Cycle Beethoven-Schoenberg-Boulez – Quatuor Diotima – Bouffes du Nord
C’est vrai. Au théâtre des Bouffes du Nord, il fait chaud et on est mal assis… mais c’est beau. Le public parisien aime particulièrement ce vieux théâtre décrépi, en ruine, comme notre création culturelle.
On imagine que cette salle est d’ailleurs régulièrement entretenue pour s’assurer que le neuf ressemble toujours au vieux.
Schoenberg, Boulez, Beethoven. Un vrai programme.
Le deuxième quatuor de Schoenberg est le meilleur de sa production. Il fut écrit dans la période phare du compositeur austro-américain, dite « atonale libre ». Ce furent ces quelques années qui précédèrent la première guerre mondiale, où il n’était plus vraiment tonal et pas encore sériel. Il cherchait de nouvelles formes qui correspondent à l’évolution de son matériau harmonique.
Composée de quatre mouvements, l’originalité de l’œuvre repose sur l’intervention d’une soprano aux deux derniers. La musique y est d’une beauté rare. D’autant que l’œuvre est peu jouée, à l’instar du cycle de mélodie écrit à la même période, Le livre des jardins suspendus.
Le quatuor Diotima y excelle. Dans une salle où la réflexion du son est quasi nulle, la sonorité porte directement sur les instruments. Les musiciens jouent volontairement des dynamiques faibles, retenues. Les couleurs pâles ressortent ainsi avec une grande justesse de ton. La voix de Juliane Banse est chaleureuse et offre une belle présence.
Le Livre pour quatuor (partie III et V) de Boulez date du cœur de sa période sérielle. En perpétuelle réécriture, comme une bonne partie de son œuvre, c’est soixante-ans après, à l’âge où il dirige Bruckner, Szymanowski et Janacek qu’il décide d’y revenir.
Nous sommes toujours aussi fascinés par ces sonorités inouïes, ces articulations faites de ruptures et d’asymétries, dont plus personne aujourd’hui ne s’inspire. Cette musique est d’une autre époque. Il n’est plus question de la comprendre par un programme pédagogique complexe qui a déjà échoué depuis longtemps. On y adhère… ou pas.
Le 13e quatuor à cordes de Beethoven est un phare du répertoire. Il est ce à partir de quoi nous jugeons le reste. Et Boulez ne s’y trompe pas. Il est de loin l’œuvre la plus difficile du programme.
Les mouvements intermédiaires sont les plus réussis, avec un presto pris dans un tempo particulièrement rapide, à l’expression tourmentée. Le premier violon est parfois couvert dans la Cavatine, ce qui est dommage, mais la Grande Fugue emporte le public dans un tonnerre d’applaudissements.
Cycle Beethoven-Schoenberg-Boulez
Le dimanche 25 novembre 2012 à 17h
Avec Juliane Banse
Arnold Schoenberg, Quatuor à cordes n° 2 en fa dièse mineur, op. 10 avec voix (1907-08)
Pierre Boulez, Livre pour quatuor, parties 3a, 3b, 3c et 5 (1948-49, révision 2011-12)
Ludwig van Beethoven, Quatuor n°13 en si bémol majeur, op. 130 – version originale avec la Grande Fugue (1825)
Quatuor Diotima, Quatuor à cordes
Juliane Banse, Soprano
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis, bd de La Chapelle
75010 Paris
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