La Finta Giardiniera – Mozart – Atelier Lyrique
MC93 de Bobigny, le 23 juin 2012. Il est 22h45 et les jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, épuisés, arpentent les coulisses, s’embrassent et se félicitent mutuellement. Ils viennent d’interpréter avec succès La Finta Giardiniera, opéra de jeunesse de Mozart composé à l’âge de 18 ans. Au loin, le metteur en scène Stephen Taylor les regarde avec fierté et admiration. « C’est un vrai régal. Cette œuvre déborde d’amour et de jeunesse, tout comme les chanteurs de l’Atelier Lyrique : ils respirent cet amour, ils sont cette jeunesse. »
Stephen Taylor n’en est pas à sa première collaboration avec l’Atelier Lyrique. Il les côtoie depuis 1998 et a vu défiler nombre de jeunes talents depuis les dix dernières années. « Ils sont dans une recherche constante et sont continuellement en demande de travail afin de s’améliorer. J’y ai croisé nombre de jeunes talents à la personnalité bien différente, mais toutes exceptionnelles ». Après L’isola disabitata de Haydn, Didon et Enée de Purcell, Orphée et Eurydice de Gluck (en collaboration avec Dominique Pitoiset) et Le songe d’une nuit d’été au Palais Garnier, voici donc sa vision classique de La Finta Giardiniera de Mozart.
« Cette mise en scène ne ressemble pas vraiment à mon travail habituel. J’ai souhaité l’ancrer dans un contexte historique bien particulier. Nous sommes à l’aube du romantisme et du Sturm und Drang. Les sentiments se déchainent à chaque instant faisant de cette œuvre un dramma giocoso à mi-chemin entre l’opéra buffa et semi-seria. » Il faut dire que dans cette histoire aux allures shakespearienne et goldonienne, la femme lutte contre l’instinct prédateur des hommes. Il en est ainsi de la Marquise Violante alors laissée pour morte par le Comte Belfiore et qui espère bien se venger de la perfidie masculine. Un livret qui donne droit à des situations qui s’enchaînent à un rythme dynamique, à l’image de la partition d’un Mozart boulimique.
De la Marquise à la Comtesse
« Nous sommes entre Marivaux et Musset. La femme est déjà au centre de l’œuvre de Mozart comme elle le sera plus tard lors de ses collaborations avec le librettiste Lorenzo Da Ponte. La Finta est un avant-goût ses œuvres plus matures. On y rencontre déjà La Comtesse, le Comte et le Figaro des Noces tandis que le Podesta et le Comte Belfiore sont des prototypes d’un Don Giovanni version ténor. » Cette avance sur le temps permet ainsi à Stephen Taylor d’inventer quelques anachronismes bienvenus qui font échos aux personnages qui s’inventent eux-mêmes au fil de leur nuit initiatique.
Surtout, elle permet aux jeunes chanteurs de se familiariser avec les personnages mozartiens, déjà d’une grande complexité. Parmi eux, la soprano Andreea Soare (Sandrina), la mezzo-soprano Marianne Crebassa (Ramiro) et le baryton Florian Sempey (Nardo) s’en sortent avec les meilleurs mérites au côté du reste de la distribution homogène et portée par la même énergie.
Après le débriefing de la soirée, la fatigue se fait sentir et le MC93 de Bobigny se vide petit à petit de ses artistes pour pouvoir mieux faire place aux restes des représentations en alternance avec d’autres chanteurs de l’Atelier Lyrique. Pour Stephen Taylor, c’est un nouveau pari gagné. Une soirée pleine de vitalité dont on sort grandi comme il l’affirme lui-même : « Nous avons traité cet opéra avec légèreté tout en nous amusant. » Bonne nouvelle, le public les a suivis avec le même état d’esprit et la même innocence juvénile.
Edouard Brane
Twitter : Cinedouard
La Finta Giardiniera
De Mozart
Direction musicale : Guillaume Tourniaire (23 et 25 juin) // Iñaki Encina Oyón (27 et 29 juin)
Mise en scène : Stephen Taylor
Décors : Laurent Peduzzi // Costumes : Nathalie Prats // Lumières : Christian Pinaud
Kévin Amiel (23, 25, 27, 29 juin) : Don Anchise, Podestà, ténor
Andreea Soare (23, 27 juin) / Chenxing Yuan (25, 29 juin) : Sandrina, soprano
Cyrille Dubois (23, 27 juin) / João Pedro Cabral (25, 29 juin) : Comte Belfiore, ténor
Ilona Krzywicka (23, 27 juin) / Élodie Hache (25, 29 juin) : Arminda, soprano
Marianne Crebassa (23, 27 juin) / Anna Pennisi (25, 29 juin) : Ramiro, mezzo-soprano
Zoe Nicolaidou (23, 27 juin) / Maria Virginia Savastano (25, 29 juin) : Serpetta, soprano
Florian Sempey (23, 27 juin) / Michal Partyka (25, 29 juin) : Nardo, basse
Pianistes-chefs de chant : Françoise Ferrand, Jorge Giménez, Philip Richardson et Alissa Zoubritski
Orchestre-Atelier Ostinato
Tarif : 25€
MC93 Bobigny
9, boulevard Lénine
93000 Bobigny
[Crédits photos: Opéra de Paris / Mirco Magliocca]
Articles liés
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...