Le Roi Arthus : la légende celtique à l’Opéra Bastille
Le Roi Arthus D’Ernest Chausson Mise en scène de Graham Vick Avec Sophie Koch, Thomas Hampson, Roberto Alagna / Zoran Todorovich, Alexandre Duhamel, Stanislas de Barbeyrac, François Lis, Peter Sidhom, Cyrille Dubois, Tiago Matos et Ugo Rabec Jusqu’au 14 juin 2015 Tarifs : de 5 à 210 € Réservation au Durée : 3h30 avec deux entractes Opéra Bastille M° Bastille (lignes 1, 5 et 8) |
Jusqu’au 14 juin 2015
Sous la direction d’un Philippe Jordan royal, impulsant grâce et élégance à un opéra redécouvert, la mezzo Sophie Koch et le ténor Roberto Alagna nous ensorcellent. Une histoire d’amour et de trahison, à la sauce celtique. Un drame romantique écrit et mis en musique par Chausson Ernest Chausson n’aura pas eu le bonheur de voir jouer son seul et unique opéra ! Il meurt en 1899, à 44 ans, d’une chute de vélo, alors que le Roi Arthus ne sera créé qu’en 1903 à Bruxelles. Sept ans d’efforts et de passion à l’ouvrage pour celui qui luttait sans relâche contre son ennemi juré, Wagner, dont on pourra trouver ici quelques réminiscences dans la densité mélodique. Mais l’inspiration de cette musique enchanteresse, son lyrisme et sa poésie aérienne font plutôt penser à César Franck ou à Debussy. D’ailleurs, tout le symbolisme littéraire et pictural est présent dans ce livret clairement écrit, qui chante les sentiments humains avec la finesse d’une aquarelle, mais qui peut aussi se révéler sanglant et désespéré, notamment dans les scènes finales avec le suicide de Genièvre. Humour anglais et décapant Le metteur en scène britannique Graham Vick s’est totalement éloigné d’une esthétique médiévale ou mystérieusement celtique. Le décor s’ouvre en pleine lumière, avec un remarquable travail d’Adam Silverman, sur un gazon vert pomme peuplé de petits hommes semblables à des combattants d’un jeu vidéo qui se passerait dans la campagne anglaise. Le Roi Arthus (Arthur), que campe magnifiquement le baryton américain Thomas Hampson, félicite ses hommes, les chevaliers de la Table ronde, et surtout Lancelot, incarné par un Roberto Alagna juvénile dans son pantalon blanc et sa veste en jean. La jalousie des hommes gronde et Mordred, le neveu d’Arthus, épie la liaison du valeureux Lancelot avec la reine Genièvre. C’est elle, cette passion amoureuse dévorante et insatiable, qui va les perdre et mettre à feu et à sang le royaume. Alagna, héros romantique, et Koch en maîtresse-femme Roberto Alagna déploie toute l’ampleur de son talent vocal, avec une musicalité et des nuances de très grand artiste, aux côtés d’une Sophie Koch tout simplement éblouissante. Racée, presque wagnérienne dans son élan et son engagement, la mezzo soprano prouve une nouvelle fois que rien ne résiste à sa technique et à sa sensibilité d’actrice. Leurs duos sont de véritables sommets de beauté musicale, elle lascive et orgueilleuse, lui conciliant et d’une fidélité à toute épreuve. Quand de grands artistes concilient la musique et l’incarnation dramatique ! Tout cela dans une mise en scène débarrassée des lourdeurs mythologiques, aérée, tonique, très contemporaine, qui va jusqu’à envoyer rouler dans l’herbe et même sur le sol l’altière Sophie dans les bras du valeureux Roberto ! Un canapé rouge, qui finira par brûler, siège au centre d’une maison déconstruite, symbole de l’effondrement d’un monde en quête de son Graal ou de ses idéaux perdus. Jordan, impérial capitaine de vaisseau Dans la fosse d’orchestre, Philippe Jordan épouse littéralement les lignes mélodiques de cette partition pour nous en faire saisir chacune des notes, avec un respect et une luminosité magistraux. Les chœurs rivalisent en qualité et en précision, Peter Sidhom est un beau et mystérieux Merlin, Cyrille Dubois nous épate dans le chant du laboureur et Stanislas de Barbeyrac nous ferait regretter la brièveté de son apparition dans Lyonnel car il est épatant. Il est vrai, aucune fausse note n’est à relever dans la distribution dont les rôles-titres sont parfaits. Une ovation le soir de la première augure de belles soirées en perspective et on doit saluer l’inventivité, la qualité et l’intelligence de cette production contemporaine qui ose jongler astucieusement avec les mythes. Hélène Kuttner [Photos © Andrea Messana] |
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