La Force du destin – Opéra Bastille
C’est peu dire que La Force du destin était attendue à Paris. Trente ans que les spectateurs parisiens essayaient de la guetter au gré des saisons qui se succédaient. 2011 aura donc été l’année salvatrice de ce mal qui commençait à devenir de mauvais augure. Coproduite avec le Liceu de Barcelone, la nouvelle production proposée en première à l’Opéra de Paris a été confiée à Jean-Claude Auvray. Illustre metteur en scène d’opéra, Mr Auvray n’en est pas à son coup d’essai, lui qui a déjà mis en scène de nombreuse fois La Force du destin par le passé. À partir de ce constat se pose immédiatement la question de savoir pourquoi Nicolas Joel a choisi un metteur en scène de l’ancienne génération pour une telle reprise. Car le résultat n’est que des plus classiques et manque de folie et d’énergie.
Le principe est ici simple : reprendre le système des toiles peintes par addition ou soustraction (…) afin de créer des images davantage suscitées par le discours émotionnel de la musique, que par l’action purement narrative vécue par les personnages. Ce parti-pris permet de créer de belles images magnifiées par la lumière de Laurent Castaingt et les somptueux costumes d’époque de Maria-Chiara Donato (fin de l’Acte 1 dans l’église du couvent, début de l’Acte 2 avec la plainte mélancolique de Don Alvaro et finale dans l’ermitage). Mais qu’en est-il du reste ? Que ceux qui s’attendaient à voir un grand spectacle passent leur chemin, le budget semblant être directement allé dans la production de Faust de Jean-Louis Martinotti. Nous aurions par exemple préféré redécouvrir l’excellente mise en scène de David Alden présenté en 2006 à l’Opéra de Munich. Il sera en revanche intéressant de découvrir la captation audiovisuelle de cette nouvelle production réalisée par Olivier Simonnet. Pour cela, il faudra se rendre dans les salles de cinéma le 8 décembre prochain pour se faire une meilleure idée de cette mise en scène somme toute cinématographique.
La force de Philippe Jordan
Rien ne l’arrête, il triomphe dans tous les répertoires qu’il dirige. Après son imposante tétralogie wagnérienne et son Cosi Fan Tutte à Garnier, le chef d’orchestre Philippe Jordan se voit de nouveau couronné maître de la soirée grâce à sa puissante direction. Il faut le voir diriger pour le croire : le buste relevé et la tête haute, la rigueur germanique passe parfaitement chez Verdi. Habituée à être entendue lors de nombreux concerts et autres récitals, l’ouverture si connue de La Force du destin n’a jamais aussi bien résonné que dans l’enceinte Bastille grâce à des cuivres et des percussions élevées au plus haut niveau. Autre moment de grâce, le Pace, Pace entonné par la vigoureuse Violeta Urmana (Donna Leonora) accompagné par la gracieuse harpe d’Emmanuel Ceysson.
Porté malade, Marcelo Alvarez a laissé sa place au ténor spinto Zoran Todorovich (Don Alvaro) qui se débrouille tant bien que mal à la différence du baryton Nicola Alaimo (Fra Melitone), grande révélation de la soirée par sa présence physique et son enthousiasme. À ses côtés, la basse Kwangchul Youn (Padre Guardiano) maintient une voix ecclésiastique à en faire perdre la foi. Il manque simplement de l’audace et du panache à cette production qui ravira les adeptes du genre classique. Qu’importe, la musique est bien à son avantage : Viva V.E.R.D.I comme qui dirait.
Edouard Brane (Twitter: Cinedouard)
A découvrir sur Artistik Rezo :
– La Force du destin – diffusion en direct dans les salles UGC (8 décembre)
La Force du destin
Musique de Gioseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave – en langue italienne
Direction musicale : Philippe Jordan
Mise en scène : Jean-Claude Auvray
Décors : Alain Chambon // Costumes : Maria Chiara Donato // Lumières : Laurent Castaingt // Chorégraphie : Terry John Bates // Chef du Chœur : Patrick Marie Aubert
Avec : Mario Luperi (Il Marchese di Calatrava), Violeta Urmana (Donna Leonora), Vladimir Stoyanov (Don Carlo di Vargas), Marcelo Alvarez (les 20, 26, 29 nov., 2, 8, 11 déc.) / Zoran Todorovich (les 14, 17, 23 nov., 5, 15, 17 déc.) (Don Alvaro), Nadia Krasteva (Preziosilla), Kwangchul Youn (Padre Guardiano), Nicola Alaimo (Fra Melitone ), Nona Javakhidze (Curra), Christophe Fel (Un Alcade ), Rodolphe Briand (Mastro Trabuco) et François Lis (Un Chirurgo)
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Prix des places : 5€, 15€, 40€, 75€, 105€, 130€, 150€, 170€ et 180€
Durée du spectacle : 3h40 avec 2 entractes
Opéra Bastille
Place de la Bastille
M° Bastille
[Crédit photo : Opéra national de Paris/ Andrea Messana]
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...