Éric Serra au MaMA festival : Conférence sur un parcours créatif unique
Pour cette édition 2018, le MaMA festival a convié l’artiste Éric Serra pour un moment d’échange avec le journaliste Emmanuel Legrand. Une conférence intime sur le parcours unique du musicien français.
Décontracté et sourire sincère, Éric Serra s’installe dans la chapelle du lycée Jacques Decour pour une conférence autour de sa vie, son parcours et les anecdotes qui l’accompagnent. Pour définir ce qu’il fait, il préfère se qualifier de musicien. Autodidacte, c’est par mimétisme des artistes qu’il admire (Jeff Beck, Ritchie Blackmore…) que son jeu se développe.
La musique est pour lui un héritage transmis par son père, chansonnier qui explore l’humour et la musique à travers le concept de chanson Flash, morceau pouvant durer seulement trois secondes. Ce dernier lui a offert sa première guitare à l’âge de cinq ans. Elle est rapidement devenue son « jouet favori ».
Bassiste et chef d’orchestre pour Higelin
À l’âge de 16 ans, il rencontre le guitariste Michel Murty qu’il accompagne en tant que bassiste pendant sa tournée (il s’occupe d’ailleurs également des lumières, alors qu’il est sur scène !). Ce dernier lui présente Jacques Higelin à Juan-les-Pins en 1981. Higelin manquait alors d’un bassiste pour une répétition et il lui propose de le remplacer. Un mois plus tard, à Éric Serra se produit sur scène à ses côtés, place de la République, face à 70 000 personnes !
Éric Serra nous raconte l’amour d’Higelin pour l’improvisation de ses concerts : « Parfois, je ne connaissais que la moitié des morceaux que Jacques décidait de jouer ! ». Il se plaçait donc à côté du pianiste pour connaître tonalités et notes à jouer. Il sera chef d’orchestre et représentant des musiciens d’Higelin pendant sept ans, se plaçant en porte-parole face aux producteurs. Sept années qu’il qualifie comme « l’une des plus belles périodes de sa vie ».
L’aventure cinématographique
En 1979, Éric Serra rejoint Pierre Jolivet pour travailler sur un album studio. Celui-ci lui présente un de ses amis, Luc Besson. À ce moment-là, il n’a encore jamais fait de réalisation cinématographique, mais il a de nombreuses idées en tête. Les deux hommes sympathisent et Luc Besson lui propose de composer la musique de son premier court-métrage (L’Avant-Dernier), puis long métrage (Le Dernier Combat). En 1985, ils travaillent une nouvelle fois ensemble sur le film Subway, succès retentissant avec plus de deux millions d’entrées en salle sur le territoire français et treize nominations aux César.
Ainsi débute une belle et longue aventure entre le cinéaste et le musicien devenu compositeur de films : plus de quinze collaborations, un César chacun (Meilleur réalisateur, Meilleure musique écrite) et une reconnaissance internationale. Aujourd’hui, ils travaillent ensemble depuis près de quarante ans, un échange fondé sur une « entente commune », une compréhension mutuelle.
Contacté par Barbara Broccoli au début des années 1990, Éric Serra se voit enfin proposer l’occasion exceptionnelle de composer la musique pour un nouveau film de la saga James Bond. Pour GoldenEye, la production veut apporter de la fraîcheur : nouvel acteur, nouveau compositeur. Lorsqu’il arrive dans les studios à Londres pour voir les premiers plans, il découvre avec surprise que la plupart des morceaux utilisés temporairement pour la post production du film sont empruntés du long métrage Léon, réalisé un an plus tôt par Luc Besson ! Éric Serra comprend que la réalisation de ce film est pensée, rythmée pour une de ses compositions. Voilà une reconnaissance aussi forte que méritée !
Passion artistique et explorations musicales
Malgré ses nombreux succès, Éric Serra ne semble jamais s’être installé dans un immobilisme artistique. En perpétuelle exploration musicale, il assiste à l’évolution du numérique et des samplers. Il se passionne dans la démarche créative qu’offrent ces nouvelles technologies. Ainsi, il raconte avoir passé parfois plus de six heures pour la programmation de basses numériques sur certains morceaux du film Nikita, alors qu’il pouvait les jouer sur l’instrument en quelques minutes.
Une gourmandise artistique qui repousse les limites de la connaissance, toujours prêt à relever des défis. Par exemple, quand Luc Besson exprima, un jour, une envie de composition symphonique pour un film futur, Serra qui connaît la musique de façon autodidacte s’est sincèrement inquiété sur sa capacité à mener à bien cette idée. Il a alors décidé d’écouter deux heures de musique classique par jour en choisissant quatre artistes précis pour former son oreille à cette musique peu familière. Luc Besson a ensuite abandonné l’idée symphonique, mais la démarche en dit long sur le musicien !
En guise de conclusion, Emmanuel Legrand a fini cette conférence par une question sur ses projets. Éric Serra travaille toujours avec Luc Besson, avec qui il vient de terminer la bande originale de son dernier film Anna (sortie prévue en 2019). Il n’a pas l’intention de s’arrêter là ! Il dirige le RXRA Group, formation de Jazz fusion avec laquelle il compose et prend la route régulièrement pour des tournées. Un moment d ‘échanges décidément privilégié face à un musicien, compositeur, explorateur qui reste, aujourd’hui encore, l’auteur de la bande originale française la plus vendue dans le monde.
Maximilien Girault
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