Égisto – Opéra Comique
Après le succès de la tragédie lyrique Cadmus et Hermione de Quinault et Lully, reprise l’année dernière à l’Opéra Comique, du drame de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau, ou de la comédie-ballet de Bourgeois gentilhomme de Molière, Benjamin Lazar a choisi de monter un des chefs-d’œuvre de l’opéra vénitien composé par Cavalli en 1643, Egisto.
Cette nouvelle gageure poursuit un travail de restitution authentique des conditions de jeu théâtral. Le premier acte de l’opéra présente une succession de tableaux magnifiques et statiques, prenant le risque de lasser le spectateur peu habitué. Dans un décor métaphorique, miroir du désir des personnages qui reviennent à leurs premières amours, comme une rotonde qui tourne sur elle-même, vestige du temple d’Apollon, orné de plantes grimpantes, les chanteurs éclairés par des bougies, se figent dans une gestuelle baroque et précieuse. Très esthétique, chaque geste est un signe à décrypter. On se croirait dans une Arcadie galante, policée, codée et de bon goût d’un tableau de Watteau. Les costumes somptueux d’Alain Blanchot divisent d’un côté les dieux tout en or, visages compris et de l’autre, les demi-dieux comme Egisto, fils d’ Apollon, ou simples humains. Les dieux dominent le monde des hommes au niveau supérieur du temple et lorsqu’ils s’égarent dans le monde terrestre ou souterrain des Enfers, en deçà, ils sont faits prisonniers comme le pauvre Cupidon.
Par un subtil mélange des genres, l’opéra de Cavalli tourne en dérision les personnages de la mythologie pour plaire à un public tant populaire qu’érudit. Aucun effet de surprise dans la mise en scène. Aucune machinerie comme on pourrait l’imaginer. L’interprétation des chanteurs enchante dans ce manège tournoyant. Et la scène comique aux Enfers amorce enfin un dynamisme que la folie d’Égisto au troisième acte pulvérise.
En effet, dès son apparition, au début de l’opéra, Marc Mauillon domine. Ce magnifique baryton, extrêmement puissant, incarne un superbe Égisto tragique, plein de démesure et de finesse dans le jeu. Claire Lefilliâtre, fidèle à Benjamin Lazar, très sobre, enchante. Après une Hermione sublime, sa Clori, cruelle et tendre à la fois, laisse entendre toute la rondeur enivrante de sa voix. Naturellement, Isabelle Druet, très applaudie, qu’on avait aussi découvert dans Cadmus et Hermione, émeut en Climène dans sa superbe scène avec Lidio qu’elle renonce à tuer. Le ténor, David Tricou fait une apparition rapide mais remarquée en Apollon. Enfin Ana Quintans a conquis le public en Cupidon. Vincent Dumestre, joue du théorbe tout en dirigeant magistralementl’orchestre du Poème Harmonique. Grande ovation du public pour le chef et son orchestre ainsi que pour Benjamin Lazar venu saluer la salle.
Marie Torrès
Egisto
De Pier Francesco Cavalli
Avec Marc Mauillon, Anders J. Dahlin, Claire Lefilliâtre, Isabelle Druet, Cyril Auvity, Ana Quintans, Serge Goubioud et Le Poème Harmonique
Vincent Dumestre (direction), Benjamin Lazar (mise en scène), Adeline Caron (décors), Alain Blanchot (costumes) et Christophe Naillet (lumières)
Jusqu’au 9 février 2012
Tarifs : de 6 € à 115 €
Réservations en ligne
Opéra Comique
75002 Paris
M° Richelieu Drouot ou Quatre Septembre
Reprise à l’Opéra de Rouen (76)
Les 16, 17 et 19 février 2012
Tél. : 08.10.81.11.16
De 10 € à 65 €
www.operaderouen.fr
[Crédit photos : Pierre Grosbois]
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