Fortunio, ou l’ hymne à un amour sincère et pur à l’Opéra Comique ! Un joyau redécouvert !
Denis Podalydès signe une très belle mise en scène de Fortunio, une comédie lyrique dont la dernière mise en scène date de 1947, très applaudie à la première. Le spectacle a enthousiasmé toute la salle Favart. La musique d’André Messager, très belle et très théâtrale, avec de très grands moments d’intensité est l’expression même des sentiments et du drame qui se joue dans le coeur de Fortunio, interprétée magnifiquement par les musiciens de l’orchestre de Paris.
Le livret, très fidèle à l’esprit du Chandelier d’Alfred de Musset, nous dévoile tous les tourments dont le jeune poète romantique a soufferts. Délaissé par George Sand, malmené par cette femme extraordinaire, il a croqué dans ses comédies et proverbes, des portraits de Coquettes inoubliables. Une coquette apprend l’amour au contact d’une âme pure et noble : tel est le propos de Fortunio. Paradoxalement, Jacqueline devient coquette au contact de Fortunio car elle met à l’épreuve l’amour du jeune homme, prêt à mourir pour elle.
Jacqueline semble tomber dans les filets de Clavaroche, parce qu’elle n’a pas connu l’Amour, mariée à un homme trois fois plus âgé qu’elle considère comme son père. Jean-Marie Frémeau interprète Maître André avec une sympathie et une bienveillance qui le rendent très attachant. Il chante avec allégresse et nous enchante par sa bonhomie. Il est très drôle.
Or celui qui corrompt sa jeune épouse en lui demandant de trouver un “chandelier”, c’est cet “homme aux épaulettes”. Saluons la formidable interprétation de Jean-Sébastien Bou en Clavaroche, l’amant séducteur averti est suffisant à souhait. Il assume parfaitement la fatuité du personnage et ravit sa maîtresse et le public. Applaudissons la très jolie scène de vaudeville lorsque, caché dans le tiroir de l’armoire, l’amant apparaît sous les linges et qu’il disparaît pour batifoler avec Jacqueline dans ce même tiroir. On aperçoit que les jambes de Jacqueline qui s’adonne au plaisir frivole de l’amour. Denis Podalydès fait de Clavaroche un personnage très arrogant dans le premier acte mais aussi très drôle. Quand Clavaroche choisit parmi les femmes présentes sa future conquête, c ‘est l’occasion d’admirer les costumes de Christian Lacroix éblouissants : les superbes chapeaux et les robes de la Belle Époque font rêver et dessinent une taille de guêpe.
Les magnifiques décors et les costumes d’Éric Ruf nous transportent dans une petite ville de province au XIXème siècle, sobres et en demi-teintes, sublimés par le jeu subtil des lumières. C’est là que le stratagème se met en place.
Le choix de Fortunio en “chandelier” est formidable. On est habitué à voir un jeune homme frêle et craintif. Or c’est une force de la nature, il est immense et solide comme un bûcheron mais farouche et tourmenté par l’amour. C’est un superbe géant au coeur noble, pur et tendre, dont la parole est verbe. Les amants usent de métaphores, ils prétendent se nourrir d’amour mais lui c’est pour de vrai. Dans la violence de son amour, il s’évanouit réellement quand Jacqueline lui avoue qu’elle l’aime. Beaucoup d’émotions naissent de ce contraste. Ô Puissance de l’amour qui ébranle les coeurs et fait renaître celui de Jacqueline qui retrouve ainsi toute sa virginité au contact de Fortunio ! Son interprétation est superbe, sa voix est déchirante, puissante et douce. Dans ses bras, la jeune et gracile Jacqueline est une colombe, dans sa chemise de nuit blanche.
Jacqueline est belle et désirable. La chanteuse soprano Virginie Poschon le lui rend bien. Elle dévoile son coeur et la sincérité de ses sentiments avec grâce dans de superbes envolées. Elle sait aussi bien jouer les Coquettes que les femmes aimantes. Elle nous fait partager ses émois et le sentiment de l’amour qui naît en elle. On apprécie l’esprit et l’humour de la mise en scène et on retrouve tout ce qui caractérise Musset. Des gavroches, clercs drôles et espiègles, des femmes qui aiment les militaires, un Landry qui connaît bien les femmes et qui apprécie le vin. Saluons l’ interprétation drôle et fine du Québécois. C’est le double de Fortunio, qui n’a pas eu la chance de rencontrer sa Jacqueline comme Octave, double de Célio des Caprices de Marianne, au bon moment.
Tout l’esprit de Musset est là !
Marie Torrès
FORTUNIO
Comédie lyrique en quatre actes d’André Messager
Livret de Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers
d’après Le Chandelier d’Alfred de Musset
Créée à l’Opéra Comique le 5 juin 1907
Direction musicale Louis Langrée
Mise en scène Denis Podalydès
Décors Eric Ruf
Costumes Christian Lacroix
Lumières Stéphanie Daniel
Fortunio Joseph Kaiser
Jacqueline Virginie Pochon
Maître André Jean-Marie Frémeau
Clavaroche Jean-Sébastien Bou
Landry Jean-François Lapointe
Lieutenant d’Azincourt Philippe Talbot
Lieutenant de Verbois Jean Teitgen
Madelon Sarah Jouffroy
Maître Subtil Jérôme Varnier
Guillaume Eric Martin-Bonnet
Gertrude Clémentine Margaine
Nouvelle production
Six représentations du 10 au 20 décembre 2009
Jeudi 10 à 20h
Samedi 12 à 20h
Lundi 14 à 20h
Mercredi 16 à 20h
Vendredi 18 à 20h
Dimanche 20 à 15h
Réservations : 0825 01 01 23 et www.opera-comique.com
Tarifs : 108 ▪ 87 ▪ 65 ▪ 40 ▪ 15 ▪ 6€
Opéra Comique
Salle Favart
1 place Boieldieu
Métro : Richelieu Drouot
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