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Entretien avec Anaïs Lawson : “Notre créneau, c’est l’authenticité”

24 juin 2020
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Entretien avec Anaïs Lawson, directrice artistique et responsable du label indépendant Jeune à Jamais.

Peux-tu nous retracer ton parcours ?

À la sortie des études, je me suis dirigée dans l’artistique. Mais pas vraiment dans la bonne branche, en fait je suis allée au Beaux-Arts à Caen et j’ai fait deux années. Je me suis rendue compte que ce qui m’intéressait c’était plus de travailler avec des artistes et de les accompagner. En gros j’ai rencontré un groupe qui s’appelle COEFF de Caen, et qui faisait du rap. Au début je me suis servie de leurs concerts et de ce qu’ils faisaient pour ce que je faisais aux Beaux-Arts, donc je détournais un peu ce qu’ils créaient, je les filmais, je les suivais, et je transformais ça pour mes créations. Au bout d’un moment ils m’ont demandé des coups de mains et je me suis grave prise au jeu, je me suis rendue compte que ça me plaisait beaucoup d’accompagner un groupe de rap. On a commencé à avoir des premières mises en avant : les InrocksLab, on avait des premières parties au Cargö, je crois que la première c’était Youssoupha, des trucs un peu cool se faisaient petit à petit.

Du coup j’ai arrêté les Beaux-Arts et je suis partie faire des études en culture et communication en me disant la comm’ c’est top, et je vais pouvoir bosser dans la musique en communication. Alors j’ai fait une licence pro à Issoudun, dans le centre de la France car il y a là-bas une licence qui est spécialisée dans la musique et des gros acteurs de la musique et de l’IRMA descendent faire des cours ; en fait on s’est pris une année intensive de communication et commercialisation des produits culturels spécial musique. On y a vu des managers, des directeurs artistiques, des gens dans l’édition, un peu tout.

Après ça j’ai demandé un stage chez Yuma Productions, qui est un gros tourneur de rap, j’ai été prise et je me suis occupé de la communication. J’ai fait deux stages là-bas et ensuite ils m’ont prise en CDD. Donc c’est comme ça que ça a débuté et que j’ai atterri sur Paris. J’ai commencé à faire du management avec Jorrdee, Nodey, et Péhoz ; en m’occupant de Jorrdee et de ses albums j’ai rencontré Alter K, qui est un éditeur chez qui on avait signé les éditions de Jorrdee et qui avait très envie de développer une branche de musique urbaine. Donc la discussion est venue plusieurs fois sur le tapis et après avoir travaillé quelques mois pour Rendez-vous Hip-hop de Hip-Hop Citoyens, on a ouvert Jeune à Jamais après pas mal de discussions ensemble.

Jeune à Jamais est un label avec une identité notamment visuelle, très marquée. Pourquoi avoir tenu à cet aspect-là, en quoi est-ce une force pour vous ?

En travaillant avec Alter K, eux avaient déjà une image que j’appréciais par rapport aux artistes qu’ils signaient, que ce soit French 79, Kid Francescoli … Toutes leur signatures étaient assez qualitatives et avaient déjà une belle image. Les artistes auxquels je m’intéressais aimaient pousser dans l’image, qui aiment développé une esthétique assez particulière et très rapidement on s’est dit que c’était intéressant de continuer dans cette ligne. Il y en a beaucoup qui sont issus de la scène soundclound et je ne sais pas si s’est lié à cette scène ou pas mais ils ont une esthétique assez poussée et forte, et on voulait garder ça. Du coup, notre parti pris a été de prendre des artistes qui avaient déjà créer un univers fort autour d’eux. Et pour pousser dans l’image et développer une esthétique singulière, on a travaillé avec plusieurs graphistes partout dans le monde.

Vous travaillez avec des artistes aux univers artistiques très différents. Comment arrivez-vous à vous adapter au quotidien pour tirer le meilleur de tous ?

On écoute, et on réfléchit à comment on va les placer au niveau des médias, de l’esthétique des clips, de la couleur des lignes directrices des albums et de développer leur points forts au maximum, de pousser leurs univers dans les extrêmes pour faire la différence et se démarquer et ne pas s’auto-concurrencer avec les signatures. Donc on avait besoin d’avoir des artistes qui étaient marqués dans leurs différentes esthétiques.

Avec des artistes aussi différents artistiquement et qui ne sont pas forcément destiné à un large public, comment rester crédible commercialement face aux “majors” de l’industrie ?

Nous, notre créneau c’est l’authenticité. On pense qu’il y a un public pour ça, qui va peut-être pas être un public gigantesque, mais qu’on va avoir des fans qui vont suivre les artistes sur du long terme. Je peux te donner comme exemple Kekra ou Laylow qui ont commencé comme ça et qui au final développent un fan-base qui va pousser ses artistes, donner envie aux autres de les découvrir.

On a pas des budgets gigantesques mais on fait en sorte de pouvoir lancer des carrières et s’adapter au fur et à mesure selon la réception pour pouvoir pousser au maximum nos artistes. Donc il y a pas mal de réflexion et même si on est des indés, on donne le maximum sur tout les niveaux. Pour citer un autre nom, il y a Josman qui est un peu à contre-courant et qui réussit très bien. Une carrière d’artiste ça se construit sur le long terme et autant sur le disque que la scène, nous on prend les artistes au tout début et on les fait monter ; donc là pour l’instant le label est très jeune, il a 2 ans et demi. On espère aller beaucoup plus loin.

A titre personnel, quelles sont les qualités qui t’ont le plus aidé pour arriver là où tu es ?

Je dirai l’authenticité, la transparence, ne pas se montrer trop gourmand pour rien, toujours savoir mesurer par rapport à où l’on veut aller, les étapes qu’il faut franchir pour ça et pas griller des étapes non plus. Mais en priorité je dirai l’authenticité et la transparence.

Quels conseils tu donnerai à un jeune souhaitant travailler dans le milieu de la musique ou les secteurs qui s’y apparentent ?

Ne pas attendre que ça tombe du ciel, et selon le poste qu’il convoite, d’essayer de faire ses preuves par lui-même. Je connais beaucoup de managers qui ont finalement des postes de D.A ou de Chef de projet dans des labels ; donc le management je pense que c’est une bonne formation. Et après, ne pas rester statique et essayer de bouger et d’accompagner des projets qu’on aime à notre échelle. Ça peut commencer en associatif, en indé, en freelance ; mais ne pas se mettre de barrières et avec un peu de travail et de prise de contacts ça peut aller très vite. Surtout qu’en ce moment c’est assez porteur dans le rap, donc faut en profiter.

Plus d’information sur Jeune à Jamais sur le site du label et sur Instagram.

Propos recueillis par Briac Montet

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