Être les enfants de Joséphine Baker, frères et sœur en parlent
Interview de trois des enfants de Joséphine Baker. Marianne, Jean-Claude et Brian nous révèlent de façon intime la façon dont ils ont vécu la célébrité de leur mère.
À quel âge et comment avez-vous pris conscience que votre mère était une grande artiste ?
Marianne : À 5 ans, maman m’a amenée avec elle à un gala dans lequel elle chantait. J’étais dans la salle, je l’ai vu entrer sur scène, je me suis levée et j’ai dit “c’est ma maman!”. Par la suite je n’arrivais pas à faire la corrélation entre la maman et l’artiste. Pour moi maman faisait son métier, comme d’autres sont boulangères par exemple.
Jean-Claude : Le moment où je me suis rendu compte que ma mère était une grande artiste a été très particulier car je l’ai vu par accident. Lorsque j’avais 9 ans, j’étais à l’école en Suisse et j’avais été renvoyé de cette école, alors je me suis retrouvé à Zurich où elle chantait sur scène. Ce soir-là elle m’avait dit de rester dans la salle calmement et de l’attendre, et c’est alors à ce moment précis que je l’ai vu pour la première fois sur scène.
Brian : Je ne pourrais pas donner d’âge précis. Je me souviens qu’avant mes 5 ans elle m’emmenait dans mon pays d’origine le Maroc, pour monter sur scène là-bas. Étant encore très petit, on ne m’emmenait pas l’écouter chanter. Pourtant je la voyais en costume, mais à cet âge-là on ne comprend pas. Au château où nous vivions il y avait souvent des costumes et les aînés répétaient souvent, à nous les plus jeunes, que c’était des costumes pour faire des spectacles car notre mère était chanteuse, et nous la voyions également à la télé. C’est comme cela que j’ai compris qu’elle était une artiste, je dirais vers 6-7 ans.
Quelle a été l’influence de sa vie d’artiste sur votre construction d’adulte ?
Marianne : La vie d’artiste de ma mère c’est un monde à part pour moi. A mes yeux, être artiste c’est un métier. J’ai trouvé ce métier à la fois extraordinaire mais en même temps très fatiguant. Il y avait beaucoup de monde autour de nous. J’avais l’impression qu’elle ne s’arrêtait jamais, il n’y avait pas de pause, ça bougeait tout le temps. Petite, je voyais ça comme un jeu, plus tard comme un métier très prenant et très fatiguant. En aucun cas, je n’aurai voulu être artiste comme elle, ce qui est important c’est ce qu’elle m’a transmis humainement.
Jean-Claude : Plus jeune j’avais des envies de chansons, mais à l’époque j’étais très timide et impressionné. Notre mère ne nous a jamais encouragé à suivre la même voix qu’elle, au contraire, elle était contre. Elle estimait qu’elle avait eu énormément de chance, alors que pour moi c’était juste le résultat de beaucoup de travail, de courage et d’audace. Elle répétait sans cesse qu’elle ne représentait qu’une personne parmi des milliers, et qu’elle était juste très chanceuse d’avoir eu cette carrière. Bien plus tard, j’ai choisi une voix artistique par le biais de l’écriture, mais lorsque j’étais adulte.
Brian : Nous avons baigné dans le monde artistique et j’ai rencontré des personnes aussi célèbres qu’elle, de grands artistes comme Alain Delon, Jean-Claude Brialy, Dalida… Mais sinon, sa vie d’artiste ne m’a pas tellement influencé. Elle ne voulait pas que nous soyons artistes, car pour elle c’était trop aléatoire et qu’il fallait avoir de la chance. Elle ne nous parlait pratiquement jamais de son parcours artistique et surtout des premières années lorsqu’elle dansait le charleston seins nus, elle voulait nous protéger en quelque sorte. Elle ne voulait même pas que nous écoutions ses propres chansons chez nous. Elle voulait que nous ayons des métiers normaux pour être sûre que nous gagnerons notre vie correctement. J’étais passionné par le théâtre et j’ai pris des cours d’acteur après sa mort. Son nom m’a ouvert beaucoup de portes au niveau artistique bien sûr.
Pouvez-vous me décrire en quelques mots ce qui faisait d’elle une grande artiste ?
Marianne : Elle était très douée pour le chant et surtout pour la danse. Elle faisait passer toute son humanité et tout son amour des gens à travers ses chansons. Elle se servait aussi de sa notoriété pour agir sur le plan humain, sur le combat des femmes, sur les droits à l’égalité. Pour moi c’est ce qui faisait d’elle une grande artiste au delà du spectacle, de la prestation artistique en elle-même.
Jean-Claude : Selon moi, c’est quelque chose qui ne s’explique pas trop, c’est quelque chose comme l’Aura. Pour l’avoir vue très souvent sur scène, elle avait un charisme extraordinaire, et elle m’a toujours semblé très naturelle, très à l’aise, et surtout très à la rencontre de son public. Elle aimait beaucoup les gens et cela se ressentait à la manière qu’elle avait de bouger sur scène. Elle avait l’art, si je puis dire, de mettre le public dans sa poche, car elle savait parler et communier avec lui.
Brian : Premièrement, le fait qu’elle ait tenue 50 ans dans le music-hall, de ses 19 ans à ces 69 ans, elle n’a connu que des triomphes. Selon moi, ses 50 ans de carrière en France et à l’international sont dus également à sa très grande énergie, son glamour, le contact avec le public qu’elle a toujours chéri.
Propos recueillis par Clara Bouillon
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