Yodelice
Producteur, compositeur, auteur, interprète. A seulement 31 ans, Maxim Nucci a déjà tout fait et engrangé la reconnaissance de ses pairs. Créateur besogneux, il n’a pas résisté à l’envie de vivre sa passion à travers un personnage clownesque nommé Yodelice. Bien lui en a pris, cet alter ego diabolique connaît également un certain succès et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Artistik Rezo : Peux-tu m’expliquer la création du projet Yodelice en quelques mots ?
Yodelice : C’est un peu difficile (esquisse un sourire). En créant Yodelice, j’ai voulu une proposition artistique d’ensemble qui comprend une imagerie plus large que celle d’un musicien sur scène. J’étais marqué par les films impressionnistes du début du siècle dernier comme Freaks, les films sur la différence, sur l’image. Je suis aussi fasciné par l’univers du cirque. Je m’étais dit à l’époque que j’avais beaucoup de réserve à chanter des choses très personnelles et le moyen d’y arriver était de créer un clown… Ce clown n’existe qu’à travers sa proposition artistique. Enfin, je pourrais en parler des heures !
AR : Cela signifie-t-il que Yodelice n’a rien à voir avec Maxim Nucci…
A la fois oui et non parce qu’une nouvelle fois, lui n’existe qu’à travers sa proposition artistique alors que moi j’existe tout court ! Maintenant, ses chansons sont aussi les miennes, c’est mon parcours de vie qui les inspire, donc quelque part on se ressemble. Cela fait trois ans qu’on est ensemble, en tournées, donc forcément il y a une sorte de fusion. Il fait partie de moi et réciproquement.
AR : Ne serais-tu pas un peu schizophrène?
Ah si, carrément ! Au départ je ne pensais pas et finalement si. Mais c’est quelque chose qui contribue à mon équilibre. Les spectacles de Yodelice sont des moments d’évasion, quelque chose de très fort, d’essentiel même.
AR : Ce second disque, Cardioid, est plus sombre, plus psyché sur certains morceaux… T’es-tu influencé des groupes anglais des années 60-70 ?
Les Beatles et même les années 70 en général ont toujours fait partie de mes influences. Je n’avais pas de dessein prédéfini de ce à quoi allait ressembler l’album. J’ai écrit des chansons, la plupart sur la route, je les ai très vite intégrées aux spectacles de Yodelice , c’est quelque chose que je voulais jouer sur scène. Quand on a eu trois semaines ”off” au mois de janvier dernier, j’ai emmené tous mes musiciens avec moi (Maxim s’interrompt et propose quelque chose à boire avant de reprendre)… parce que ces gens ont énormément de talent et font partie intégrante de Yodelice , eux-mêmes ont leur personnage… Yodelice est un collectif qui m’inspire au quotidien… C’est rare qu’on fasse la même set-list, parfois on fait durer les morceaux, cela laisse une part très importante à la musique et à l’improvisation. Je voulais retrouver une partie de cela en studio. Je n’avais pas d’idées précises de plans ou de projections de ce que l’on a enregistré. On a enregistré vingt-quatre titres pour en garder seulement neuf !
Plus qu’une influence musicale, c’est un état d’esprit de ”lâcher prise”.
AR : Est-ce que le fait d’avoir suivi des études de musique en Angleterre t’as influencé à écouter des choses plus anglo-saxonnes que françaises ?
Oui, forcément. J’ai toujours fait des trucs merdiques en français parce que ce n’est pas mon truc ! (Il fait part de son admiration pour les ”auteurs français” avant de s’expliquer). Je suis très sensible aux sons, aux sonorités, aux harmonies, au groove et je trouve dans l’anglais quelque chose d’extrêmement chantant, musical, comme un instrument ; j’ai du mal à retrouver cela en français. Je n’ai pas le talent d’écrire en français. Peut-être qu’un jour j’aurai le déclic…
AR : Mais ne penses-tu pas que le fait de tout chanter en anglais n’est pas un frein pour le public français ?
Je pense qu’effectivement, cela peut-être une barrière pour quelqu’un qui ne comprend pas forcément la langue anglaise et de ne pas forcément comprendre ce que l’artiste raconte. Maintenant, il m’est arrivé de voir des concerts de chanteurs africains qui m’ont totalement transcendé. Je ne comprenais pas un mot de ce qu’ils chantaient mais j’avais l’impression que cela me touchait l’âme comme si on me racontait le plus beau des poèmes. Cela peut être un frein mais ce ne serait pas authentique de faire autrement, pour ma part….
AR : Es-tu étonné du succès du premier album?
Oui, c’était surprenant. Au moment où je l’ai fait, j’avais la sensation de faire un truc qui allait rester extrêmement confidentiel. Je voulais surtout faire de la scène… Je ne suis pas dans des projections d’accueil pour être honnête. Ce qui est important pour moi, c’est l’épanouissement artistique, c’est essayer de me surpasser. Je suis bien placé pour savoir qu’une carrière a des hauts et des bas. Ce qu’il faut c’est que je reste intègre, authentique et en accord avec ce que j’ai envie de faire… Je ne fais pas de musique en fonction des gens ou en tout cas, plus maintenant.
AR : Vous étiez trois sur scène l’an dernier, vous êtes désormais cinq. Pourquoi ce changement ? Pour rendre le son plus rond, apporter plus de profondeur aux titres ?
Pour plusieurs raisons. La quatrième personne est un batteur parce que jusqu’alors Yodelice avait une grosse caisse au pied (boîte à rythmes), ce qui a d’ailleurs donné des compositions très binaires avec une pulsation presque cardiaque comme ”My blood is burning” ou ”More than meets the eyes”. Quelque part, j’étais un peu prisonnier. J’avais envie de densité et de largeur (en terme rythmique), de pouvoir faire plein de choses et de pouvoir me déplacer sur scène, m’épanouir corporellement… Il y aussi la venue de Simone, une artiste incroyable. Elle sert un peu d’artiste ”à tout faire”, qui est un peu au clavier, aux percussions et qui parfois aussi prend le ”le lead”. De plus, c’est très agréable d’avoir une présence féminine et puis quelqu’un d’aussi charismatique…
AR : Parlons de la gent féminine, justement… N’est-ce pas un problème que les filles soient ”fans” de toi, parfois ?
Non, pas forcément (rires) !
AR : N’as-tu pas trop peur qu’elles s’intéressent plus à ton physique qu’à ta musique ?
(Un peu gêné) Je ne sais pas… On a fait trois ans de route, on a tout vécu. On a fait les festivals les plus rocks, on s’est retrouvés dans des festivals avec des programmations electro… On a eu nos premiers slams et nos premiers pogos sur Yodelice mec ! Il y a de tout et cela me plaît. Je ne sais pas (évasif). En même temps j’aime les femmes donc je suis très heureux si la gent féminine est présente mais j’espère que Yodelice est plus fédérateur que cela… Au départ il y avait dix, quinze, vingt personnes jusqu’à l’Alhambra où il y avait mille personnes alors qu’il n’y avait pas de disques dans les bacs ni de chansons en radio, tout cela était du bouche à oreilles, c’était absolument dément…
AR: Sorti du contexte Yodelice, es-tu toujours accroc à la création?
Je compose sans arrêt. J’aime créer, organiser des ”boeufs”, j’aime m’enrichir, j’aime collaborer.
AR : Regrettes-tu tes premières productions (Référence aux L5) ?
C’est difficile de regretter… Après c’est sûr que cela ne m’a pas fait que des amis… Je trouve cela dommage que cela laisse des marques, des (mauvaises) images mais je ne peux pas regretter. J’avais vingt ans à l’époque, je voulais vivre de la musique, c’était mon métier. Si je me remets dans le contexte, je me demande comment j’aurais pu refuser. Très honnêtement, je ne connais pas un musicien qui aurait refusé. Je ne parle pas d’un artiste qui fait sa propre carrière mais dans l’état d’esprit où j’étais à l’époque, c’est à dire de musicien studio, je ne connais personne qui aurait refusé une telle aventure.
AR : Y a-t-il des collaborations qui t’ont marqué plus que d’autres?
Oui, -M-, Sean Lennon. A propos de ce dernier, c’est un super artiste, c’était dément de jouer avec lui, la puissance du mec… Et au-delà de cela, c’est un mec assez extraordinaire. Mais Matthieu (Chédid) est aussi quelqu’un d’extraordinaire. Et je vais aussi te dire un truc qui n’a rien à voir mais Johnny Hallyday mec… ! Quand il pose sa voix sur un titre, c’est puissant! T’aimes ou t’aimes pas mais c’est Johnny ! Je sors de deux semaines de studio avec lui où il était avec nous tous les jours à chanter comme si on montait un jeune groupe de rock sauf que c’est Johnny (sourire) !
AR : Quel est ton disque préféré de tous les temps et ton groupe préféré de tous les temps ?
(Il hésite). Les Beatles. McCartney et Lennon étaient des grands mélodistes… Il y a aussi Pink Floyd, les Stones et dans les contemporains, Radiohead (on partage nos impressions sur l’aspect religieux du groupe en live). Dans trente ans, on se souviendra d’eux comme l’un des plus grands groupes de rock. Je suis un fan absolu.
AR : Te vois-tu dans le projet Yodelice dans dix ans ?
Je ne sais pas. Je pense que la vie m’a réservé tellement de surprises d’un point de vue professionnel mais aussi personnel que j’ai du mal à me projeter loin. Aujourd’hui, je suis épanoui, inspiré avec Yodelice , je me sens libre artistiquement… Si demain Yodelice me ”saoule”, j’arrêterai… On verra, peut- être que je serai un vieux Yodelice (rires) !
AR : Un mot pour la fin ?
La lumière est dans l’instant présent.
Propos recueillis par Olivier Cougot
Sortie de Cardioid le 25 octobre 2010
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=0oeLJggiidI[/embedyt]
www.myspace.com/yodelice
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