La Cenerentola 2012 – 2013 – Opéra Garnier
On s’émerveille du décor ingénieux de Jean-Pierre Ponnelle aux allures d’albums de jeunesse. Celui-ci plonge le spectateur dans l’atmosphère merveilleuse des contes de fées. A la fois en carton-pâte, grisâtre, et à moitié achevé, avec un toit qui laisse passer, de manière très réaliste la pluie, la demeure de Cendrillon est à l’image de la misère du baron. C’est un véritable bric à brac dans lequel les pièces se révèlent les unes après les autres, comme dans un album qu’on actionne par un système de tirettes, à l’instar des ficelles du théâtre, échos symboliques du décor théâtral artificiel. Cela crée un effet de surprise et d’enchantement vraiment plaisant.
Sous une lumière dorée, la maison s’anime avec les chanteurs qui mêlent les registres séria et buffa. A Cendrillon très réaliste dans une tenue jaunâtre sans apprêt s’opposent les deux sœurs « pantins » dans des toilettes blanches à dentelles de poupées, rehaussées de coiffures cocasses. On souhaiterait les deux sopranos légèrement plus fantasques pour accentuer le caractère grotesque qui trancherait davantage avec Cendrillon. Le côté réaliste de leur jeu gêne un peu : plus stylisé, leur rôle prendrait plus d’envergure. Claudia Galli et Anna Wall ont cependant de magnifiques voix et créent beaucoup d’allégresse. Après Karine Deshaye, fabuleuse, dans la même production en novembre 2011, Marianna Pizzolato devient Cendrillon dans la distribution 2012. Généreuse, et virtuose, ses aigus sont parfaits. Toutefois, il faut un peu de temps pour se laisser convaincre. La soprano gagne néanmoins en prestance en princesse.
Le père, Bruno de Simone, un chanteur-acteur des plus renommés dans le monde de l’opéra international, incarne un Don Magnifico qui porte bien son nom, très subtil. Le superbe baryton-basse très charismatique surprend par la force de son jeu comique. A la fois drôle et impitoyable, il vient tout droit de la commedia dell’arte, c’est un véritable Pantalon, le barbon désagréable, cruel et arriviste.
Le ténor russe puissant et sensible, Maxim Mironov, au physique de jeune premier romantique, a une très belle présence. Ferme et droit, il incarne la justice et la noblesse des sentiments. Nicola Alaimo, quant à lui dès son entrée, fait sensation. Il rayonne et joue la duplicité avec finesse et enjouement. Il fait partager son plaisir manifeste à prendre sa revanche de valet sur le prince. Leur physique contraste plaisamment et ils forment tous deux un duo très drôle.
Dans ce jeu de travestissement très marivaudien, l’opéra brille par sa mise en scène bien réglée : c’est un jeu subtil de regards, de gestes, d’émotions devinées, retenues ou éclatantes, de courses à travers la scène, de postures et déplacements grotesques, de sorties et d’entrées minutées, de jeux de scène comiques.
Enfin saluons la prestation d’ Adrian Sâmptrean à la magnifique voix de basse qui crée un inoubliable Alidoro. Ce personnage deus ex-machina, très austère remplace la fée traditionnelle. Son caractère intransigeant, très prédicateur protestant, impressionne.
On a beaucoup de plaisir à redécouvrir cet opéra au registre larmoyant de la pièce plein de bons sentiments, dirigé magnifiquement par Riccardo Frizza.
Marie Torrès
Rossini – La Cenerentola
Direction musicale : Riccardo Frizza (A) / Bruno Campanella (B)
Mise en scène, décors et costumes : Jean-Pierre Ponnelle
Réalisation : Grischa Asagaroff // Lumières : Michael Bauer
Chef de chœur : Alessandro Di Stefano
Maxim Mironov (A) / Antonino Siragusa (B) Don Ramiro
Nicola Alaimo (A) / Riccardo Novaro (B) Dandini
Bruno De Simone (A) / Simone Alaimo (B) Don Magnifico
Claudia Galli (A) / Jeannette Fischer (B) Clorinda
Anna Wall (A) / Cornelia Oncioiu (B) Tisbe
Marianna Pizzolato (A) / Serena Malfi (B) Angelina
Adrian Sâmpetrean (A) / François Lis (B) Alidoro
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
(A) NOVEMBRE ⁄ DÉCEMBRE
(B) FÉVRIER ⁄ MARS
Du 22 novembre 2012 au 25 mars 2013
Palais Garnier
M° Opéra
[Crédit : Opéra national de Paris/ Christian Leiber]
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