Etudiant et Beatmaker, la nouvelle génération musicale racontée par Broky
Des premiers succès de Tsew The Kid (“Sur ton corps”, “Stoneuse Parisienne”) jusqu’à la collaboration avec Lefa, PLK ou Take A Mic, le beatmaker de 19 ans semble déjà s’être fait un nom dans la production musicale. On a discuté avenir, mixité des genres musicaux et notoriété avec le jeune artiste parisien Broky Flacko .
Autour de lui, un piano, une guitare et surtout son ordinateur, dans lequel on trouve aussi bien du rap U.S. que le dernier album de Julien Doré. C’est dans un studio niché au 4ème étage d’un grand bâtiment d’Ivry-Sur-Seine, que Broky, beatmaker de 19 ans qui oscille entre la production et son BTS Banque, nous accueille un soir d’automne. “C’est un petit cocon ici”, explique-t-il, en allumant l’écran géant qui lui permet de réaliser chacune de ses productions. Pas de recette miracle pour le jeune compositeur mais un ordre à respecter : “je commence d’abord par les drums (percussions), la plupart des beatmakers font ça. Ensuite, je passe à la mélodie. Je fais une loop, une boucle qui intègre la mélodie et les drums. Soit je la laisse comme ça et un autre jour je vais travailler dessus, soit je fais directement la structure, je fais intro-couplet-refrain. Ça me prend entre une heure et deux.”
Pour Broky, la musique est une histoire de famille. Entré dans la musique en même temps qu’au lycée, Broky s’entraîne d’abord à composer des pistes rap, “parce que c’est le plus facile” comme il l’explique. Plongé dans la musique par ses parents, qui lui transmettent la passion du jazz et de la soul, qu’on écoute beaucoup à Madagascar, Broky lâche progressivement la batterie et ses premières productions et compose pour son cousin, le futur Tsew The Kid. Inspirés par 17 de XXXTentacion, les deux adolescents explorent les rudiments de la lo-fi, genre musical marginal aux “instruments un peu crades” comme il aime le décrire. “Ça manquait un peu de ça dans le rap français. Au début ça ne marchait pas trop car c’était nouveau pour les gens. Et puis un jour ça a pris et c’est dans ce registre là qu’on a reçu le premier single d’or, avec Sur ton corps”.
Briller dans l’ombre
Essentiel à l’interprète et à la réussite d’un titre, le beatmaker a un rôle crucial mais souvent caché. On connaît le nom de la profession mais sans jamais vraiment savoir en quoi cela consiste et rares sont les amateur.ices de musiques cherchant naturellement le nom des collaborateurs de leurs artistes préféré.es dans les crédits. “C’est sûr qu’on est plus à l’époque où on ne connaissait que Timbaland ou Quincy Jones, mais on est quand même pas au stade des rappeurs. Je connais des beatmakers qui ont déjà plusieurs singles de diamant (50M de streams) et sur Instagram ils n’ont que 10 000 abonnés. Ils ne sont pas souvent médiatisés.” regrette Broky en expliquant que certains se contentent bien de l’ombre et d’autres savent se mettre en avant : “Le Motif avec sa série sur Youtube “Un son par jour”, il était tout le temps en tendance. Il faut une vraie plus-value derrière. On ne peut pas se contenter d’avoir Instagram et mettre une photo du titre, ça ne va pas intéresser.”
À cette invisibilité, dont l’absence de page artiste pour les beatmakers sur les plateformes musicales le prouve, s’ajoute également la difficulté de se démarquer dans une production musicale toujours plus dense et accessible à tous. “Aujourd’hui tout le monde peut produire de la musique. Youtube regorge de tutos et si t’as vraiment la volonté… tout le monde peut le faire” raconte Broky, qui a appris lui aussi en autodidacte. Selon lui, un beatmaker peut travailler de deux façons : “Quand je travaille avec un artiste soit son manageur ou l’artiste lui-même m’appelle pour qu’on fasse une rencontre studio, on compose ensemble. Soit je fais mes prods seul de mon côté et je démarche par mail des artistes, ensuite on fait des arrangements.” Le jeune musicien prône également le partage entre les beatmakers pour progresser : “Quand je travaille avec un artiste, je lui emprunte parfois sa manière de travailler, j’apporte des choses à mon propre processus de création et vice-versa. On s’influence entre nous.”
Nouvelle génération, nouveaux objectifs
Dans le cas de Broky, la jeunesse est surtout synonyme de patience et de rigueur. Alors qu’il entendait ses musiques dans la cafétéria de son lycée, le jeune artiste savait attendre, imaginer ses études et son avenir musical en même temps, plutôt que se précipiter vers des maisons d’édition comme il aurait pu le faire à 16 ans : “On te propose une avance de 30 000 euros sur un an, au bout d’un moment ça marche plus, la maison d’édition attend la fin du contrat et après t’oriente vers pôle emploi. C’est stressant. C’est risqué. Je pense qu’il me faut encore quelques hits et après je pourrais me dire “c’est bon je me lance”.” Broky comme son cousin ont les pieds sur terre, sont “bien accompagnés” et cela les a menés vers de belles collaborations, dont sa préférée reste celle avec le rappeur de la Sexion d’Assaut, Lefa : “C’est vraiment quelqu’un que j’ai beaucoup écouté. Avoir discuté avec lui c’était cool j’étais assez impressionné. C’est quelqu’un de mature, je travaille finalement peu avec des gens qui sont dans le métier depuis longtemps comme lui.”
Les collaborations sont l’essence même du beatmaker, et Broky pousse même cela au-delà du rap et aimerait ouvrir les portes de la variété : “Et je me dis que croiser les différents genres musicaux ce serait encore plus enrichissant mais le milieu de la variété est très fermé pour le moment je n’ai pas encore trop réussi.” Leur génération, avec Tsew, s’intéressent à des genres différents. “Lui il écoutait Bruno Mars, Lana Del Rey, The Weekend et moi à l’époque c’était pas aussi diversifié qu’aujourd’hui c’était soit du jazz, soit du rap américain ou rap français. Plus on est rentrés dans le milieu de la musique, plus on a compris qu’il fallait écouter de tout et c’était plus facile de se connecter sur différents types de productions” explique-t’il, et remarque que le rap s’ouvre également : “Avec le rap boom bap c’était du rap mélangé au jazz, après y’a eu la J-Funk, aujourd’hui y’a vraiment de tout et ça ne me choquerait pas de voir demain un rappeur collaborer avec Adele. Je me demande si ce n’est pas déjà fait d’ailleurs.” Cette vision qui croise les pratiques, les genres musicaux (du r&b à la pop, de la lo-fi au rap) et même les instruments puisque le beatmaker invite souvent des musiciens dans ses compositions pour donner un côté “organique”, s’installe d’ailleurs dans les médias traditionnels. “Tsew, Il ne veut pas être dans la case de chanteur pop. Pourtant, c’est un artiste qui passe chez RTL et France Inter, ce qui n’arrive pas avec beaucoup d’artistes rap.” Une médiatisation prometteuse pour une génération qui s’affranchit des genres musicaux, pour le meilleur de la création.
Gaëlle Magnien
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