“Hippolyte et Aricie”, un opéra baroque à la Philharmonie de Paris
Jean-Philippe Rameau (1683-1764) est l’un des compositeurs les plus importants du XVIIIe siècle. Le succès lui vint tardivement, à cinquante ans, avec la création de son premier opéra Hippolyte et Aricie (1733). Cette pièce à la partition foisonnante et audacieuse était à l’affiche de la Philharmonie de Paris.
Un opéra inédit
Rameau était reconnu comme théoricien de la musique, il a rédigé des traités sur l’harmonie. Il a été organiste et a composé des cantates, mais il n’était pas parvenu à s’imposer sur la scène lyrique. Le prince de Carignan (1690-1741), intendant des Menus-Plaisirs et inspecteur général de l’Académie royale de musique, lui permit de réaliser son premier opéra. Ce mécène avait comme particularité de soutenir des personnalités inattendues, il ne se trompa pas pour Rameau. Le compositeur fit des débuts fracassants et renouvela l’opéra dès sa première œuvre, Hippolyte et Aricie. Son écriture musicale très précise et exigeante révèle des tonalités inédites et valorise l’émotion. “C’est à l’âme que la musique doit parler. L’expression de la pensée, du sentiment, des passions doit être le vrai but de la musique”, affirmait le compositeur. Très attentif aux timbres instrumentaux, il donne à l’orchestre un rôle de protagoniste, en valorisant une musique évocatrice. Si Rameau était considéré comme un “débutant”, l’Abbé Pellegrin (1663-1745), le librettiste, était expérimenté. Il choisit de transposer Phèdre de Racine en tragédie lyrique, genre qui lui semblait plus adapté pour représenter les divinités, les manifestations du surnaturel.
Hippolyte et Aricie a été donné à l’Académie royale de musique jusqu’en 1767. Après la Révolution française, les opéras de Rameau ne sont plus joués. Fin XIXe et début XXe, les compositeurs (Saint-Saëns, d’Indy…) s’intéressent à ses œuvres lyriques, mais en 1908, la pièce ne connaît pas de succès public. Il faudra attendre 1983 pour que le prestigieux Festival d’Aix-en-Provence intègre cette tragédie lyrique dans sa programmation.
À la Philharmonie de Paris, une version de concert était proposée avec l’Orchestre baroque de Fribourg (Freiburger Barockorchester), l’un des orchestres sur instruments anciens les plus réputés.
Des accents fantastiques
Rameau développe de riches alliances de timbres et des approches novatrices de l’harmonie. L’orchestre notamment par ses parties symphoniques introduit et accompagne les événements majeurs de l’intrigue.
Les différentes sonorités des instruments ont été brillamment mis en œuvre jusqu’aux bruitages du percussionniste qui maniait des chaînes sur le plateau. La musique très dense se révèle merveilleuse ou inquiétante avec des accents fantastiques. Les effets sonores ont impressionné. Le public a entendu les flots, le tonnerre, des chants d’oiseaux… Sir Simon Rattle, le chef d’orchestre, a communiqué son enthousiasme en dirigeant cette partition étonnante, très moderne par de nombreux aspects. Le Chœur (Staatsopernchor Berlin) en renforçant la dimension dramatique a été magique.
Phèdre (Magdalena Kožená) est apparue dans une robe jaune flamboyante. Mais la Reine n’est pas parvenue à conquérir Hippolyte (Reinoud Van Mechelen), amoureux d’Aricie (Anna Prohaska), une princesse captive. Jérôme Varnier incarnait avec allure et maîtrise le personnage de Pluton. Il finit par accepter de libérer Thésée (Gyula Orendt), prisonnier des Enfers : “De l’infernale nuit que ce coupable sorte ! Peut-être son destin n’en sera pas plus doux...”
Phèdre convoite son fils, Hippolyte. Thésée les surprend ; il est trompé par la servante de Phèdre, Œnone (Adriane Queiroz). Les tourments de l’amour sont la thématique de cet opéra.
La chasseresse (Slávka Zámečníková) a fait une apparition très remarquée en bord de scène. L’opéra s’est conclu par l’air des Rossignols amoureux.
L’Orchestre baroque de Fribourg a su restituer le génie musical de Rameau et donner de la densité à chaque scène. Le Chœur a été virtuose et impressionnant. La version de concert a permis de se concentrer sur la partie musicale, très expressive, et sur les performances vocales. La musique est devenue le décor de l’imaginaire et des allégories, avec de beaux moments.
Fatma Alilate
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