Les contes d’Hoffmann à l’Opéra Bastille
D’origine canadienne, Robert Carsen est l’un des metteurs en scène les plus acclamés du monde et ses productions sont reprises depuis maintenant plus de vingt ans dans toutes les grandes maisons d’Opéra. Pourquoi donc se priver d’un tel talent en remettant à l’affiche sa production des Contes d’Hoffmann créée en 2000 ? Les mérites en reviennent au directeur de l’Opéra de Paris, Nicolas Joël, qui, sans prendre de risque, ravira les plus enthousiastes.
Au début était le commencement
Aucun décor pour commencer mais juste un homme seul sur scène, décomposé et avachi par terre, entouré de bouteilles d’alcool vides. Voir un décor nu pour débuter un opéra fait toujours frémir et n’annonce généralement rien de bon. Plus de peur que de mal, le décor se met au contraire rapidement en place et l’on comprend que nous sommes en fait dans les coulisses d’un Opéra, au sein duquel Don Giovanni est en train d’être joué. C’est donc tout naturel de retrouver pour ce prologue notre ami Hoffmann au bar de l’Opéra et entouré de ses amis prêts à écouter ses tristes histoires d’amour.
Un Frank Ferrari habité
Outre Hoffmann que l’on retrouve tout au long de l’Opéra, il y a un autre personnage encore plus intrigant et qui semble avoir beaucoup plus intéressé le metteur en scène Robert Carsen. Cet individu que l’on rencontre sous plusieurs facettes, c’est le conseiller Lindorf, remarquablement interprété par Frank Ferrari. Tour à tour parrain de mafia, businessman, chef d’orchestre et metteur en scène, il excelle véritablement dans chacun des genres et sa présence fait de cette représentation un instant unique comme Nathalie Dessay avait su le faire dans le rôle de Coppelia en 2000.
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Olympia, Antonia et Giulietta
Les femmes, les femmes, les femmes. Hoffmann, poète maudit, en est fou et nous le démontre en trois tableaux. Il y a tout d’abord l’automate Olympia. Pour ce premier conte, Carsen nous transpose dans les coulisses d’une scène d’Opéra où mécaniciens, pompiers, maquilleuses, figurants et chanteurs entourent les protagonistes rassemblés dans un laboratoire en confection. Moment magique, l’air des oiseaux dans la charmille est brillamment pensé sans jamais tomber dans la vulgarité et enchante toujours autant l’assistance.
Puis vient l’arrivée d’Antonia. Pour ce deuxième tableau, nous nous retrouvons dans une fosse d’orchestre avec vue sur une scène imposante située en hauteur avec les rideaux fermés. Déjà entendue cette année dans Mireille et La Bohème, Inva Mula excelle à nouveau en interprétant majestueusement cette pauvre fille condamnée à la mort à force de trop chanter. Un peu plat par instants, le final de cette partie reste cependant un fabuleux moment.
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La grandeur de cet Opéra d’Offenbach ne serait rien sans ce troisième tableau censé se dérouler à Venise dans un palais où tient place une somptueuse orgie. Ici, la citée des Doges est remplacée par la salle de l’Opéra où un public prend place sur des fauteuils se balançant au rythme de la barcarolle, telle des gondoles naviguant sur la lagune. La lumière rougeâtre de Jean Kalman est intelligemment pensée et nous ravit par ses atténuations constantes, jusqu’à son final à nouveau tragique.
La sortie des artistes
Malheureux et sans plus aucune inspiration, Hoffmann semble au final condamné à errer dans le vide et à être oublié de tous. Heureusement pour lui, la Muse sera là pour le prendre sous son aile et partir avec lui vers un au-delà en empruntant la sortie des artistes. À ce titre, le plateau vide du prologue que l’on retrouve dans cet épilogue devient une évidence parfaite à nos yeux humides et à notre âme touchée de plein cœur.
Les contes d’Hoffmann n’en finiront pas de nous bouleverser à chaque représentation et de nous faire rire, pleurer et songer tout en même temps. Cette reprise est une réussite par l’imposante stature de Frank Ferrari faisant face à un Hoffmann (Giuseppe Filianoti) un peu effacé mais entouré de belles sopranos avec une mention spéciale pour Inva Mula dans le rôle d’Antonia.
Edouard Brane
Lire aussi sur Artistik Rezo, la critique de Marie Torrès.
Les contes d’Hoffmann
Direction musicale Jesus Lopez-Cobos
Mise en scène Robert Carsen
Décors et costumes Michael Levine
Lumières Jean Kalman
Mouvements chorégraphiques Philippe Giraudeau
Chef de choeur Patrick Marie Aubert
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Mai 2010 : Vendredi 7 à 19h30, Dimanche 9 à 14h30, Mercredi 12 à 19h30, Lundi 17 à 19h30, Jeudi 20 à 19h30, Dimanche 23 à 14h30, Mercredi 26 à 14h30, Samedi 29 à 14h30
Juin 2010 : Mardi 1er à 19h30, Jeudi 3 à 19h30
Tarifs : 5€, 9€, 20€, 35€, 54€, 76€, 92€, 116€, 138€
Réservations : 08 92 89 90 90
Opéra Bastille
Place de la Bastille
75012 Paris
Métro Bastille (lignes 1, 5 et 8)
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