La Dame du Lac – Opéra Garnier
Créé en 1819 à l’Opéra de Naples, La Donna del Lago est le premier opéra romantique du grand compositeur Gioacchino Rossini alors âgé de 27 ans. Sa réputation n’est plus à faire et il a déjà été acclamé à travers l’Europe grâce à ses chefs d’œuvres tels que Le Barbier de Séville, La Cenerentola et Otello. Mais quand vient cette Dame du Lac tirée de l’œuvre de William Scott, les réactions sont très mitigées et le public italien découvre un nouveau Rossini qui annonce déjà son dernier opéra Guillaume Tell. En cette fin de saison 2009/2010, Nicolas Joel a souhaité faire plaisir au public parisien en lui offrant le Palais Garnier pour cette nouvelle production et une distribution en or pour clore sa première année à la tête de l’Opéra de Paris.
Une mise en scène pas si classique que cela
Stupéfaction après les huées émises le soir de la première, face une telle réaction facile et injuste provenant de l’audience. A y regarder de plus près, la mise en scène élaborée par Lluis Pasqual est certes classique mais propose en plus une lecture nostalgique et mélancolique de l’œuvre de Rossini. Plusieurs décors se croisent ici : une grotte, une forêt, un palais et bien entendu le fameux Lac Katrine L’idée du metteur en scène est ici d’associer trois décors en un : un opéra/palais en colonnade sur deux étages, une falaise fissurée en diagonale et une peinture fatiguée et endommagée d’un paysage de la douce Ecosse. La présence de plusieurs éléments comme une harpe, un pupitre et un banc en marbre sont autant de signes démontrant que le metteur en scène a souhaité, avec l’aide de son décorateur Ezio Frigerio, orienter sa mise en scène vers le romantisme absolu : la solitude, la mélancolie, le désastre, le morbide et le rêve sont autant de thèmes que l’on retrouve ici.
Les chanteurs, les danseurs et les avatars
L’intrigue de La Dame du Lac tourne autour de l’amour que portent trois hommes à la même femme, taraudée par ses propres sentiments, la pression exercée par son père et les problèmes politiques qui vont avec. Ici encore, trois représentations pour une même histoire. D’un côté la présence des chanteurs évoluant autour du lac, de l’autre quatre danseurs dansant en harmonie avec la musique résumant ce conflit mélodramatique, et enfin au dernier étage du palais des avatars des personnages principaux sortant tout droit d’un rêve ou d’un cauchemar éveillé. Outres ces trois points en un, il faut aussi souligner et féliciter le très beau travail effectué par Vinicio Cheli à la lumière. Là encore l’appel au romantisme est bien présent et émerveille entre ces couleurs fluo passant du bleu clair ou rouge sang jusqu’à l’orange « heure-magique ». Ceux qui à l’entracte pouvaient admirer le plafond de la salle Garnier avec la peinture de Marc Chagall ne pouvaient pas manquer d’y faire un rapprochement.
De l’époque médiévale au XIXème siècle
Cependant, le public reste dubitatif face à ces deux époques qui se chevauchent entre les chanteurs habillés en cotte de maille et le chœur vêtu de grands habits du XIXème siècle, déjà préparé dès le levée de rideau pour la scène finale. De même, laisser le chœur de l’Opéra de Paris debout de façon statique ne convainc pas, malgré son talent pour le chant préparé d’une main de maître par le chef de cœur Alessandro Di Stefano.
Place aux voix !
On l’a donc compris, Nicolas Joel aime les voix. On ne le remerciera jamais assez pour ce plateau, avec une mention très spéciale pour Daniela Barcelonna dans le rôle de Malcolm. Dès son arrivée sur scène pour l’air Mura felici, ce fut une réussite et un plaisir pour les oreilles. Son talent n’étant plus à démontrer, Joyce DiDonato interprète une Elena toute en finesse. Elle fait frémir l’assitance lors du final Tanti Palpitti, grand air s’il en est, du bel canto et faisant échos au final de La Cenerentola Non piu mesta (voir son interview). Juan Diego Florez, après son récital à la Salle Pleyel en mars dernier, nous a semblé un peu souffrant, mais réussit tout de même à nous émouvoir avec son air au début du deuxième acte Oh fiamma soave che lalma. Dommage qu’il soit obligé de chanter devant un arbre en carton assez mal dessiné et finalement inutile. Enfin, on peut reprocher à la direction de Roberto Abbado de ne pas prendre assez son temps lors des moments tragiques pour se précipiter trop rapidement vers les crescendos rossiniens que son orchestre réussit néanmoins parfaitement.
Nouvel opéra inscrit au répertoire de l’Opéra de Paris, cette Dame du Lac enchante pour ses voix divines mais déconcerte les passionnés de mise en scène, déçus par le manque de dynamisme. Cette dernière offre pourtant de sublimes instants comme cette scène finale toute droit sortie d’un film de Luchino Visconti avec ces majestueux lustres aux couleurs variées. On espère en tout cas voir prochainement au répertoire de l’Opéra de Paris deux autres chefs-d’œuvres de Rossini trop peu présentés : La Pietra del Paragone pour l’opéra-buffa et/ou surtout Tancredi pour l’Opéra-Seria.
Lire aussi sur Artistik Rezo, de superbes chanteurs pour La Dame du Lac.
La Dame du Lac
Musique de Gioacchino Rossini (1792-1868)
Livret d’Andrea Leone Tottola, d’après le poème de Walter Scott « The Lady of the Lake »
En langue italienne
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Du 14 juin au 10 juillet
Prix des places : 7€, 10€, 21€, 40€, 70€, 116€, 172€
Durée du spectacle : 3h15 avec entracte
Réservations : 08 92 89 90 90
Palais Garnier
Métro Opéra
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