourage qui doit se créer. Il faut prendre le temps de choisir les gens avec qui tu vas travailler au quotidien. C’est primordial d’avoir un bon feeling, une bonne compréhension de chacun, des enjeux, des métiers.
C’est la base de tout bon départ que d’avoir un bon entourage pour sentir que tu fais partie d’une famille qui te soutient et qui sera là tout le temps, le long de ta carrière !
Quels sont les artistes que tu as accompagnés et quels sont tes futurs projets ?
Je ne vais pas m’exprimer sur mes projets futurs, je le garde pour moi pour le moment, c’est mon côté pragmatique. Cette période de COVID nous a permis de nous concentrer sur des idées et des signatures futures. De discuter pour connaître les tenants et les aboutissants de certains projets.
Quand je suis arrivé chez Allo Floride, je m’occupais de beaucoup d’artistes internationaux et peu de Français. C’est souvent avec les Français que l’on lance des tournées en production (qu’on investit dans la production d’un spectacle), qui est le mécanisme le plus passionnant pour moi parce que l’on imagine des stratégies et que l’on se doit d’être créatif. Comme je te le disais, j’avais pas mal d’artistes internationaux, chose qui s’est un peu amenuisé avec le temps pour me concentrer sur des artistes francophones, et par conséquent en production pour arriver essentiellement sur du développement et du repérage d’artistes. Notamment pour Clément Bazin et le groupe Diva Faune.
Il faut adopter une stratégie par artiste, personnalisée selon leurs envies. Je suis actuellement sur une dizaine de projets, je suis bien occupé !
Pourquoi avoir accepté de faire cette interview ?
J’allais te dire que l’on a le temps en ce moment, et que c’est pour ça que j’ai accepté de caler cette interview. Mais en vrai, c’est important de transmettre des idées, des compétences, du savoir-faire pour que ça passe à d’autres. Ça ne peut se faire que par l’échange, dans une interview, pendant un déjeuner ou autre. J’ai accepté de faire cette interview parce que c’est un exercice auquel j’ai envie de me prêter de plus en plus. De faire savoir que je fais ce métier pour transmettre à quelques-uns, et qui sait, dans dix ou quinze ans se seront eux qui auront envie de transmettre leurs connaissances.
Propos recueillis par Nathan Lahiguera
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