La Dame blanche version Harry Potter
C’est un véritable succès populaire du XIXe siècle qui nous revient aujourd’hui à l’Opéra Comique. Une histoire d’amour sur fond de fable magique du Moyen Âge, entre Harry Potter et la Reine des Neiges, que Pauline Bureau met en scène avec un kitsch assumé. Le jeune chef Julien Leroy dirige avec une belle fougue l’Orchestre national d’Île-de-France et des chanteurs très investis.
Une partition musicale sous l’influence de Rossini
Boieldieu eut au XIXe siècle son heure de gloire avec un opéra salué par son maître Rossini, mais aussi applaudi par Debussy en France et Wagner en Allemagne. Sans parler de chef-d’œuvre musical, l’opéra possède un aspect désuet de par ses dialogues parlés et ses nombreux emprunts, mais le chœur se révèle assez exceptionnel à certains moments, notamment celui de la mise aux enchères du château au final de l’Acte II. Les périlleux solos de bel canto de Georges et Anna, les duos et les faux canons, très bien interprétés ici, démontrent une audacieuse richesse musicale, variée et accessible. Le chef Julien Leroy, qui dirige l’excellent chœur Les Éléments et l’Orchestre national d’Île-de-France, fait preuve d’une magistrale maîtrise et d’un respect détaillé du livret dans ses moindres détails, romantiques ou folkloriques.
Une version en carton-pâte
Pauline Bureau, très inspirée dans ses mises en scène au théâtre, a suivi de près l’imagerie gothique écossaise avec kilts et tartan, ambiance brumeuse à la Harry Potter et vidéos de la Dame blanche qui apparaît en fantôme vaporeux et flottant sur les remparts comme la Reine des Neiges. On peut être surpris par cette imagerie à la Walt Disney qui colore en orange les barbes des campagnards et de rose les robes des femmes aux couettes bien blondes, tant elle semble hésiter entre un réalisme premier degré et l’ironie d’une fable un peu trop scolaire. Certaines scènes tirent en longueur et d’autres demeurent trop statiques, ce qui donne un aspect carte postale à une œuvre qui aurait besoin de légèreté et de mystère. Le souffle arrive plus tard, et surtout grâce aux interprètes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Un casting judicieux
Sophie Marin-Degor et Yann Beuron excellent tous deux dans le couple de campagnards qui accueillent Georges Brown, le jeune officier protégé par la Dame blanche, incarné par le ténor Philippe Talbot, jovial et boute-en-train, capable de belles échappées lyriques dans les aigus. Gardienne du château hanté, Aude Extrémo donne au personnage de la vieille nourrice Marguerite un aspect étrangement hiératique, avec son timbre grave, élégant et altier, et Jérôme Boutillier attendrit un Galveston peu sympathique. Enfin, Elsa Benoit irradie dans le personnage de la jeune Anna, déterminée et autoritaire, fragile et solaire, douée d’un fort tempérament dramatique qui cisèle comme de la dentelle ses vocalises aériennes. Il faut donc se laisser aller dans cette histoire d’amour et de fantômes en quête d’une aristocratie perdue.
Hélène Kuttner
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