Le Cabaret Sauvage a fait peau neuve
Ce haut lieu de spectacles au Parc de la Villette vient de s’équiper du premier Magic Mirror insonorisé au monde. Présent à l’inauguration, on vous raconte tout.
Fruit de quatre années de travail entre Méziane Azaïche, créateur du Cabaret Sauvage, et Alex Meder, constructeur des Magic Mirrors, ce prototype met fin à tous problèmes sonores. Dans ce nouvel écrin de bois et de velours rouge, les performances acoustiques sont en effet de qualité studio.
Dans le respect d’une éthique écologique (pompes à chaleur, isolation phonique à base de laine de mouton et végétalisation de tout le complexe), l’architecte néerlandais Boris Zeisser a imaginé un bâtiment manipulant les formes du cercle afin de rendre la construction la plus accueillante possible. Signature majeure de ce concept, l’entrée est inspirée d’une scène emblématique du cinéma : l’envolée mythique de la robe de Marilyn Monroe au-dessus d’une bouche de métro new-yorkaise. Une touche glam et mystique qui plaît beaucoup !
Le nouveau Cabaret s’inscrit dans un projet global : les jardins sauvages ! Un complexe vert et spacieux réunissant plusieurs espaces, avec bar extérieur, jardins suspendus, restaurant en bambou, potager, péniche et terrasse XXL liant le tout. L’entité devrait être terminée pour l’été. On a hâte.
Welcome Alykoum, comme spectacle d’ouverture
Cette création a réuni la journaliste et réalisatrice, Rokhaya Diallo, le chanteur et auteur HK et la chanteuse Awa Ly, ainsi que des circassiens. Une idée originale de Méziane Azaïche, assisté de Géraldine Bénichou à la conception et mise en scène. Un spectacle composé de 12 chansons originales toutes en français, créées pour l’occasion.
Ces personnalités engagées ont tissé leurs écritures et univers singuliers pour décrypter le racisme qui divise et gangrène notre société, mais aussi mettre en lumière les combats de celles et ceux qui construisent un vivre ensemble respectueux de la pluralité des différences. Avec les armes de la poésie, de la satire et de l’humour, de la musique, de la chanson et du cirque, ce plaidoyer est une ode à la France métissée et combative. Un symbole fort pour fêter cette seconde vie du Cabaret Sauvage, lequel a toujours été engagé pour le « vivre ensemble » !
Retour sur la création de ce lieu mythique
Le parcours de Méziane Azaïche, né en Algérie, est utile pour comprendre cette ouverture sur le monde qui fait l’ADN du Cabaret Sauvage. Depuis l’enfance, cet homme voue une passion au cabaret, un art à part entière qui conjugue les diversités. Il rêve la France comme un lieu chaleureux et fraternel, un carrefour d’arts et de cultures. À 23 ans, quand il débarque à Paris, sa désillusion est à la mesure de son attente, comme il le témoigne : « C’est une ville très difficile. Il existe un code pour ouvrir les portes et j’ai mis longtemps à le trouver ».
Dès lors, non seulement Méziane Azaïche enfonce les portes, mais il les ouvre en grand, pour créer ce qu’il est venu chercher : des lieux de convivialité, d’échanges non-conformistes et métissés. Il achète d’abord un bistrot dans le XXe arrondissement, Le Baladin, et, avec l’association Culture au Quotidien, y accueille de nombreux artistes, puis Le Zéphyr en 1988.
Mais quand il découvre un chapiteau conçu pour mêler spectacle et fête, le Magic Mirror, c’est la révélation. Il commence par le louer et a l’idée de créer, en 1994, le premier Cabaret Sauvage avec Brad Scott. Installé pour seulement quelques semaines à La Villette, ce lieu insolite tout en bois et velours, serti de miroirs et de vitraux, joue les prolongations pendant quatre mois et accueille quelques 25 000 spectateurs.
Fort du succès de cette aventure, Méziane entreprend alors de faire construire son propre chapiteau, en s’associant à Areski Sassaoud. Conçu dans le même esprit que le Magic Mirror, ce nouveau lieu est un peu plus grand et confortable, aussi bien pour les artistes que le public. Le nouveau Cabaret Sauvage est inauguré en 1997.
L’ouverture : l’ADN du Cabaret Sauvage
Après 20 ans de coups de cœur partagés, Méziane décide de le remplacer par un nouveau chapiteau, afin d’en finir avec les plaintes des riverains et de retrouver une liberté de programmation : sauvage et plus que jamais source de convivialité. Désormais, plus de problèmes sonores et voilà donc de quoi faire frissonner de plaisir nos écoutilles !
Prochainement, on pourra ainsi écouter la légende Dub, Lee Scratch Perry, le 7 novembre : un monstre sacré ! La Sauvage, du 15 au 17 novembre, soirée emblématique du Cabaret qui se déclinera en festival (c’est le premier) ; mais aussi Goran Bregovic, les 21 et 22 novembre : sur scène, avec son Orchestre des Mariages et des Enterrements, brass band et chanteuses bulgares, il offrira un concert généreux, époustouflant d’énergie et de liberté.
Tout de même, la musique électronique reprend une place de choix. Le tout nouveau pôle nuit ME, créé pour l’occasion, proposera La Mensuelle du Cabaret, dès le mois de janvier 2020. Mais il prend ses quartiers dès le 6 décembre en fêtant les 4 ans du collectif Distrikt, et le 8 décembre, avec un après-midi queer tea dance co-organisé par Super !, autour du nouveau roi de la minimale disco house dépouillée : Denis Sulta.
Le Cabaret Sauvage a donc fait peau neuve, mais garde son esprit de lieu de fête et de vie : musiques, concerts, soirées, danse, théâtre, cirque… Sans code, ni mot de passe, encore moins de préjugés. Bref un mélange des genres et des gens ô combien salutaire !
Sarah Meneghello
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