Evgeny Kissin & Myung-Whun Chung – Salle Pleyel
Traditionnellement, lorsqu’un soliste se produit avec un orchestre, le programme qu’il exécute ne recouvre qu’une partie du concert, l’autre étant dévolue à une œuvre symphonique. Rien de tel avec Evgeny Kissin. Il enchaîne avec l’Orchestre Philharmonique de Radio-France deux concertos. En somme, c’est un récital accompagné d’un orchestre.
L’extraordinaire popularité du pianiste russe lui permet ce privilège. Myung-Whun Chung, directeur musical, est également à la baguette. Il est vraisemblablement important d’accompagner Kissin dans un programme concertant sans grande difficulté. Par ailleurs, la somme des deux concertos excède à peine une heure.
Le pianiste étant habitué aux longues ovations et aux multiples bis, il faut bien penser à lui structurer un programme officiel plus court pour qu’en fin de compte le concert dure deux heures. Les places du concert ont été vendues de longues dates à un public acquis à la cause du soliste. Quelques passionnées, qu’on imagine aisément suivre le pianiste partout où il va dans le monde, l’inondent de fleurs. D’autres, au contraire, se déplacent pour leur unique concert de la saison. S’il doit n’y en avoir qu’un, c’est celui-là. Au point de constater que le pianiste était plus connu que les compositeurs qu’il a joués en bis ! si j’en crois des conversations entendues à la sortie du concert se demandant ce qu’était le dernier bis : il s’agissait pourtant du deuxième Scherzo de Chopin, oeuvre particulièrement célèbre.
Le Concerto pour piano de Scriabine n’est pas une œuvre très connue. Si Kissin le joue depuis longtemps, il semble qu’une certaine maturité lui donne un peu plus les moyens aujourd’hui d’aborder son oeuvre ; si l’on en croit les enregistrements de jeunesse du pianiste, pas toujours parfaits. L’écriture orchestrale est assez lourde pour un concerto : quatre cors, trois trombones, et cinquante cordes. L’écriture de la partie de piano est faite de nombreuses figures arpégées qui souvent accompagnent des thèmes joués à l’orchestre. Ces figures sont souvent couvertes par le dense tissu orchestral. Mais le pianiste articule de façon très expressive les motifs mélodiques de sa partie. Le second mouvement, beaucoup plus équilibré du fait de la faible participation des vents, est magnifique. Chung dirige avec grande précision, retenue et efficacité son orchestre. Les multiples changements de tempo nécessitent une mise en place parfaite avec le soliste. Kissin joue avec la même position caractéristique qu’on lui connaît en contorsionnant son dos d’avant en arrière et en relevant et baissant les coudes. De grande taille, il est également doué d’une grande capacité de puissance, particulièrement saisissante au concert plus qu’à l’enregistrement.
Le Premier Concerto de Chopin que Kissin joue en concert depuis l’âge de treize ans ne connaît pas les mêmes difficultés d’équilibre. C’est une interprétation d’une grande justesse, aussi bien de la part de l’orchestre que du soliste. La virtuosité n’est jamais gratuite, le pianiste cherchant toujours des sonorités pleines et profondes. Le mouvement lent est admirable.
Le premier bis, la célèbre étude op. 42 n°5 de Scriabine, est joué avec une intensité phénoménale. Il n’y a pas à notre connaissance d’enregistrement de cette étude qui ait la valeur de ce que nous entendons, pas même de Kissin lui-même.
Le Deuxième Scherzo de Chopin, magnifiquement conduit, est l’occasion d’étaler une grande virtuosité. Le public en transe bondit littéralement à la dernière note dans un délire rare.
Bon Anniversaire Evgeny
Alexandre Scriabine, Concerto pour piano et orchestre
Frédéric Chopin, Concerto pour piano et orchestre n°1
Evgeny Kissin, piano
Orchestre Philharmonique de Radio France
Myung-Whun Chung, direction
Vendredi 9 mars 2012 à 20h
Tarifs : 85 // 65 // 45 // 30 et 10 €
Ce concert sera diffusé ultérieurement sur France Musique.
Salle Pleyel
252, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
M° Ternes
[Crédit photo Sasha Gusov-EMI Classics]
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...