La ville morte de Korngold triomphe à l’Opéra Bastille
Composé en 1920, par un compositeur de vingt-trois ans, cet opéra s’inspiré de la pièce Le Mirage de George Rodenbach, adaptée du roman Bruges-La-Morte du même auteur.
Cette partition peu connue en France s’inspire à la fois du Strauss du Chevalier à la rose, mais aussi de Puccini. L’orchestre bouillonnant se saisit de la conduite dramatique – le livret n’est certainement pas un chef-d’oeuvre – à travers l’ apparition de motifs psychologiques aisément repérables et l’établissement d’une palette aux mille couleurs. Pour les connaisseurs, l’orchestre rappelle surtout l’écriture orchestrale des Gürre lieder de Schoenberg, ou encore, des opéras de Zemlinsky et de Schreker, malheureusement si peu joués en France. La ligne vocale est en revanche puccinienne.
La mise en scène de Willy Decker nous transporte habilement dans ces régions rêvées où la réalité et l’imaginaire s’entremêlent.
Bruges, ville poétique est entourée de canaux comme Venise, villes décadentes toutes deux, où véhicule une odeur nauséabonde. Marietta, la jeune actrice qui ressemble étrangement à Marie, la jeune épouse décédée de Paul, étouffe quand elle pénètre dans la chambre de ce dernier. Dans cet univers mortifère des eaux mortes, l’emprise de la mort règne sur le héros, pleinement absorbé par le portrait gigantesque au premier plan, de Marie. La direction scénique des chanteurs est parfois un peu légère aux actes un et trois : ils semblent tourner en rond.
Le récit bascule. L’ acte deux, qui s’enchaîne immédiatement, n’est qu’un rêve agité et cauchemardesque. Les murs, le sol, et le plafond s’ébranlent, et s’inclinent comme si le ciel tombait sur sa tête, comme s’il n’y avait plus aucune certitude. Ingénieusement, le plateau se dédouble, et le spectateur ébloui assiste au rêve éveillé de Paul.
Le parallèle avec Venise est flagrant avec l’apparition des bateaux de la procession, mais surtout avec l’univers du carnaval. La figure du Pierrot grimé, en caleçon, entouré de ses compagnons de bal, invite à la prise de conscience de l’emprise des sens.
Le portrait de Marie se multiplie à l’envie, gagne tout l’espace, avec lequel tente de rivaliser la jeune actrice Marietta. Ce culte de la morte se poursuit dans l’adoration de cette chevelure d’or aux pouvoirs meurtriers. C’est elle qui étrangle Marietta. Est-ce un avertissement de la morte ? Un rêve prémonitoire ? Quand la jeune actrice, vivante, revient à la fin chercher son bouquet de roses rouges comme le sang et l’amour, Paul se détourne de Marie et de Marietta : il décide de partir pour vivre.
La Ville morte, c’ est avant tout le combat de la vie contre la mort : Marietta clame très fort son droit à la vie, à la gaieté, à l’amour, et à la chair. Les voix très lyriques revendiquent ce droit à la vie tandis que le portrait – image obsédante se tait.
Marie Torrès
La Ville morte
OPÉRA EN TROIS TABLEAUX (1920)
MUSIQUE D’ERICH WOLFGANG KORNGOLD (1897-1957)
LIVRET DE PAUL SCHOTT D’APRÈS LA PIÈCE
LE MIRAGE DE GEORGES RODENBACH, ADAPTÉE
DU ROMAN, Bruges La Morte DU MÊME AUTEUR
En langue allemande
PINCHAS STEINBERG Direction musicale
WILLY DECKER Mise en scène
MEISJE BARBARA HUMMEL
Réalisation de la mise en scène
WOLFGANG GUSSMANN Décors et costumes
WOLFGANG GOEBBEL Lumières
ATHOL FARMER Chorégraphie
PATRICK MARIE AUBERT Chef du Chœur
NOUVELLE PRODUCTION
ENTRÉE AU RÉPERTOIRE
À l’ Opéra Bastille
Place de la Bastille
Métro : Bastille
Les 3, 9, 13, 16, 19, 22, 24, 27 Octobre
Prix : 138€, 116€, 92€, 76€, 54€, 35€, 20€, 9€, 5€.
Informations et réservations :
Par téléphone : 08 92 89 90 90
Par internet : www.operadeparis.fr
Au guichet : au Palais Garnier et à L’Opéra Bastille, tous les jours de 10h30 à 18h30 saufles dimanches et jours fériés.
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