Les Noces de Figaro – Opéra Bastille
La mise en scène des Noces de Figaro, créée par Giorgio Strehler à l’Opéra royal de Versailles en 1973, revient dans les décors somptueux que La Scala de Milan avait précieusement conservés. Raffiné et sobre sont les maîtres mots de cet espace qui se transforme à chaque acte. On va de surprises en émerveillements. C’est dans la future chambre carrée des fiancés que s’ouvre l’opéra, avec son fauteuil central pour la scène très réussie où Chérubin se cache. On retiendra au second acte la chambre très lumineuse couleur sable et or de la Comtesse et son lit à baldaquin où celle-ci s’alanguit pour écouter la chanson du jeune homme, ainsi que les trois portes permettant les dérobades et les nombreuses entrées et sorties impromptues; au troisième acte, l’immense salle d’une extrême profondeur dans laquelle évoluera gracieusement la fête nuptiale avec le clavecin en avant-scène, éclairée par la lumière du jour pénétrant par les fenêtres. Enfin les trois buissons permettent les jeux de scène du quatrième acte dans la nuit éclairée par la lune.
Dans cet espace propice au jeu se joue avec légèreté le drame de Rosine. La coquette du Barbier de Séville a bien disparu. Le livret de Da Ponte alterne entre de véritables moments de farce et de grande gravité. Dorothéa Röschmann, mozartienne née, ouvre le second acte, seule sur scène, après l’effervescence de la truculente scène entre Marceline et Suzanne prêtes à se déchirer pour Figaro.
La soprano, très attendue, émeut dans son personnage de femme retirée dans sa solitude d’épouse délaissée. On est sous le charme de sa sensibilité, de l’intensité de ses sentiments dans cet air d’une grande virtuosité. La soprano, fraîche bien que toute mélancolique nous ravit tout au long de l’opéra, par un déploiement d’émotions multiples et contrastées : avec joie, elle s’évanouit, sursaute de surprise, laisse entrevoir son incompréhension, est sur le point de céder à la tentation d’un baiser volé tandis que le mari arrive. Sublime dans la scène finale du pardon, toute sa noblesse de l’âme s’impose.
Dans cet opéra, on est proche de l’esprit des Liaisons Dangereuses, car le danger est grand.
Avec subtilité, Julia Kleiter incarne une Suzanne pétillante et drôle, espiègle et amoureuse, fidèle et dévouée, un véritable papillon au grand coeur. Elle sait se montrer coquette avec le Comte tout en étant très touchante au quatrième acte quand elle chante son amour à Figaro qui croit qu’elle s’adresse au Comte.
Christopher Maltman crée un Comte véritablement amoureux de Suzanne, formidable baryton, d’une très belle présence, d’un aplomb incroyable et au charme fou. Le Figaro de Mozart, bien que spirituel, a moins de panache que celui de Beaumarchais, mais Erwin Schrott en fait un gaillard bienveillant, plein de ressources, sympathique, et très amoureux de sa Suzanne. La scène de reconnaissance avec Marceline et Bartholo, vêtus de noir par contraste, est très drôle. Isabel Léonard crée un Chérubin délicieux qui ne pense qu’à coucher avec toutes les femmes qui se présentent à lui. La Mezzo-soprano, très applaudie a conquis tous les cœurs. Enfin, saluons Zoé Nicolaidou dans son air de Barberine, magnifique.
Un enchantement !
Marie Torrès
Les Noces de Figaro
Opéra Bouffe en quatre actes
Livret de Lorenzo Da Ponte
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
D’après Le Mariage de Figaro de P.A. Caron de Beaumarchais
En langue italienne
DAN ETTINGER, Direction musicale
GIORGIO STREHLER, Mise en scène et lumières réalisées par HUMBERT CAMERLO
EZIO FRIGERIO Décors
EZIO FRIGERIO et FRANCESCA SQUARCIAPINO Costumes
VINICIO CHELI Lumières
JEAN GUIZERIX Chorégraphie
MARISE FLACH Collaboration aux mouvements
ALESSANDRO DI STEFANO Chef de chœur
Du 13 mai au 7 juin 2011
Réservations : 0 892 89 90 90 (0,34€ la minute depuis un poste fixe en France) ou sur le site de l’opéra.
Tarifs : 180€ 155€ 135€ 115€ 95€ 75€ 40€ 20€ 15€ 5€
Durée du spectacle : 3h40 avec un entracte
Opéra Bastille
Place de la Bastille
M° Bastille
[Crédit : Mirco Magliocca / Opéra national de Paris]
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