Don Pasquale – Théâtre des Champs-Élysées
Denis Podalydès signe après Fortunio, l’année dernière, une mise en scène enlevée de Don Pasquale dans l’esprit du cinéma italien des années soixante. Donizetti aurait prétendu avoir écrit cet opéra en onze jours, mais ce serait sans doute plus vraisemblablement en onze semaines et il emprunta beaucoup à ses ouvrages précédents pour tenir les délais. Quoiqu’il en soit, la virtuosité de l’oeuvre prime, révélée par les magnifiques interprètes de cet opéra cruel et comique à la fois.
La scénographie d’Éric Ruf révèle par clins d’œil un univers forain pauvret très tape à l’oeil. Ca clignote, ça brille, ça en jette. La roulotte-camionnette Citroën de Don Pasquale, vendeur de lampions, ne manque pas de fantaisie et se décline avec des allures de tréteaux de la commedia dell’ arte au fur et à mesure des actes. Le spectateur se délecte des apartés qui le rendent complice du bon tour que le docteur, tel un metteur en scène-magicien, va jouer au vieux barbon. La curieuse armoire valise dans laquelle apparaît l’héroïne ressemble à s’y méprendre tantôt à un corbillard, tantôt à une boîte à double-fond de presdigitateur. C’est léger, vivant et plein d’humour et sans prétention. Denis Podalydès s’amuse à multiplier les jeux de scène : on se cache sous un voile, on feint des sentiments ou de s’évanouir, on danse, on prend des poses ou on tournoie tel un pantin. Rien à dire sur les costumes de Christian Lacroix qui se plient aux exigences de la mise en scène.
Les chanteurs se prêtent au jeu admirablement. Alessandro Corbelli crée un barbon attachant, très émouvant dans son désir d’aimer et d’être aimé à son âge. Il enchante par sa capacité à quitter un sentiment pour un autre. On a plaisir à le voir sautiller à l’idée de cette fontaine de jouvence comme s’il avait vingt ans sous l’emprise de la splendide Norina-Désirée Rancatore. La soprano multiplie les virtuosités. Très radieuse, elle illumine le plateau. Piquante et désirable, elle ne manque pas de coquetterie et de rouerie. Elle est divine de drôlerie dans la pruderie et sincère dans son amour pour Ernesto.
Toutes les scènes menées par le docteur Malatesta, interprété par Gabriele Viviani, superbe, sont très réussies. Enfin, le jeune ténor sarde Francesco Demuro par sa très belle présence poétique, a conquis toute la salle. Ses trois airs lyriques, modulés, tendres sont l’expression de l’amour dans toute sa pureté. C’est sublime et régénérant ! Dès qu’il chante, on quitte la comédie pour le sentiment vrai et sincère. Ces ruptures dans l’opéra crée un dynamisme, notamment au troisième acte lorsqu’il chante de la salle accompagné à la guitare, et renouvelle le genre.
Enrique Mazzola, chef espagnol, qui a déjà dirigé l’oeuvre à Glyndebourne, semble maître de sa partition. Il conduit un Orchestre National de France, peu habitué à ce répertoire, avec précision, mais sans relief particulier.
Marie Torrès
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Don Pasquale
Opéra bouffe en trois actes (1843)
Livret de Giovanni Rufini et du compositeur
Enrique Mazzola, direction
Denis Podalydès (Sociétaire de la Comédie Française), mise en scène
Alessandro Corbelli, Don Pasquale (13, 15, 17 et 19 février)
Lorenzo Regazzo, Don Pasquale (21 et 23 février)
Désirée Rancatore, Norina
Gabriele Viviani, Dr Malatesta
Francesco Demuro, Ernesto
Richard Tronc, Le Notaire
Orchestre National de France
Chœur de Radio France
Chef de chœur Nathalie Steinberg
Eric Ruf (Sociétaire de la Comédie Française), scénographie // Christian Lacroix, costumes // Cécile Bon, chorégraphie // Stéphanie Daniel, lumières // Emmanuel Bourdieu, collaborateur artistique
Lundi 13, mercredi 15, vendredi 17, mardi 21 et jeudi 23 février 2012 19h30
Dimanche 19 février 2012 17h
Tarifs : 140 // 100 // 70 // 35 // 10 et 5 €
Réservation en ligne
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées / Radio France
Opéra chanté en italien, surtitré en français
France Musique diffuse cet opéra le 19 mai à 19h30
Théâtre des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
[Crédit visuel : Vincent Pontet]
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