La Flûte enchantée de Jean-Paul Scarpitta au Théâtre du Châtelet
Qui ne connaît pas la Flûte enchantée, oeuvre très populaire dans la culture occidentale, en apparence simple mais énigmatique.
Mozart, à l’époque, avait pris le parti de la langue allemande afin de rendre son opéra accessible à tous, et pas uniquement aux aristocrates. Ce qui ne les a pas empêchés de se rendre dans les faubourgs de Vienne pour l’entendre.
Pour une une raison moins idéologique, rappelons aussi que c’est une commande d’Emmanuel Schikaneder, auteur du livret, Directeur du Theater auf der Wieder, qui comptait sur la collaboration d’un compositeur en vue pour attirer des spectateurs en nombre. C’est sans doute pourquoi on retrouve avec joie ces airs connus et attendus, interprétés magnifiquement au Théâtre du Châtelet dans une mise en scène claire qui rend accessible le livret.
En effet, Jean-Paul Scarpitta a pris le parti de supprimer les dialogues parlés en allemand du singspiel, et de les remplacer par deux récitants en français. Ces derniers introduisent les airs des personnages et guident le spectateur dans sa compréhension de l’intrigue, en contant. C’est déroutant au début, et parfois cela fossilise un peu les chanteurs privés en quelque sorte d’une partie de leur jeu d’interprètes.
Toutefois, le propos de Schikaneder de populariser la philosophie des Lumières est bien défendu, grâce également aux effets de lumières d’Urs Schönebaum – ancien assistant de Bob Wilson – opposant la nuit et le jour, le mal et le bien, les ténèbres et le soleil. L’ opéra délivre un message clair : il faut éduquer l’ homme pour l’aider à sortir de l’obscurantisme, à se défaire de ses préjugés et de ses superstitions, et lui permettre d’accéder à une véritable autonomie intellectuelle ainsi qu’ à un état d’humanité supérieure. C’est tout le sens du parcours de Tamino et de Pamina. Aussi clairement s’opposent le monde de la Reine de la Nuit et celui de Zarastro. Tout est doré et lumineux à la cour de Zarastro et l’on peut s’émerveiller devant le travail du marionnettiste et de son lion géant, animal sauvage et noble à la fois, très impressionnant. Des lions masqués évoluent gracieusement et rappellent les dieux égyptiens, présents dans le livret. C’est superbe !
De magnifiques lumières éclairent le jeune couple initié dans le tableau final surplombant la cour de Zarastro; sur une balançoire élevée dans le ciel, des enfants aux voix cristallines et pures, guident Tamino et Papageno dans leur quête de la lumière. Tous deux ont réussi à s’élever au-dessus de leurs passions. Sandrine Piau, en Pamina, est déchirante dans sa douleur quand Tamino se détourne pour observer la loi du silence.
La mise en scène clarifie cette initiation aux allures maçonniques. Le jeune homme passe des épreuves avant d’être élu tandis que Papageno, pendant comique de Tamino, ne cesse de jacasser comme une oie.
C’est ici un homme-canari, attiré par toutes les oiselles qui virevoltent autour de lui et suivi par un étrange paon.
Tous les arts sont représentés sur la scène. Chanteurs, danseurs, comédiens, musiciens, acrobate, mime avec une magnifique licorne et un paon hystérique sans oublier le dragon, ruban gigantesque qui se soulève pendant toute la première scène.
Ce très beau spectacle total propose une version simplifiée de La Flûte enchantée chantée en allemand mais racontée en français, en respectant le livret pour le rendre accessible aux plus jeunes et peut-être au public qui n’ a pas l’habitude de se rendre à l’opéra.
Marie Torrès
La Flûte enchantée
Singspiel en deux actes
Livret d’ Emmaniel Schikaneder
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
Créé au Theater auf der Wieden de Vienne le 30 septembre 1791
Au Théâtre du Châtelet
Place du Châtelet
Métro : Châtelet
Les 1er et 3 octobre à 20 h et le 4 octobre 2009 à 16 h
Tarif : 125 €, 90 €, 60 €, 40 €, 25 €, 10 €
Réserver par téléphone au 01 40 28 28 40
www.chatelet-theatre.com
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