La Comédie Infernale – Palais Garnier
Quelle image le serial killer renvoie-t-il aujourd’hui ? John Malkovich et Michael Sturminger le représentent aux enfers. Va-t-il avouer ses crimes ? Tel est le suspens de ce théâtre musical, sans compter le plaisir de voir sur scène l’interprète du Valmont des Liaisons Dangereuses, qui ont fait sa notoriété.
Étrangement fascinant et franchement abject, tel est le personnage qu’interprète John Malkovich dans cette Comédie Infernale. Tout son pouvoir de séduction opère sans relâche. Il sait doser les caresses et la force. Les femmes le poursuivent de leur haine ou de leur amour mais ne le laissent jamais en repos. Deux sublimes sopranos accompagnent le comédien, incarnant tour à tour, la mère absente, la bien-aimée, la victime, l’admiratrice. La scène avec la mère émeut beaucoup la salle. La voix sublime, douce et tendre de la soprano exprime toute la douleur de l’abandon accepté.
John Malkovich fait naître toutes les émotions. La compassion, la pitié, la répulsion, le désir, et même la sympathie. « Je suis une imposture », clame-t-il pourtant à la salle complice de ses crimes qu’il accomplit à nouveau sous ses yeux, mettant plus tard lui-même en scène sa propre mort. Son propos est cynique, son dieu, c’est l’argent. De nombreux clins d’oeil à notre société d’aujourd’hui. Wikipédia internet, PC ou Mac… Les journalistes avides de faits divers ont créé de toutes pièces ce monstre.
Le spectateur, malmené, est partagé, mal à l’aise car il ne peut s’empêcher de rire de l’humour caustique du personnage et assiste en témoin complice simultanément à ses invectives et à ses actes de violence. Il se fait craindre et rassure de tendres caresses. Tel un serpent, il charme autant le public que les femmes qui le poursuivent. Démiurge, il se confesse, faisant naître les souvenirs soutenus magistralement par l’orchestre de l’Académie de Vienne.
Le chant lyrique met une distance effroyable entre le serial killer et la grandeur des sentiments invoqués par les compositeurs. Tandis que les personnages de Mozart ou de Glück sont dominés par les dieux tout-puissants qui régissent l’univers et les hommes, soumis à la fatalité et aux crimes de leurs ancêtres, ce criminel moderne n’a pas de dieux. Pourtant, il s’élève, grandi par la toute puissance et beauté du chant lyrique. Il n’est plus un serial killer mais un héros déchu.
Marie Torrès
La Comédie Infernale
Théâtre musical de Michael Sturminger et Martin Haselböck
Avec John Malkovich
Oeuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, Georg Friedrich Haendel, Luigi Boccherini, Carl Maria Von Weber, Antonio Vivaldi, Christoph Willibald Gluck
Sopranos : Bernarda Bobro, Aleksandra Zamojska
Orchester Wiener Akademie
Direction musicale Martin Haselböck
Le 13 mai 2010
Palais Garnier
Place de l’Opéra
75009 Paris
Métro Opéra
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