L’Amour des trois oranges – Opéra Bastille
Invité par les plus grands théâtres, le chef d’orchestre Alain Altinoglu dirige tout en nuances la musique de Prokofiev et enthousiasme le public. Difficile de ne pas battre la mesure ou de ne pas remuer sur son siège lors de la célèbre marche du XXème siècle. S’inspirant de Gozzi et de son théâtre surréaliste, secondé par le grand dramaturge russe Meyerhold, Prokofiev compose avec L’Amour des trois oranges un des opéras bouffes les plus réjouissants de l’histoire, une fable brillante et savoureuse, un anti-théâtre radical et jubilatoire.
En quelques mots, l’Amour des trois oranges est un conte de fées dans l’univers du cirque. La mise en scène allie la poésie de la pantomime et des vrais sentiments, le comique des personnages de la commedia dell’arte à la magie, voire le théâtre d’ombres. On retrouve de véritables numéros de cirques très spectaculaires : jongleurs, acrobates, prestidigitateurs, paillettes et envols féériques qui émerveillent. Le décor circasien vertigineux de William Orlandi emplit l’immense plateau de l’Opéra Bastille.
Hors scène et sur scène, la figure du clown est démultipliée à l’envi, unique et innombrable, masquée et en salopette blanche. Ce choeur présent, assiste à la représentation scénique, monte et démonte à vue le décor, fait la claque et comme un choeur antique intervient pour commenter et aider le héros dans sa quête initiatique.
Familiarisés avec l’univers merveilleux du conte par leurs lectures, les enfants ne sont pas dépaysés dans cet espace scénique. La trame de l’Amour des trois oranges contient, en effet, tous les ingrédients du conte de fées traditionnel et merveilleux : tout est signe pour le jeune spectateur. Une couronne qui vacille symboliquement, une ogresse monstrueuse par la taille et son tablier tâché de sang, armée d’un couteau géant qui descend tout seul, gardienne des trois oranges. Un prince qui cherche à s’affranchir de son père. Une méchante fée sortie d’un univers ténébreux, des adjuvants bienveillants dont un fidèle serviteur et un mage. Autant de lectures à différents niveaux sont possibles et satisfont les petits comme les spectateurs les plus avertis.
Véritable Pierrot lunaire, la très belle présence du ténor américain Charles Worman crée un prince inoubliable. De ses mouvements amples et harmonieux, se dégage une grâce poétique pleine de charme. Sa voix puissante et ronde emplit l’espace scénique. Le somptueux ténor confère au personnage une force qui gagne tout l’auditoire. Ravissante et drôle, Lucia Cirillo apporte force fantaisie en Sméraldine. Le roi de Trèfle, Alain Vernhes est très applaudi. Éric Huchet campe un Truffaldino pétillant, couard et téméraire à la fois, issu de la Commedia dell’arte. On adore la mise en scène de l’ogresse, personnage loufoque, à la louche géante. Ce rôle travesti fait son effet. Le superbe baryton Vincent le Teixier s’amuse en mage malhabile.
La fantaisie théâtrale, puissante et moderne de cet opéra a conquis tous les coeurs.
Marie Torrès
L’Amour des trois oranges
Opéra en 4 actes et un prologue de Sergueï Sergueïevitch Prokofiev (1921)
En langue française
Livret du compositeur d’après la comédie de Carlo Gozzi
Direction musicale, Alain Altinoglu
Mise en scène, Gilbert Deflo
Décors et costumes, William Orlandi
Lumières, Joël Hourbeigt
Chorégraphie, Marta Ferri
Chef de chœur, Alessandro Di Stefano
Alain Vernhes, Le Roi de Trèfle
Charles Workman, Le Prince
Patricia Fernandez, La Princesse Clarice
Nicolas Cavallier, Léandre
Éric Huchet, Trouffaldino
Igor Gnidii, Pantalon
Vincent Le Texier, Tchélio
Marie-Ange Todorovitch, Fata Morgana
Alix Le Saux, Linette
Alisa Kolosova, Nicolette
Amel Brahim-Djelloul, Ninette
Hans-Peter Scheidegger, La Cuisinière
Antoine Garcin, Farfarello
Lucia Cirillo, Sméraldine
Alexandre Duhamel, Le Héraut
L’Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris
Tarifs : 5€ // 15€ // 40€ // 75€ // 95€ // 115€ // 135€ // 155€ et 180€
Contact : 08.92.89.90.90
Opéra Bastille
130, rue de Lyon
75012 Paris
[Crédit (de bas en haut) : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber // Opéra national de Paris/ E. Mahoudeau]
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