Gil Shaham joue Stravinski – Salle Pleyel
Le chef italien Nicola Luisotti est un spécialiste du répertoire scénique italien. Il est notamment depuis cette année le directeur musical du célèbre Teatro San Carlo de Naples, mais également de l’opéra de San Francisco.
Après une ouverture de la Force du destin de Giuseppe Verdi, interprétée avec fougue, dans un tempo plutôt rapide (et un gros son des cuivres toujours très bons dans cet orchestre), le violoniste américain Gil Shaham fait son entrée devant une salle pleine venue pour l’applaudir.
Sur sa lancée des concertos des années trente, il propose ce soir celui de Stravinsky, œuvre relativement peu connue du compositeur russe, et pas encore vraiment entrée au répertoire de tous les grands solistes – peut-être jamais d’ailleurs, n’étant pas vraiment un chef-d’œuvre.
Contrairement à l’ouverture précédente et son orchestre de soixante cordes (!), on en compte moins de trente dans ce concerto. Elles sont ramassées autour du pupitre du chef. En revanche les bois sont par trois, et l’on dénombre onze cuivres. L’écriture très fragmentée de Stravinsky ne laisse pas entendre de déséquilibre.
Bien que jouant un partie soliste très décousue, Gil Shaham s’investit pleinement et physiquement dans chaque phrase. Il avance de plusieurs pas à chaque nouvel élan, et a une tendance fâcheuse à se retourner vers l’orchestre pour mieux dialoguer avec lui, ce qui altère notre écoute. Ses mimiques sont clownesques mais, très à l’écoute de son propre instrument, il semble le faire résonner par ravissement, presque enfantin comme le suggère ce sourire un peu idiot dont il ne se départ pas.
Le lyrisme du troisième mouvement nous permet de mieux apprécier son phrasé magnifique. La grande virtuosité dont il fait preuve dans le quatrième, dans des phrases asymétriques, est assez peu efficace, malgré tout son engagement.
Il donne à un public enchanté pas moins de trois bis ! La Gavotte en rondeau en mi majeur (magnifique sonorité lumineuse) et l’Andante en do majeur de la sonate en la mineur entourent un petit sketch d’un compositeur peut-être américain dont nous n’avons pas saisi le nom.
Le Capriccio Italiano de Tchaïkovski est joué pour la première fois par l’Orchestre de Paris. Il débute par un fanfare au son ample, suivie de puissantes phrases de cordes à l’unisson. Les sonorités belles et éclatantes de Tchaïkovski sont rendues admirablement par l’orchestre.
Le (long) programme de ce concert s’achève par la Troisième Symphonie de Prokofiev que l’orchestre de Paris n’avait pas joué depuis 1989. À l’instar des autres symphonies du compositeur russe, à l’exception de la cinquième, il s’agit d’un répertoire peu joué et peu connu. Essentiellement écrite à partir de matériaux mélodiques de son opéra L’Ange de feu, jamais créé de son vivant, l’œuvre est une explosion d’énergie.
Le début du premier mouvement est frénétique. L’écriture est dense, les lignes mélodiques s’enchevêtrent. Les timbres sont beaux. Bien qu’issus d’une œuvre destinée à la scène, les éléments se succèdent en différents épisodes qui n’avancent pas comme dans un drame. Au milieu de la profusion, c’est plutôt un certain statisme, voire un écrasement que nous ressentons.
Il y a bien sûr de très belles pages, l’onirique atmosphère du deuxième mouvement, le mouvement perpétuel arachnéen du troisième.
Au quatrième, on retrouve la densité du premier, mais l’intensité va croissant. Le Final est dantesque !
Les musiciens et le chef sont fortement applaudis, à 22h30 passées.
Gil Shaham joue Stravinski
Giuseppe Verdi
La Force du Destin, ouverture
Igor Stravinski
Concerto pour violon en ré majeur
Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Capriccio italiano en la majeur, op.45
Serge Prokofiev
Symphonie n° 3 en ut mineur, op.44
Gil Shaham, violon
Orchestre de Paris
Nicola Luisotti, direction
Jeudi 10 janvier 2013 à 20h
Salle Pleyel
252, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
[Visuel : © San Francisco Opera]
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