Hommage à Roland Petit – Opéra Garnier
Le Rendez-vous, créé en 1945, met en scène le destin tragique d’un jeune homme fréquentant un bar parisien. L’oeuvre associe de grands noms : l’argument est de J. Prévert, la musique, de J. Kosma, le rideau de Picasso, les décors sont confiés à Brassai et les costumes à Brassaï.
Si la musique fait vraiment musique de variétés, sans grand intérêt, la chorégraphie échappe aussi à la norme. Elle a des allures de music-hall et d’expressionnisme allemand. En dépit de cette légèreté ou de l’insouciance introduit par la figure du Bossu, le tragique surgit dès l’apparition du jeune homme pauvre, incarné par Nicolas Le Riche. Le danseur étoile, très apprécié du public, a toujours cette grâce princière, cette distinction naturelle qui le caractérise. Il est déchirant dans le dernier de pas de deux, proie de la plus belle fille du monde, autant dire la mort, incarnée par Amandine Albisson. La jeune femme fatale le ravit par son étrangeté et sa cruauté. Un acte gratuit annoncé par le destin interprété par Stéphane Phavorin.
Le Loup, en 1953, conte cruel et tendre, conçu sur un livret de Jean Anouilh, est une création musicale d’Henri Dutilleux et les décors de Carzou. Superbe composition musicale dans des décors et costumes fabuleux. La forêt, infinie et mystérieuse, transporte dans cet univers onirique de l’enfance. Les gestes et les pas stylisés du Loup, incarné par Audric Bézard conquièrent la salle. Le premier danseur magnifique est très émouvant. La jeune mariée très gracieuse – Émilie Cozette – l’enveloppe d’une douceur toute amoureuse. Tous deux incarnent la puissance magique de l’amour. Sabrina Mellem en bohémienne manque de grâce tandis que le jeune homme de Christophe Duquenne exprime admirablement toute l’inconsistance des hommes.
Carmen, dont la chorégraphie est créée pour sa muse Zizi Jeanmaire en 1949, marque un tournant dans la carrière de Roland Petit, le propulsant sur la scène internationale. Aussi sa Carmen en a-t-elle toute l’allure et la coiffure. Personnage que Ludmilla Pagliero interprète à ravir. La danseuse étoile enchante par sa vivacité et son allégresse. Elle pétille de vie. Très sensuelle, elle charme les spectateurs autant que Son Don José que Stéphane Bullion nourrit de tout son aura, ténébreuse et mystérieuse. Sublime danseur, altier et noble, il irradie sur scène. On regrettera les voix qui martèlent le célèbre air de L’amour sur les pas du danseur. Enfin, le dernier moment est très réussi et déchirant.
Un hommage qui plaît aussi aux plus jeunes.
Marie Torrès
Le Rendez-vous – Le Loup – Carmen
Chorégraphies de Roland Petit
Ballet de l’Opéra national de Paris
[Crédits photos : Julien Benhamou / Opéra national de Paris]
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