Imaginarium Festival : entretien avec Juliette Marcoult
Rencontre avec Juliette Marcoult, présidente de l’association l’Imaginarium Festival, à l’occasion de la finale du tremplin rock. Créé et organisé par des étudiants de l’UTC de Compiègne, ce festival ne cesse de grandir, concurrençant même des festivals comme Solidays, Le Printemps de Bourges, We Love Green …
Combien êtes-vous dans l’association et comment êtes-vous organisés ?
On est entre 70 et 85 étudiants, en fonction du moment de l’année. On est organisé de façon pyramidale avec en haut, le bureau comprenant le président et plusieurs directeurs (directeurs artistiques, de valorisation etc..), le trésorier et le secrétaire. Puis il y a les responsables des pôles (10 au total) : logistique, concert, animations, partenariats écoles, partenariats entreprises et développement durable. Chaque responsable a une équipe composé de 4 à 10 personnes.
Par exemple que fait l’équipe chargée des partenariat entreprises / écoles ?
Elle démarche des entreprises afin de trouver du mécénat. Parmi celles-ci : la SNCF ou Webhelp, qui fait de la pub. Depuis deux ans, on essaie de cibler des entreprises plus ancrées dans le développement durable. Concernant les partenariats écoles, cette équipe met en place, entres autres, des tarifs préférentiels, et participe à l’organisation du transport, car à partir de 50 places vendues, le festival offre une navette défrayée à hauteur de 2000 euros.
Vous réalisez ce type de partenariat car l’Imaginarium Festival est un festival « pour jeunes » ?
Oui, créé par des étudiants pour des étudiants. Il n’y a pas que des étudiants, mais notre public cible est les 18-25 ans. On touche aussi beaucoup de lycéens. Depuis l’an dernier, on commence à compter des jeunes actifs, des trentenaires dans notre public. Les UTCéens ne constituent pas la majorité de notre public : ce sont plutôt les habitants de l’Oise. On commence à toucher des grosses villes : Beauvais, Amiens, Lille et même Paris, même si c’est plus difficile car la concurrence est rude.
Peux-tu nous parler de ton rôle de présidente ?
Moi aussi étudiante (en urbanisme), j’y consacre 3 heures de temps par jour. Parmi mes activités, beaucoup de mails, de relationnel et de management : vérifier que tout le monde y trouve son compte, car on est une association composée uniquement de bénévoles.
Je suis entrée dans l’association en tant que responsable déco. L’année suivante, j’ai demandé à être secrétaire générale, car savoir gérer des contrats, comprendre l’envers du décor me sera utile dans ma vie professionnelle. En stage j’avais l’impression d’utiliser ce que j’avais acquis à l’Imaginarium et que le stage alimentait ce que je faisais dans l’association.
Que pense l’UTC du festival ? Il le met en avant ?
Ah oui ! Lors des portes ouvertes, l’UTC diffuse des vidéos de l’Imaginarium. C’est une belle vitrine pour une école, car ces activités ne relèvent pas exclusivement de l’ingénierie. Cette ouverture et les compétences acquises sont très bien considérées par les recruteurs.
D’ailleurs, en tant que futurs ingénieurs, quel est votre rapport avec les festivals ?
Aucun ! À l’origine, c’est un groupe de potes amateurs de musique et fans de festivals qui a souhaité se lancer dans l’aventure. Ces étudiants ont remarqué qu’il manquait un événement musical de ce type en Picardie. Ils se sont lancés et on en est là : premier sold-out l’année dernière, avec 13 000 festivaliers !
Comment êtes-vous formés ?
On est épaulé. Il y a beaucoup de rotations entre ceux qui partent à l’étranger ou en stage, donc on fait des passations écrites. On est également aidé par l’équipe du Tigre, le lieu où on fait le festival, qui nous donne des conseils et nous accompagne. On a aussi un régisseur général extérieur qui intervient pour le son et lumières, car c’est le domaine où on est le moins calé. Après, on se renseigne, on fait preuve de bonne volonté, on pose des questions… Notre génération sait apprendre sur le tas et transmettre aux autres.
Vous n’avez pas eu de mal à vous ancrer dans le milieu professionnel en tant qu’étudiants ?
La plupart du temps, les professionnels oublient qu’on est des étudiants, ils ont l’impression que c’est notre travail. Mais on le leur rappelle quand même pour remettre dans le contexte. Après, parfois ça nous permet de négocier des cachets, en disant qu’on est une association, qu’on a un budget serré et qu’on n’essaye pas de faire du profit. À la guerre comme à la guerre !
Vous prenez beaucoup d’artistes en tournée ?
Pas mal. On doit avoir trois-quatre noms qui ne sont pas en tournée. On ne sélectionne également que des artistes français ou belges, pour des raisons de transport, mais aussi afin de promouvoir le local.
Par exemple, on fait signer une charte de développement durable aux foodtrucks, pour qu’ils soient en circuit court et qu’ils s’approvisionnent chez les agriculteurs locaux. Pour les bières, on a notre fournisseur à vingt minutes. On fait très attention à la qualité et l’origine des produits.
On favorise la proximité, d’abord pour des raisons économiques. Ensuite, on soutient cette philosophie : le développement durable n’est pas que l’écologie, mais aussi l’économique et le social.
Que faites-vous en développement durable que les autres festivals ne font pas ?
On récolte les mégots et on les envoie à une entreprise qui les recycle. On fait aussi de la bio-méthanisation des déchets : les déchets organiques sont un peu comme du compost ; donc, on les trie pour les traiter et les donner aux agriculteurs ou à certaines entreprises. Pour le plastique, cette année, les artistes auront des gourdes, et non des bouteilles d’eau. On réutilise aussi la même déco tous les ans (signalétique en noir et blanc). On met également en place des navettes gratuites jusqu’au festival (depuis la gare de Compiègne) pour que les gens viennent en navettes, plutôt qu’en voiture.
Enfin, on met le festivalier au centre de notre réflexion et on utilise le festival comme moyen de communiquer sur ces questions-là : l’équipe développement durable cherche sans cesse de nouvelles idées et devient « la Green Team » pendant le festival pour sensibiliser directement les festivaliers. Ainsi, nos mascottes Jean-Michel & DD ont réalisé une petite BD. Pendant l’exploitation, des associations sont invitées à notre village associatif où des conférences et des ateliers vont être proposés cette année. C’est lent à mettre en place et cela représente un certain coût économique, mais nous souhaitons mener de vraies réflexions de fond. Pas faire du green washing !
Quels sont les nouveaux objectifs de cette année ?
Davantage axer sur le développement durable. Développer la fréquentation : on a déplacé le camping pour prévoir plus de places, avec une jauge passant de 13 000 à 15 000 festivaliers. Améliorer nos partenariats pour avoir du mécénat, car les subventions publiques ne suffisent pas.
Qu’est-ce qui a changé, depuis que tu as vécu la 2e édition du festival en tant que festivalière, puis toutes les autres au sein de l’association ?
Déjà, le nombre de festivaliers. Ensuite, l’organisation : on est plus professionnel. Je relève aussi une évolution au niveau des emplacements (chapiteaux, bars, scènes). La décoration a gagné en importance. La qualité son et lumières, aussi.
Vous commencez à avoir des propositions d’artistes ?
Oui, depuis deux ans, les tourneurs commencent à venir à nous. On nous propose même des gros trucs mais on n’a pas toujours le budget. Quand je vois les programmations des autres festivals, on voit que tout le monde a eu du mal cette année, car les cachets ont beaucoup augmenté.
Quelles sont les questions qui reviennent souvent en interview ?
Des questions sur notre statut étudiant, le développement durable, mais également sur le fait d’avoir une femme présidente, alors qu’on est une école d’ingénieurs. Des questions dans la veine du mouvement #metoo…
Ah ! bon ? Cela pose problème une femme présidente ?
Au début, on m’a beaucoup reproché d’assumer ces responsabilités, les personnes extérieures surtout : « Est-ce que t’as les épaules ? Tu n’as pas peur de te faire marcher dessus ? C’est un milieu très masculin… »
Pour finir, comment vois-tu le futur de l’Imaginarium ?
Selon moi, le festival doit rester à cette échelle. Il n’a pas vocation à s’adresser à 50 000 personnes. Il doit rester un truc fait-maison par des étudiants, un festival proche des gens qui reflète des valeurs fortes. Préserver cet aspect humain est très important.
Propos recueillis par Priscilia Adam
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