Chronique sur l’orchestre national d’Ile de France : “la Neuvième”
La neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven est l’oeuvre absolue de la musique classique. Elle est connue du très grand public, notamment grâce à sa présence fréquente dans le cinéma.
Beethoven est un compositeur charnière : il fait basculer l’univers musical du classicisme (avec comme figures de proue Mozart et Haydn) au romantisme ( avec des compositeurs comme Wagner). Il marque l’histoire de la symphonie : les compositeurs classiques composaient entre cinquante et cent symphonies – Mozart en a composé quarante-neuf. Désormais, on en écrit moins parce qu’elles sont plus importantes. Beethoven meurt peu de temps après avoir composé sa neuvième symphonie. Il laisse un lourd héritage à ses successeurs qui ne savent plus quoi écrire après cette neuvième symphonie. Brahms n’osera écrire sa première symphonie qu’à 43 ans, en 1876. La comparaison avec Beethoven étant très difficile à soutenir. Il affirme d’ailleurs : “J’entends les pas d’un géant derrière moi”.
La symphonie est un genre relativement nouveau au XIXème siècle : elle est née en 1750. Beethoven fait imploser ce genre classique. Il garde les cadres (les quatre mouvements et leurs caractères) mais il chamboule tout à l’intérieur.
Beethoven a composé ses huit premières symphonies en environ un an, ce qui est très rapide. Pour la neuvième, il lui a fallu trente ans de gestation et douze ans pour l’écrire. Nous avons donc affaire à une oeuvre d’une toute autre importance : cette symphonie dure plus d’une heure, et le finale plus de vingt-cinq minutes, ce qui correspond à la durée totale de la huitième symphonie… Beethoven modifie aussi considérablement l’effectif orchestral. L’orchestre classique était principalement constitué de cordes avec deux flûtes, deux hautbois, et deux cors. Beethoven fait exploser cet effectif en ajoutant de nombreux vents et des timbales.
La neuvième symphonie est la dernière symphonie de Beethoven. Elle a la particularité de faire intervenir un choeur dans le quatrième mouvement. Elle a donc une portée nouvelle : ce n’est plus de la musique pure ; elle a désormais un sens.
A travers cette symphonie, Beethovent nous propose un nouveau monde qui se construit. Elle a une double valeur. Beethoven fait à la fois un bilan, une synthèse de son style, et une ouverture sur le monde nouveau du romantisme, sur la sensation d’un monde nouveau en gestation.
Le premier mouvement pose la base de ce nouveau monde sonore en débutant par des interventions qui ne sont pas très déterminées. Les trémolos des cordes, les tenues de cor et les interventions en arpèges des premiers violons sont pianissimo. Ils forment une sorte de tapis sonore qui n’est pas habituel pour les symphonies : par ces procédés, Beethoven retranscrit l’idée d’une masse sonore qui s’organise sous nos oreilles. Mais on revient vite au pianissimo initial. Ce mouvement, dans lequel il n’y a encore rien de mélodique, dans lequel on ne trouve encore que des éléments épars, fait ressortir un côté mystérieux et montre une énergie en puissance. Le premier élément mélodique qui apparaît, avec la première intervention du hautbois et de la clarinette, est une préfiguration de “l’hymne à la joie”.
Le deuxième mouvement est un scherzo, alors qu’on trouvait traditionnellement à la période classique un menuet, qui permettait de se divertir, de relâcher les tensions. En choisissant le scherzo, Beethoven accélère le tempo et choisit un mouvement ternaire qui empêche toute danse. Cette accélération le fait sortir du classicisme et du divertissement. Le compositeur montre dans son introduction le réservoir thématique et énergétique du mouvement. Il joue avec les silences qui coupent les thèmes, et fait sortir les timballes de l’orchestre en les faisant jouer à vide, c’est-à-dire seules. Il leur offre ainsi un rôle bien plus important que celui auquel elles étaient réduites dans le classique, dans lequel elles ne servaient que de pulsation et où elles restaient cantonnées au fond de l’orchestre. La cellule d’introduction expose le thème de la suite du mouvement. On peut repérer des entrées en fugato : le thème est lancé par les seconds violons, puis est repris toutes les quatre mesure par un autre pupitre de cordes. On passe d’une ligne de violons seuls à un tutti gigantesque. On retrouve quand même une concession au classicisme dans ce mouvement : la structure globale divisée en deux unités opposées. Ainsi, le premier thème est ternaire, en tutti, rythmique, fortissimo et en mode mineur, tandis que le second est binaire, il n’est interprété que par les bois (hautbois, clarinette et basson) de manière mélodique, piano et en mode majeur. Ce mode majeur apporte une sensation de havre de paix.
Le troisième mouvement est lent. C’est un moment de détente avant l’explosion du finale. Beethoven joue ici sur la fusion des timbres.
Le finale fait intervenir un choeur et des solistes. Il est l’aboutissement de l’oeuvre entière de Beethoven, et sert d’ouverture pour la suite. Le début de ce mouvement est un bilan symbolique de ses symphonies. Le premier accord est qualifié de “fanfare de l’effroi” par Wagner parce qu’il est dissonant. Il est coupé par un récitatif qui est une ouverture sur l’avenir. Ensuite, les premiers mouvements apparaissent à travers des réminiscences qui sont interrompues par l’hymne à la joie. Si ces différents mouvements sont coupés, c’est parce que la vérité n’est pas là pour Beethoven, elle est ailleurs. D’ailleurs, l’hymne à la joie n’est pas interrompu car c’est un véritable aboutissement. Le texte de Schiller, l’ode à la joie, évoque des thèmes qui sont très chers à Beethoven, comme la fraternité ou l’amitié. Il devient un “hymne” lorsqu’il est mis en musique. La phrase la plus importante de ce texte, celle qui est répétée pendant la coda est : “Joie, fille de l’Elysée”. A la différence d’Arcadie, l’âge d’or passé, l’Elysée est une foi en l’avenir de l’homme par l’homme. Beethoven réaffirme donc à la fin de sa dernière symphonie sa foi en l’homme, et ses projets pour lui, puisqu’il indique la voie à suivre à ses successeurs.
L’orchestre national d’Ile de France a pris un risque en choisissant d’interpréter la neuvième symphonie de Beethoven, qui est une des oeuvres les plus célèbres de la musique classique. Mais il a réussi, en compagnie du coeur de l’orchestre de Paris et des solistes, (Soprano : Alexandra Deshorties, Mezzo-soprano : Rebecca Martin, Ténor : Tuomas Katajala, Baryton : Rudolf Rosen) à renouveller notre approche de l’oeuvre. Les solistes, soutenus par le choeur, ont fait vibrer les spectateurs. La salle (comble) était ravie d’avoir assisté à cette neuvième, interprétée avec justesse et émotion.
Claire BARROIS
Pour voir la Neuvième :
vendredi 22 mai 2009 à 20h – Paris (75)
dimanche 24 mai 2009 à 17h – Créteil (94)
mardi 26 mai 2009 à 21h – Aulnay-sous-Bois (93)
jeudi 28 mai 2009 à 20h30 – Noisy-le-Grand (93)
samedi 30 mai 2009 à 21h – Villeparisis (77)
Les tarifs vont de 6€ pour les abonnements tarif jeune à 30 € pour les places de première catégorie en plein tarif.
Réservation au 01 43 68 76 00, du lundi au vendredi (de 9h30 à 12h30 et de 14h à 18h) ou sur internet : http://www.rodrigue.fr/transact/venteenligne.asp?WCI=Panier_ListeManifs&langue=&site=&idstructure=127&origine=&nocal=0&time=42320.2&submit=R%E9server
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