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Degree : “Il y a quelque chose de magique avec la composition lorsqu’on écrit sur des choses qu’on vit”

Joséphine Roger 2 décembre 2020
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© Bastien Communi

Degree, jeune chanteur compositeur de 21 ans, appréhende la musique comme une sphère d’expression et de confidences. Il se livre à travers son premier EP, Draw to an End, dont les compositions font résonner des émotions brutes et magnétiques. Ses prochains projets s’annoncent riches de contrastes, tant par le mélange de l’anglais et du français que par la rencontre de diverses influences musicales.

Comment la musique est-elle devenue pour toi une passion, une raison d’être ?

La musique au tout début était pour moi une occupation, un passe-temps. Au fil du temps, j’ai vécu plusieurs étapes qui ont changé la vision que j’avais de la musique. Apprendre à jouer de la guitare a été un premier élément déclencheur vers mes 12 ans, j’ai directement  réalisé que je pouvais m’exprimer d’une nouvelle manière à travers des compositions. Ensuite, l’acquisition d’un ordinateur vers 16 ans m’a permis de m’ouvrir à la MAO (musique assistée par ordinateur) et plus qu’une activité me permettant de m’exprimer, c’est devenu une passion. Le printemps de Bourges à 19 ans a révélé que cette passion pourrait peut-être un jour devenir une profession. Lors des années qui ont suivi, le besoin d’écrire a pris de l’ampleur et apprendre que cela ne concernait plus que moi mais pouvait résonner aussi chez autrui fait qu’aujourd’hui je peux considérer la musique comme plus qu’une passion.

Ton premier EP intitulé Draw to and End rassemble six titres, dévoilés en février dernier. De quelle “fin” nous parle-t-il ?

Draw to an End peut être lu sous deux angles. Premièrement, il y a la thématique des morceaux. Ces compos je les ai choisies parmi toutes les démos que j’ai pu enregistrer depuis mes 16 ans. Cette sélection se retrouve dans le traitement de la “fin” de différentes façons. La fin par l’oubli, la fin par la rupture, la fin par le temps, la fin par le silence. C’est une thématique récurrente sur l’EP, tous les morceaux amènent à une fin dans leurs propos. Deuxièmement, ces morceaux marquent la fin d’une période pour moi. Ces compositions qui ne se suivent pas dans le temps forment des fragments d’histoire, des instants qui m’ont marqué entre mes 15 ans et mes 19 ans. C’est une période plus sombre où je me cherchais beaucoup. Ce sont des morceaux que je porte depuis très longtemps et les partager c’est aussi m’en détacher. J’emmène ces compos à une fin et je peux me concentrer sur la suite. Au final plus que la fin, ce qui est intéressant c’est le début qui s’ensuit.

Ton titre Memories est un titre à la fois intense et plein de nuances. Il nous évoque par son texte comme son visuel une certaine nostalgie, couplée d’une tension illustrée en image par le rapport de force. Que souhaitais-tu transmettre à travers cette réalisation ?

Mon track Memories est une chanson assez simple dans son texte, tournée vers mes proches. Elle souligne que chaque moment devient souvenir que l’on porte en nous à vie.
Lors du questionnement sur la mise en image, je voulais détourner cet aspect lisse tout en gardant la symbolique. La réalisatrice, Zoé Cavaro, a donc écrit ce clip qui met en scène un groupe d’amis mettant fin à la vie d’un de leurs membres. Ils font de cet individu un souvenir. Chaque membre porte des chaines comme des souvenirs et alors que la personne affaiblie les quitte, les membres prennent ses chaines. Le clip a pour but de surprendre et détourner l’image du groupe d’ados qui s’amuse sur la plage. Ce choix nous permet d’apporter un poids et une autre lecture au track original, en y inculquant la notion de la mort.

L’écriture et la musique sont-elles pour toi le témoignage d’instants vécus, d’émotions, de sentiments ?

Complètement, j’ai beaucoup de mal à écrire des fictions. La musique était pour moi seulement un moyen d’exprimer mes sentiments et raconter ce que je vivais sans que cela ait l’ambition d’être écouté. Écrire est une forme de thérapie, ce que je n’exprime pas à mon entourage je le mets dans mes musiques. Il y a aussi quelque chose de magique avec la composition lorsque l’on écrit sur des choses que l’on vit. Un moment vécu, une expérience, un sentiment, va être sauvegardé, intact. Au fil du temps on peut prendre du recul et affronter un évènement triste, douloureux, ou bien se réconforter avec un moment plus léger car il aura été conservé dans une chanson.

Quel rapport as-tu personnellement à la scène ? Est-ce pour toi un moment d’expression et de partage particulier ?

La scène c’est ce sur quoi j’ai le plus travaillé avant la sortie de l’EP. Je ne percevais pas toutes les possibilités qu’elle offrait. C’est une sensation forte humainement. Je suis quelqu’un de facilement stressé donc l’avant-concert est pour moi une grosse boule de stress. Cependant, une fois le set commencé c’est vraiment surprenant, on réalise qu’enfin les musiques prennent sens. Je conte mes histoires au public et un échange s’opère. C’est comme si une bulle se formait et tout ce que je ressentais lors de la composition du morceau se décuplait, reprenait vie. J’aime bien aussi définir les moments plus impactants de mon set comme des moments à incantation : ce qui me fait vibrer dans la musique et la raison pour laquelle j’en fait, résonne également dans le public. Ensuite, à chaque fin de concert, la boule de stress disparait et paradoxalement c’est un manque qui s’installe.

Nous pouvons t’entendre chanter en français sur certains titres comme Feu et Forgetting. Qu’est-ce qui oriente et justifie ton choix linguistique ?

J’ai commencé à écrire des musiques et m’exprimer sur ce que je vivais dans ma chambre. Afin de garder mon intimité, l’anglais était une facilité pour ne pas être compris. J’étais aussi beaucoup plus sensible à des chanteurs/auteurs anglais. En grandissant, j’ai réalisé que le français était plus un obstacle que je n’osais pas franchir. Chanter en anglais allait avec l’esthétique que j’avais l’habitude d’entendre mais il conservait un filtre qui empêchait une compréhension directe de mon texte. Je voulais amener du français sur l’EP comme pour ouvrir la porte à ce que je n’osais pas faire avant. Feu m’est venu naturellement et Forgetting fait écho à Feu dans la peur que les relations deviennent distantes et qu’on perde des proches avec le temps. L’écriture en français permet de les relier et apporte un équilibre aux tracks qui était nécessaire. Ce mélange français anglais c’est quelque chose qui me plait beaucoup et qui sera présent dans mes futures sorties.

La dimension progressive, puissante et magnétique de certaines de tes compositions nous rappelle l’univers de Woodkid. Qu’en penses-tu ? Est-il pour toi, de près ou de loin, une source d’inspiration ?

Woodkid a été une grande influence pour moi. Sa musique autant que son image. C’est quelque chose qui se ressentait beaucoup sur mes premières compositions, jusque dans ma voix. Aujourd’hui c’est une couleur qui est présente dans mon son mais qui fait partie d’un ensemble de références comme Bon Iver, Frank Ocean ou Metronomy. J’ai eu la chance de rencontrer Yoann Lemoine ces dernières années et il m’a appris beaucoup de choses sur la vision de la musique. Il m’a fait découvrir des artistes comme Rufus Wainwright qui est devenu une grande référence pour moi alors que je n’accordais plus d’importance à la “chanson”, je me perdais dans la production. J’ai pris conscience de certains de mes défauts comme de certaines de mes forces.

Pouvons-nous nous attendre à une prochaine sortie musicale ? Si oui, pouvons-nous avoir quelques indices ?

Je viens de sortir Part of It, le premier morceau de mon premier album. Lors de la finalisation de l’EP, j’ai rencontré Simon Quénéa et Pierre Cheguillaume du groupe INUIT et pendant un an on s’est mis à réaliser un son par semaine, principalement à partir de mes maquettes. Après le ralentissement du développement de l’EP causé par la Covid-19, on a rassemblé une cinquantaine de nos créations et avons directement commencé à travailler sur le premier album. Ensemble, on a appris à se découvrir et on s’est laissé une liberté totale soutenue par mon label IPPON Music. Je me suis entièrement confié dans mes textes et ouvert dans la production. Aujourd’hui, le projet a des couleurs pop, rock, électro soutenant un discours décomplexé qui sera d’autant plus contrasté que profond.

 

Retrouvez Degree sur son compte Instagram.

Propos recueillis par Joséphine Roger

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