Les métiers du live musical – Rencontre avec Mathieu Riousset, régisseur de tournées
La série d’interviews centrée sur le monde des concerts et des tournées est de retour ! Pour ce deuxième volet, nous rencontrons Mathieu Riousset, régisseur de tournées. Depuis 10 ans, il sillonne les routes de France et du monde aux côtés d’artistes comme Némir, Roméo Elvis ou encore Dub Inc. C’est la saison 2 !
Peux-tu te présenter et nous raconter tes premiers rapports avec la musique ?
Je m’appelle Mathieu Riousset, je suis né dans les Bouches-du-Rhône à côté de Marseille. Mes premiers rapports à la musique se font assez jeune. J’ai fait du piano à 6 ans, puis j’ai arrêté ado. À partir de 14 ans je me suis mis à la basse électrique et j’ai monté un groupe de métal hardcore avec des potes. C’est comme ça que j’ai commencé à organiser mes premiers concerts. C’est par la suite que l’idée est venue de se professionnaliser. J’ai fait une licence en musicologie à Aix-en-Provence sans savoir vraiment quel type de métier je voulais faire dans la musique. Puis j’ai continué dans les études en faisant un Master pro administration de la musique et du spectacle vivant à Évry-Courcouronnes. Les stages que j’ai faits m’ont fait me rendre compte que je ne voulais pas faire que de l’administration. Et je me suis retrouvé de fil en aiguille à faire de la régie de tournées. C’est ce que je fais depuis bientôt 10 ans. Jusqu’à maintenant, j’ai principalement fait de la régie de
tournées. Mais aujourd’hui, je développe également la régie d’accueil. Au lieu d’être accueilli, c’est moi qui accueille les gens. Tout en gardant un pied dans la tournée car c’est ce qui me plaît le plus, même si c’est un métier compliqué où tu n’es jamais chez toi.
Comment en es-tu arrivé à devenir régisseur de tournées ?
Au-delà des soirées que j’organisais étant plus jeune qui sont très formatrices car tu gères tout, mon premier stage en Master et expérience avec un cadre professionnel était chez Furax, en administration. Je m’occupais de la gestion des contrats, gestion des factures de spectacles vendus, un peu de budget : de l’administratif pur et dur. Quelques temps après, j’étais toujours en très bon contact avec Furax et j’étais devenu ami avec Anthony Devin qui était en stage en même temps que moi et qui faisait du booking. Lui a continué chez Furax en tant qu’employé. C’est lui qui m’a donné ma chance sur de la régie. Ces premiers jobs début 2013 se sont faits avec un artiste qui s’appelle Némir. Mais ma première vraie expérience de régie de tournées c’était en stage chez Zaman Production, qui travaille sur des musiques du monde, où je suis parti 4-5 jours avec des artistes birmans. J’ai aussi travaillé avec des artistes indiens qui font de la musique rajasthanie issue d’une région proche du Pakistan en Inde. Mes premières vraies expériences de régie de tournées se sont faites là, mais où j’étais en stage. Puis, Furax et les premiers cachets avec Némir.
Quel est le statut de ce métier ?
C’est très souvent le statut d’intermittent du spectacle. Le régisseur de tournées travaille généralement en freelance, sous ce régime. Quand tu débutes, c’est souvent sur des plus petits artistes et des plus petites tournées avec peu de dates, et tu peux cumuler plein de projets en même temps, d’où l’intérêt de l’intermittence qui te permet d’être libre. De plus, surtout dans la musique, les intermittents ont souvent plein de casquettes. Certains vont faire de la régie de tournées, d’autres plus du festival, etc. Tu travailles toujours dans l’organisation d’événements mais ton poste peut varier. J’ai travaillé il y a quelques années sur le festival Rock en Seine où je m’occupais de toute la gestion des bénévoles par exemple.
Peux-tu nous expliquer, le plus facilement possible, ce qu’est un régisseur de tournées ? Y a-t-il différentes façons de faire ce métier et si oui, quelle est ta façon à toi ?
Le régisseur de tournées est un peu un rôle de “hub”. Mon travail est de faire en sorte que tout le monde puisse travailler dans de bonnes conditions et que personne ne manque de rien pour que le spectacle se passe bien. On doit aussi faire tampon entre plein de choses. Officiellement, notre employeur est le producteur ou le tourneur ; donc quand je travaillais avec Némir, c’était Furax. Cependant tu bosses aussi pour l’artiste, il est donc un peu ton patron aussi, mais qui dans les faits, ne te paye pas, sauf s’il est co-producteur de la tournée. Il y a un rôle d’équilibriste à trouver. Je peux parfois être appelé très tôt, quelques années avant le début de la tournée pour réfléchir à l’équipe, aux décors, aux types de locomotions, ou parfois, on peut m’appeler du jour au lendemain pour remplacer quelqu’un. Sur Némir, je suis arrivé à la fin par exemple, parce que le projet était rodé et se professionnalisait vraiment. Il y a tous les cas de figure, et c’est ça ce qui est très intéressant. Même à mon poste, chacun travaille différemment selon les goûts, l’expérience… Mais sinon le taff sur la tournée c’est de tout bien coordonner. Appeler les salles, leur envoyer des mails, s’assurer qu’ils ont bien le rider et la fiche technique où toute l’organisation leur est expliquée pour que tout le monde puisse bien travailler. Si tu as bien effectué ton travail et que tout se passe bien, tu fais juste le coordinateur ; et s’il y a des galères, tu es le pompier de service. Les Anglais disent first in, last out, le régisseur peut avoir de très longues journées. Le terme de tour manager est très bien adapté.
Selon toi, quelles sont les qualités d’un bon régisseur de tournées ?
Pour moi c’est : anticipation, communication et psychologie. Il faut être un bon gestionnaire aussi. Le secret est de tout anticiper le plus possible, même si tu n’es pas dans la tête des gens. C’est là où il faut avoir beaucoup de psychologie, et connaître tes équipes. La rigueur est importante aussi.
Dernier mot : as-tu quelque chose à ajouter ? Quelque chose qui n’a pas été abordé dont tu aimerais parler ?
Un gros sujet qui va nous tomber sur la tête d’ici peu est le côté écologique du métier. Avec les tourbus ou les vans, il faut des quantités phénoménales d’essence. On a un métier qui, en termes de bilan carbone, est complètement merdique. Pour faire tourner les festivals, il faut des gros groupes électrogènes qui tournent au pétrole. Tu as de plus en plus de trucs qui se veulent un peu vert, mais quand tu vas sur les parkings, le bus est branché au gros groupe électrogène. Et si ce n’est pas branché, le chauffeur va laisser tourner le moteur une journée. Il y a aussi des artistes qui prennent l’avion tout le temps, comme les DJ’s, parce qu’un soir tu joues à Londres, le lendemain à Paris, après à Berlin… D’un point de vue écologique, il y a un problème. Le gaspillage est aussi colossal. Il y a quand même des choses qui évoluent. En France, les salles donnent des gourdes par exemple. Mais ce n’est encore qu’au début.
Propos recueillis par Briac Montet
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