La Khovantchina – Opéra Bastille
La Khovantchina est le dernier opéra de Moussorgski. Il est inachevé à la mort du compositeur, à l’âge de 42 ans. Rimski-Korsakov proposera le premier une orchestration brillante de mille couleurs. Mais c’est celle de Chostakovitch que nous entendons ce soir, beaucoup plus âpre et portée sur les timbres instrumentaux bruts.
Œuvre politique et patriotique, à l’époque de l’éveil des nationalismes, la Khovantchina est une fresque historique en cinq actes et six tableaux de près de trois heures trente.
Pas de rôle principal, mais plusieurs rôles de première importance, tous défendus par de magnifiques chanteurs (russes pour la plupart, ou bien ukrainien, moldave et bulgare). Le chœur tient le premier rôle. Il représente tour à tour le peuple, l’armée, ou les femmes. Sa sonorité est toujours pleine, et il est scéniquement dirigé de telle sorte que chaque tableau représente à lui seul une composition achevée. Décors luxueux, danseurs, drapeaux, on se croirait presque au TNP de Jean Vilar dans les années cinquante. Un opéra populaire, en somme.
Le premier tableau représente la Place Rouge, avec en arrière plan, la Cathédrale Basile-le-Bienheureux. Le rouge des militaires (les « Streltsy ») ressort au milieu de la foule.
Nous admirons, l’un après l’autre, le Clerc (Vadim Zaplechny) et Charkloviti (Sergey Murzaev) dont la voix est plus en retrait. Puis apparaît sur son noble char Ivan Khovanski (Gleb Nikolsky), dont la voix admirable traverse l’œuvre. Belle basse profonde, il a chanté Boris à de nombreuses reprises. Dans le premier tableau de l’acte IV qui lui est presque entièrement consacré jusqu’à sa mort, son emprise dramatique est totale. Il subjugue le ballet des esclaves persanes à demi nues.
Andreï Khovanski (Vladimir Galouzine), célèbre ténor, joue le rôle d’un personnage difficile et ingrat. Très fragmenté, on ne sait pas bien s’il s’agit d’un second rôle ou non. On aurait aimé l’entendre beaucoup plus, mais cet opéra est ainsi fait. Son air de l’avant-dernier tableau est prodigieux.
La jeune Nataliya Tymchenko (madame Galouzine dans le civil) en Emma, une soprano au timbre léger mais aux aigus puissants.
Marfa (Larissa Diadkova) et sa belle voix profonde et patinée par le temps. Il y a ici une adéquation idéale entre une chanteuse et son rôle.
Enfin, Orlin Anastassov chante Dosifei, le plus applaudi, en prêtre « vieux-croyant » à la sagesse mystérieuse. Il a lui aussi chanté Boris. Il domine le dernier acte, dans des tons clairs-obscurs, de sa voix feutrée.
Si l’on peut noter des longueurs dans la partition, notamment au deuxième acte, un récitatif dialogué, on ne s’en formalise guère. C’est aussi le caractère historique et politique de l’opéra. Golitsine (Vsevolod Grivnov) y apparait en baryton au timbre quelque peu étroit. Mais son rôle n’est pas très avantageux puisqu’il n’a aucun air véritable.
Le troisième acte voit revenir le chœur et une très belle « ballade de la Médisance » chantée par Vasily Efimov.
L’orchestre est également une réussite sous la direction de Michail Jurowski (père de Vladimir et de Dimitri).
Laurent Torrès
La Khovantchina
Gleb Nikolsky Prince Ivan Khovanski
Vladimir Galouzine Prince Andrei Khovanski
Vsevolod Grivnov Prince Vassili Golitsine
Sergey Murzaev Chakloviti
Orlin Anastassov Dosifei
Larissa Diadkova Marfa
Marina Lapina Susanna
Vadim Zaplechny Le Clerc
Nataliya Tymchenko Emma
Yuri Kissin Varsonofiev
Vasily Efimov Kouzka
Vladimir Kapshuk Strechniev
Igor Gnidii Premier Strelets
Maxim Mikhailov Deuxième Strelets
Se-Jin Hwang Un confident de Golitsine
Andrei Serban, Mise en scène
Laurence Fanon, Chorégraphie
Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’Enfants de l’Opéra national de Paris
Michail Jurowski, Direction musicale
Alessandro Di Stefano, Chef de chœur
Prix des places : 5€ // 15€ // 30€ // 50€ // 70€ // 90€ // 115€ // 140€
Les 6 et 9 février 2013 à 19h
Opéra Bastille
Diffusion en direct et en UER le 09/02 sur France-musique
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