Eugène Onéguine triomphe à l’Opéra Bastille
Eugène Onéguine De Piotr Ilyitch Tchaikovski Mise en scène de Willy Decker Avec Anna Netrebko, Elena Zaremba, Varduhi Abrahamyan, Hanna Schwarz, Peter Mattei, Pavel Černoch, Alexander Tsymbalyuk, Raúl Giménez, Vadim Artamonov, Olivier Ayault et Grzegorz Staskiewicz En alternance à 19h30 Tarifs : de 5 à 252 euros Réservation en ligne ou par tél. au 08 92 89 90 90 Durée : 3h Opéra Bastille |
Jusqu’au 14 juin 2017
Dans l’opéra le plus célèbre de Tchaikovski, mis en scène par Willy Decker à Bastille, Anna Netrebko provoque des salves d’applaudissements sacrément longues qui la laissent allongée, à terre, mourante d’amour. La star russe n’est pas la seule réussite du spectacle, partageant l’affiche avec Peter Mattei en grande forme, Varduhi Abrahamyan bluffante de fantaisie et Pavel Černoch déchirant de passion. Une production éblouissante à tous égards, dont on appréciera les choeurs somptueux dirigés par José Luis Basso. Un concentré de sentiments humainsC’est dans une boite, immense figure géométrique aux proportions biscornues et asymétriques, fouettées de rayures jaunes comme les blés d’Ukraine, que débute le spectacle. S’il change de couleur dans la deuxième partie, passant du jaune d’or au gris noir avec la scène du duel entre Onéguine et Lenski, le décor conçu par Wolfgang Gussmann ne change pas, projetant ses lignes de fuite par delà les vallons que sont les méandres de l’inconscient et des fantasmes. Sur un sol aussi dépouillé que le désert des sentiments, un sofa rouge sang et or velouté vient recueillir les rêveries littéraires de Tatiana. Anna Netrebko, la bouche dans un livre, la tête dans les étoiles et le coeur à l’envers, toute ébouriffée par le souvenir fantasmatique d’Onéguine, ce dandy qui feint de l’ignorer mais qu’elle idolâtre, chante l’amour comme aucune autre. Torride dans ses échappées lyriques, féroce dans sa rébellion, ce qu’elle produit sur scène tient du tableau qu’elle compose en experte de la partition : elle en savoure chaque nuance, en magnifiant la langue russe et la musique cinématographique de Tchaïkovski. Des acteurs chanteurs pleinement engagés Face à la blonde Tatiana, la brune Olga, Varduhi Abrahamyan, parfait un équilibre aux petits oignons. Fantasque, délirante, la mezzo ne s’économise pas, se jetant généreusement dans les bras d’Onéguine, en fofolle délurée et gamine. C’est à croquer. Peter Mattei incarne, lui au contraire, le héros ténébreux et méprisant, avec une superbe et un détachement odieux, le timbre riche de subtilités multicolores, modulant avec un mordant plus que moelleux l’autorité de sa présence provocante. Face à lui, son double en négatif se nomme Lenski, l’ami fougueux, droit dans ses bottes et affreusement jaloux d’Onéguine qui le trahit ouvertement. Pavel Černoch, qui semble fragile au début, s’avère rapidement ensorcelant de sincérité, projection claire, passionnelle et déchirante. Le Gremine d’Alexander Tsymbalyuk affirme sa basse noble, sa prestance et son timbre ténébreux et chaud. Orchestre et choeurs en fusion C’est un véritable bonheur de voir le britannique Edward Gardner diriger l’orchestre de l’Opéra de Paris, auquel il imprime tout l’éclat de sa fougue, de ses ruptures mélodiques, dans le respect tout simple de la partition de Tchaikovski. Maintenant un rythme soutenu, un volume sonore qui ne faiblit pas, en privilégiant les vents et les cuivres, soignant les vagues des cordes en fusion, il lance l’orchestre avec une belle générosité en respectant le voeu du metteur en scène, créer pour chaque scène, chaque personnage un concentré de sentiments précis. Netrebko n’est pas seulement Tatiana amoureuse d’Onéguine, elle est toutes les femmes en proie au fantasme amoureux. La rivalité entre Lenski et Onéguine est celle qui dresse deux profils masculins, le dandy blasé, revenu de tout ou qui le croit, qui se veut supérieur, et le fiancé encore frais et fringant, dont l’orgueil et la droiture ne souffrent aucun ridicule. La nourrice (Hanna Schwarz) est plus que vraie dans sa bravoure de vieille femme protectrice, et le Monsieur Triquet de Raúl Giménez est éblouissant de drôlerie. On l’aura compris, la sublime Anna Netrebko est heureusement ici très bien entourée. Hélène Kuttner
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