La Clémence de Titus – Opéra Garnier
Redécouverte sur le tard dans les années 80, cette ultime œuvre testamentaire est une ode à l’humilité, la bonté, la générosité, mais aussi le pardon. Composé en l’honneur du couronnement de Léopold II en 1791, l’opéra pourrait paraître comme un monument à la gloire du souverain.
L’échec d’un roi
C’est à partir de ce constat que Willy Decker a conçu son intriguante mise en scène créée en 1997 et reprise en ce début d’année à l’Opéra Garnier. Au lever de rideau, un monolithe en marbre trône au centre de la scène. Le mal n’est pas encore fait que déjà le souverain Titus refuse la couronne que lui tend son capitaine Publio. Pour Willy Decker, il s’agit avant tout de l’échec annoncé d’un roi ne pouvant réussir à faire le bien face à la cruauté du monde qui l’entoure. Morcelé de parts et d’autres au fur et à mesure de l’action, ce monolithe cachera en fait un buste géant de Titus qu’il n’arrivera pas lui-même à admirer. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si lors de la scène finale, ce monument fera face à un Colisée encore en feu, tournant le dos au public. Peut-être y manque-t-il juste une couronne… Celle-ci même qui passe entre les mains des trois prétendantes de Titus mais qui ne convient à personne. À l’heure où l’humain est en quête (ou conquête) permanente des pleins pouvoirs, Mozart est toujours présent pour nous rappeler à l’ordre. Il nous apprend surtout à rester humbles par le biais de sa musique quasi sacrée.
Hibla Gerzmava / Stéphanie d’Oustrac
Tout au long de l’opéra, Titus est présenté comme un homme envahi d’illusions et de naïvetés, guidé par des sénateurs-conspirateurs. Ce voyage le conduira vers une mélancolie palpable au son de la voix de ténor à qui le rôle est confié. Klaus Florian Vogt, plus wagnérien que mozartien, l’incarne avec conviction bien que ce rôle ne soit pas vraiment fait pour lui. Il en est tout l’inverse de Hibla Gerzmava (Vitellia) et Stéphanie d’Oustrac (Sexto) qui incarnent leurs personnages avec respectivement tout ce qu’il faut de fureur et de chagrin. Mozart a composé pour eux deux airs étourdissants de beauté. Pour Sexto, Parto, parto avec sa clarinette et pour Vitellia Non piu di fiori avec son cor de basset. Deux airs chantés avec conviction et légèreté pour la première, force et puissance pour la seconde. Les tableaux peints du décorateur John Macfarlane font quant à eux écho aux œuvres de Bacon et de Chagall. Ils insistent plus sur le flou et le drame qui se déroule devant nous. Un cadre et un hémicycle penchés viennent enfin enfermer tout ce beau monde. Seul Titus restera seul et allongé, rideau baissé, attendant que les dieux éternels tranchent pour sa vie… une fois Rome en paix.
Edouard Brane
La Clémence de Titus
Direction musicale : Adam Fischer
Mise en scène : Willy Decker
Décors et costumes : John Macfarlane
Lumières : Hans Toelstede
Chef de chœur : Alessandro Di Stefano
Avec : Klaus Florian Vogt (Tito Vespasiano), Hibla Gerzmava (Vitellia), Amel Brahim-Djelloul (Servilia), Stéphanie D’Oustrac (Sesto), Allyson McHardy (Annio), Balint Szabo (Publio)
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Du 10 septembre au 8 octobre 2011
Les 10, 12, 15, 20, 23, 26 et 30 septembre
Les 5 et 8 octobre
Tarifs : 10€, 25€, 45€, 70€, 115€, 140€ et 180€
Durée : 2h55 (avec un entracte)
Opéra Garnier
8, rue Scribe
75009 Paris
M° Opéra
[Crédit : Opéra national de Paris/ Mirco Magliocca]
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