La Ligne Bleue : ” L’idée c’est toujours d’aller plus loin”
La Ligne Bleue est film, musique, mode, design, photographie, graphisme. Toutes les disciplines sont liées entre elles par une ligne invisible. Groupe aux mille projets. Collectif aux mille visages. Rencontre avec l’un des membres du collectif, Jeune Faune.
Tout d’abord, est-ce que tu peux présenter La Ligne Bleue, son concept, ses membres… ?
La Ligne Bleue c’est un groupe d’amis qui s’est formé à Paris aux alentours de 2015. On a décidé de faire un collectif suite à un clip de Manast LL’ ft. Jeune Faune. Le clip a été réalisé par Kevin Aubert, monté par Antoine Deslandes, le chef op’ était Louis Mas, Wein Wein était chargé du stylisme et Charlie de la prod’. Le logo du collectif a été conçu par SoimSoim, le site internet par Davy et Moh se charge des réseaux sociaux. Deux autres gars nous ont rejoint par la suite, Eric et Arnaud, project manager et brand consultant. Voilà, j’ai cité tous les membres, même si on travaille régulièrement avec d’autres artistes pour nos projets, Anna Benarosh par exemple, qui est graphiste. Ce qu’on a voulu faire en créant ce collectif, c’était d’unir les forces de chacun pour mener à bien des projets artistiques ambitieux et authentiques. Par la suite, Manast LL’ et moi (Jeune Faune) on a créé la Ligne Bleue Records qui est la partie “label musical” du collectif. En créant le label on voulait pouvoir développer des projets musicaux ensemble, le faire comme on voulait, et “pour nous”, c’est-à-dire avec les gens qui nous sont proches et avec qui on faisait déjà de la musique : Astrolabe Musique, DOR, Rad Cartier, Ceddy, 528ron, Joss…
Pourquoi La Ligne Bleue et cette couleur en particulier ?
La Ligne Bleue en fait ça vient de la Ligne 2 du métro parisien. À l’époque la majorité d’entre nous vivait a proximité de cette ligne. On se retrouvait toujours quelque part sur la Ligne Bleue. Notre logo correspond au tracé de la Ligne 2, de Porte Dauphine à Nation. Donc la couleur bleue n’a pas été forcément choisie, même si elle nous correspond bien je trouve ! C’est le ciel, l’océan, l’infini. Pour les titres Indigo, Cyan, et Azur, qu’on a sorti il y quelques mois, on a choisi les titres dans les différentes teintes de bleu. Il y en aura sûrement d’autres par la suite !
Vous êtes donc un “creative studio”, collectif audiovisuel, arts visuels et sonores, vous êtes créatifs à la fois dans la musique, dans la mode, le design et bien d’autres… Pourquoi avoir fait le choix de lier tous ces domaines ?
Ça s’est fait très naturellement. Parce qu’on avait la possibilité de le faire et que c’est très important pour nous d’être libres de faire les choses comme on veut, c’est-à-dire : ne pas être limités dans ce qu’on pourrait faire. Il y a tellement de moyens d’expression, pourquoi on devrait se limiter ? Aujourd’hui il y a par exemple un projet de bande dessinée qui est en cours, un recueil de poèmes… L’idée c’est que le collectif puisse être une plateforme pour travailler ensemble à des projets collectifs qui nous rassemblent et qui nous poussent à aller plus loin, toujours.
Comment les projets s’articulent ? Est-ce que vous cloisonnez chaque projet ou ils sont complémentaires ?
Ça dépend vraiment. En général tout se complète, mais c’est pas forcément réfléchi. C’est aussi notre identité en tant que communauté d’artistes qui ressort assez naturellement dans ce qu’on fait.
Concernant La Ligne Bleue Records, le style musicale est éclectique, chaque artiste du label a son empreinte et son univers, pourtant le mélange est très efficace, on ressent une certaine osmose… Comment faites-vous en sorte que l’individualité artistique de chacun soit respectée, tout en créant des projets complémentaires et cohérents entre eux ?
Les projets sont complémentaires assez naturellement, parce qu’on est comme une famille. Même si de l’un à l’autre il peut y avoir des différences énormes, il y a toujours un air de famille ! Ensuite, on encourage beaucoup nos artistes à développer un style qui leur est personnel. L’authenticité c’est une valeur qui nous définit bien : en tant que collectif mais aussi en tant que personnes. On est nourrit chacun d’influences très diverses et on aime pouvoir les mettre en commun, on se nourrit aussi les uns les autres.
En mixant les styles, le risque est de faire un projet sans identité propre, comment vous appréhender ça ?
C’est toujours délicat en effet. Mais on peut tout aussi bien affirmer le contraire : c’est en mixant les styles qu’on fabrique quelque chose de nouveau et d’original ! Le tout c’est de rester vrai dans la manière dont on le fait, sans trop calculer. Il faut pas se dire : on devrait mettre tel type de rythme là, utiliser tel flow à la mode ici… Il faut que ça se fasse naturellement, en osmose avec les sensibilités de chacun. En général ça s’entend très vite quand quelque chose est forcé dans une direction qui n’est pas naturelle.
Il y a-t-il quelque chose qui vous lie plus particulièrement ?
Il y en a plein ! Déjà pour la plupart à la Ligne Bleue Records on vient d’Orléans. On s’est rencontré au collège-lycée. En fait personne n’est parisien, on a tous grandi en province, la plupart d’entre nous y vit aussi. C’est quelque chose qu’on partage et dont on est fiers. Sans rentrer dans le débat Paris vs Province, je pense que notre environnement a fait de nous des gens simples, faciles à aborder mais qui ont faim de créer des choses aussi ! Parce qu’il n’y a pas forcément les mêmes opportunités là d’où l’on vient qu’à Paris.
Pour ce second projet, Bleue Vol.2, bien que dans la ligné de Bleue Vol.1, il semble plus poussé, plus abouti, peut-être plus personnel… Comment avez-vous fait pour aller plus loin dans votre création et sortir un projet plus mature ? Est-ce un travail de groupe, ou l’évolution a dû se faire individuellement ?
C’était une volonté de notre part d’arriver à faire quelque chose de plus poussé, comme j’ai dit : l’idée c’est toujours d’aller plus loin. Ça nous a demandé de bien organiser notre temps et de donner un maximum pour ce projet. Bleue Vol. 1 a été réalisé lors d’une résidence d’une semaine. Pour Bleue Vol. 2 on s’est retrouvés pour des sessions studio en groupe et on a essayé pendant ces moments-là de créer la magie nécessaire pour que le produit soit bon ! C’est donc un travail de groupe, mais on a aussi fait du chemin individuellement depuis Bleue Vol. 1. C’était aussi l’occasion pour nous de montrer nos évolutions respectives ! Et puis quand on voit qu’un de nous est chaud, c’est contagieux, ça donne envie d’être encore plus chaud.
On dit souvent que le deuxième projet est plus dur à réaliser que le premier, comment ça s’est passé pour vous ?
Ça n’a pas été plus “dur”. Ça a demandé plus de travail, mais aussi parce qu’on en avait envie et qu’on s’en sentait capables. Ça n’aurait pas eu d’intérêt si ça avait été facile ! Ça nous a permis de nous dépasser.
Bleue Vol.2 a été produit, interprété, mixé et masterisé par La Ligne Bleue Records… C’est important pour vous d’être dans le processus créatif de A à Z ? C’était une façon de vous affirmer ?
Oui c’est clair. C’est même évident. C’est en étant là de A à Z qu’on crée un son “à nous”. Même si pour des oreilles non-expertes ça ne s’entend pas forcément, le mix et master de notre ingénieur du son, Joss, joue pour beaucoup dans la qualité et le style de notre son. Après on est ouverts à la collaboration avec des artistes qui ne sont pas dans le label. Je pense à Denzel Macintosh, Moi Meme Detente et Joao Pi qu’on a invité à venir jouer de la guitare et de la basse sur Bleue Vol. 2.
Pour la partie création, que ce soit l’écriture des textes, la conception des instrus, les idées de visuels, comment ça se passe ? Chacun a sa façon de faire ? Plutôt création en groupe ou chacun de son côté ?
Ça dépend vraiment. Pour Bleue Vol. 1 tout s’est fait en résidence, dans le même lieu, donc les énergies créatrices circulaient beaucoup. Pour Bleue Vol. 2 ça a été différent. Pour les instrus, ça s’est fait pour la plupart en un week-end chez Sandro d’Astrolabe Musique, où j’étais présent. Et on a fait des beats tout le week-end… 528ron a fait les siens de son côté. Les textes c’est personnel en général. Et puis les visuels de Bleue Vol. 2 c’est toujours des échanges avec les vidéastes (Clémence Delafontaine pour les IGTV, Kevin Aubert pour All Star, Antoine Deslandes pour Liana), le management (Arnaud et Eric), les DA (Manast et moi) et SoimSoim qui est le graphiste. Pour la cover on a su assez tôt qu’on voulait une photo de groupe en studio et on a travaillé avec la photographe Wendy Huynh.
Sur la mixtape on retrouve à la fois de l’anglais, de l’espagnol et du français… C’est important pour vous ce mixage linguistique ? C’est juste pour la sonorité ou vous avez besoin de vous exprimer dans plusieurs langues, de plusieurs façons possibles ?
C’est parce que ça vient naturellement comme ça. Pour la plupart on a été élevés dans des foyers assez ouverts sur le monde et où l’anglais a été assimilé très tôt. On a grandi en écoutant de la musique internationale anglophone, c’était naturel de chanter comme ça ! Personnellement ça me demande plus d’efforts d’écrire en français qu’en anglais, je pense que c’est aussi le cas pour Manast LL’. Mais j’essaye fort, c’est aussi une question d’habitude !
On revendique aussi notre mixité culturelle et notre ouverture avec les langages qu’on utilise pour chanter. Cette mixité ça fait partie de notre identité en tant que groupe.
Est-ce qu’il y a des artistes, des projets, anciens ou actuels, qui vous ont particulièrement influencés ou qui vous inspirent ?
– Dis should hold u over – Tony Shhnow
– 070 shake – modus vivendi
– Polo G – Die a Legend
– E’Merse de Marco Mckinnis
– Frank Ocean – Blonde
– Wiz khalifa – kush & orange juice
Vous nous partagez vos coups de cœur du moment ?
– Pass The Torch – Manast LL’
– Moses Sumney – Græ
– The 1975 – If you’re too shy (let me know)
– Brockhampton – Sugar
Qu’est-ce qui fait selon vous un “bon artiste” aujourd’hui ?
Je sais pas c’est assez dur de décrire ce qu’est un “bon” artiste. Bon par rapport à quoi, à qui ?
Si c’est par rapport au “succès”, je dirais que c’est celui ou celle qui arrive à transmettre des émotions très fortes au public, des choses très intimes, tout en sortant les gens d’eux-mêmes, en les faisant voyager.
Si c’est par rapport aux autres artistes, alors je dirais que l’artiste qui sort du lot c’est celui ou celle qui fait son truc avec sincérité, sans chercher à plaire à tout le monde. Qui travaille à développer un art qui lui est propre, une pratique qui lui est personnelle. Qui connaît ses limites et joue avec. Qui n’a pas peur de se tromper parce qu’il ou elle sait que si il ou elle fait les choses comme elles viennent il ou elle sera toujours dans le vrai.
Le confinement a été positif et productif pour vous ? Ou ça vous a permis de faire une pause ?
Les deux. Ça a été plus ou moins difficile selon les tempéraments aussi. Mais de manière générale pour moi, ça a été plutôt positif et productif. On a profité du confinement pour penser à des nouvelles manières de faire vivre notre projet, notamment avec des challenges freestyle et cover sur insta. C’était bien cool, on a pu mettre en avant aussi des artistes autour de nous qu’on apprécie et avec qui on bosse déjà (Rizzy Wallace, Anna Magidson, Tony Stone, Oscar Emch, Keight, Shaga…)
Comment se passe le déconfinement ? Vous avez pu vous retrouver ?
Ça se passe ! Comme pour tout le monde je crois, c’est peut-être aussi étrange de revoir des gens que d’avoir été confiné pendant 2 mois. On n’a pas encore eu l’occasion de tous se retrouver, comme on habite tous à des endroits différents, mais on a hâte.
On vous retrouve sur de nouveaux projets dès que possible ?
Yes ! On a un projet qui sort toutes les semaines jusqu’à l’été. Pass the Torch de Manast LL’ vient de sortir, et vont suivre les projets de Ceddy, DOR et Rad Cartier. Petite pause pendant l’été, puis on reprend en septembre avec des nouveaux projets ! Restez branchés !
Interview réalisée par Apolline Erneste
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