La Traviata, Verdi – Opéra Bastille
Jusqu’au 20 juin 2014
Déchirante Traviata dans la nouvelle production mise en scène par Benoît Jacquot et dirigée par Daniel Oren. Un excellent plateau vocal : Diana Damreau, Francesco Demuro et Ludovic Tézier.
La salle a été prise d’inquiétude en voyant d’abord le plateau assiégé par des représentants des intermittents du spectacle appelant à la grève. Des cris, des applaudissements, la salle était partagée. Rassurée, elle a pu découvrir la magnifique production de l’Opéra Bastille.
Pour mettre en scène la demi-mondaine, Benoît Jacquot fait un joli clin d’œil à l’Olympia d’Édouard Manet (œuvre d’ailleurs postérieure de 10 ans à la création de l’opéra). Cornelia Oncioiu est méconnaissable en Annina noircie. Qui ne connaît pas le statut de Violetta est donc très vite fixé. Le procédé est efficace et esthétique. Sans compter le superbe lit à baldaquin au centre de la pièce : tout est dit.
La mise en scène repose sur le jeu des apparences et du non-dit. Le metteur en scène fait arriver le chœur du fond de scène, foule très dense, opposant à l’avant-scène, isolée, la fragile Violetta dans une superbe robe blanche satinée aux costumes sombres et aux chapeaux hauts-de-forme.
Cette arrivée colossale brise l’intimité de Violetta, confondant les espaces. Cet effet préfigure celui de l’acte deux dans l’escalier. En effet, les décors de Sylvain Chauvelot divisent habilement le plateau. Si le deuxième acte s’ouvre dans l’intimité de Violetta à la campagne, symbolisée par un gigantesque marronnier, il se clôt sur l’humiliation publique. Les invités en surplomb dans l’immense escalier d’une terrasse deviennent alors spectateurs et juges.
Toutes ces émeutes ont-elles agi sur les chanteurs ?
Diana Damreau, très puissante, ce qui est une obligation à Bastille, semble dans le premier acte légèrement tendue. Elle aborde son rôle avec une certaine agressivité. La soprano fait ensuite entendre aux deuxième et troisième actes une fragilité et une délicatesse poignantes. Excellente comédienne, elle émeut la salle qui l’ovationne.
À ses côtés, Francesco Demuro fait son entrée à l’Opéra National de Paris. Extraordinaire ténor que nous avions entendu dans Don Pasquale au Théâtre des Champs-Élysées. Sa voix au timbre sublime charme d’emblée. Il cristallise toute la puissance de l’amour. La salle est malheureusement un peu grande pour une émission vocale subtile mais plus faible que celle de ses partenaires.
Ludovic Tézier, extrêmement applaudi, semble avoir été le plus apprécié. Chouchou du public parisien, à l’amplitude vocale si impressionnante, le baryton colossal a gagné tous les cœurs en père torturé, quoiqu’un peu raide dans la direction de Benoît Jacquot.
L’orchestre sonne admirablement sous la direction chaleureuse et contrastée de Daniel Oren.
Les chœurs sont également excellents, quoiqu’un peu statiques sur scène.
Marie Torrès
La Traviata, Giuseppe Verdi
Direction musicale : Daniel Oren / Francesco Ivan Ciampa
Mise en scène : Benoît Jacquot
Décors : Sylvain Chauvelot
Costumes : Christian Gasc
Lumières : André Diot
Chef du chœur : Alessandro di Stefano
Reprise en septembre 2014
Opéra Bastille
75011 Paris
[Crédit : Opéra national de Paris/Elisa Haberer]
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