“Les Mousquetaires au couvent” : une mise en scène explosive
Les Mousquetaires De Louis Varney Mise en scène de Jérôme Deschamps Avec Marc Canturri, Sébastien Guèze, Franck Leguérinel, Anne-Catherine Gillet, Anne-Marine Suire, Antoinette Dennefeld, Nicole Monestier, Doris Lamprecht, Jérôme Deschamps, Ronan Debois, Safir Behloul, Jodie Devos, Valentine Martinez, Éléonore Pancrazi, Mathilde Opinel, Emmanuelle Monier, Mathieu Marinach, Antoine Jomin, Richard Lahady, Jean-Louis Cordina et Paul Canestraro Chœur : Les Cris de Paris Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon Du 15 au 21 juin 2015 Tarifs : de 6 à 120 € Réservation au Durée : 2h20 M° Richelieu-Drouot |
Pour sa dernière création à l’Opéra Comique dont il s’apprête à quitter la direction avant un an de travaux, Jérôme Deschamps déploie un panache et un brio éblouissants appliqués à une opérette de Louis Varney qu’il dépoussière et actualise. L’armée et l’Église en duo chantant avant la rupture laïque de 1905 : c’est presque trop beau pour être vrai !
L’habit ne fait pas le moine C’est le titre du vaudeville datant de 1835 dont se sont inspirés Paul Ferrier et Jules Prével pour conter l’histoire très gaguesque de deux jeunes mousquetaires qui vont s’introduire, déguisés en capucins venant de Palestine, dans un couvent de sœurs ursulines pour rencontrer l’une d’elles, une novice aperçue par l’un d’eux. Grâce à la complicité d’un abbé porté sur la bouteille nommé Bridaine, Gontran le militaire amoureux et Narcisse son capitaine se mettent à enseigner la pénitence à des jeunes filles qui n’en reviennent pas de voir de pauvres moines si fringants et si drôles ! À l’ombre du grand Offenbach et à l’époque même, 1881, où sont votées les lois laïques sur l’enseignement des jeunes filles, le couvent est sacrément à la mode dans l’opérette pour y être gentiment moqué, puisque l’armée, dont on se rit aussi, doit toujours assurer la gloire républicaine. Une mise en scène riche en couleurs Costumes aux formes géométriques et aux teintes explosives (Vanessa Sannino), rythme haletant, vivacité du jeu scénique, ces mousquetaires empruntent autant aux Deschiens par leurs gags qu’à Jacques Tati par l’absurde des situations. Un Christ qui descend de sa croix lors de sa pause déjeuner, une sœur patronnesse à quatre pattes devant un faux moine venu dégoiser sur le repentir, un gouverneur qui roule en trottinette électrique, avec des pompiers de 2015 venus vérifier les extincteurs de 1880, Jérôme Deschamps s’amuse à multiplier les facéties et à mettre en valeur des situations et des dialogues farcesques avec une légèreté de champagne. Il s’est donné le rôle du gouverneur et l’interprète avec un seau sur la tête et un abattage de clown inénarrable. La grivoiserie des militaires y est croquée avec une chorégraphie aérienne (Gyslein Lefever) dans des lumières radieuses (Marie-Christine Soma) et les décors de Laurent Peduzzi sont ludiques et légers à souhait. Des chanteurs merveilleusement investis Sous la direction de Laurent Campellone à la tête de l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon et avec les excellents chœurs “Les Cris de Paris” dirigés par Geoffroy Jourdain, les chanteurs rivalisent de talent et de maîtrise théâtrale. Saluons la soprano Anne-Catherine Gillet dont la performance vocale et la vivacité éblouissent dans le personnage de Simone, tandis que Franck Leguérinel fait un abbé Bridaine surréaliste et baroque, spirituel et cocasse. Marc Canturri (Narcisse) et Sébastien Guèze (Gontran), les deux troublions mousquetaires, conjuguent qualité vocale et ardeur théâtrale dans un duo de choix d’une gémellité confondante. Il faut dire que le compositeur Louis Varney dessine des lignes mélodiques claires, avec finals enlevés et refrains enjoués. Un vrai régal musical et populaire pour qui ne s’embarrasse pas d’effets ni de fioritures. Doris Lamprecht est parfaite en sœur professorale coincée, tandis qu’Antoinette Dennefeld déploie un beau timbre de mezzo-soprano, précis et clair, doublé d’un habile tempérament de comédienne. En mère supérieure, Nicole Monestier assume au plus haut point le poids de sa haute fonction liturgique avec le ridicule qui convient au personnage. On s’amuse beaucoup dans cette œuvre joyeuse et légère qui a le mérite d’être orchestrée très efficacement. Un must à redécouvrir. Hélène Kuttner [Photos © Pierre Grosbois] |
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