Change De Disque : “Les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la musique ont toujours été là !”
De plus en plus d’associations se mobilisent pour dénoncer ces violences et y apporter des solutions concrètes. Change De Disque, co-fondé par Emily Gonneau et Lola Event, en fait partie.
Qui êtes-vous ? Quelles sont vos activités ?
Nous sommes une association qui a pour objet de travailler avec les acteurs de la musique en France sur l’adoption de mesures concrètes concernant la lutte contre toutes les discriminations envers les professionnel.le.s, artistes et non-artistes, évoluant dans le secteur, tant sur le plan de leur rémunération, de leur progression de carrière et du développement de leur compétences, que sur celui de la prévention et la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles dans le cadre de leur relation professionnelle et / ou sur leur lieu de travail. L’association s’appuie et travaille en collaboration étroite avec les autres initiatives existantes, afin d’être, ensemble, les plus efficaces possible.
Pourquoi faites-vous cela ?
Les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la musique ont toujours été là, seulement personne ne voulait les voir et en prendre véritablement la mesure. Elles sont pourtant systémiques : 1 femme sur 2 (artiste ou professionnelle) vit (ou a vécu) du harcèlement moral, tandis que près de 40 % des femmes artistes et 1/4 des femmes professionnelles vivent (ou ont vécu) du harcèlement sexuel (enquête CURA Collectif 2019).
Ces violences se nourrissent de problèmes structurels, en termes d’égalité Femmes / Hommes : les artistes femmes s’évaporent de la musique (60 % des étudiantes mais 1 % des artistes récompensé.e.s, selon le rapport du Haut Conseil à l’Egalité 2018) et les professionnelles subissent d’importants écarts de salaire avec leurs collègues masculins.
Comment expliquer un tel phénomène ?
Les femmes de la musique s’activent en coulisses depuis longtemps, mais nous atteignons enfin un point de bascule : elles ne sont plus isolées, elles se parlent et s’entraident. Réseaux dédiés, programmes de mentorat, documentaires, podcasts, événements féministes et safe, surtout, collectes de chiffres et appels à témoignages… Des dizaines d’initiatives utiles et pertinentes existent, toutes imaginées et crées par les femmes de notre filière, mais toujours sur leur temps libre et au détriment de leurs finances et de l’avancement de leurs propres carrières.
Cependant, il demeure un angle mort majeur : les grosses sociétés privées sur lesquelles ni le monde associatif ni les institutions publiques n’ont de prise. Trop énormes et trop riches, intouchables en somme. Or, c’est à cet endroit que se nouent et se perpétuent les mêmes problèmes structurels que partout ailleurs. Et l’impact de ces sociétés est considérable puisque cet écosystème irradie toute la chaîne de valeur de la musique. Il n’y a pas de fatalité, seulement cette configuration appelle une approche spécifique, adaptée à la réalité de ces organisations, afin de mieux traiter les problèmes à leur source.
Par quel biais œuvrez-vous ?
Il faut penser le problème et ses solutions à l’échelle de tout un écosystème, avec une variété de niveaux d’implication différents pour chaque personne qui y évolue. Il faut des solutions pensées par tout le monde, pour tout le monde. Nous en finirons lorsque chaque personne pourra agir simplement, concrètement, au quotidien et à son niveau.
Quelles actions ?
Elles s’organisent autour de quatre objectifs : d’abord, interconnecter les initiatives existantes afin de gagner du temps et les remettre en valeur. Ensuite, faire de la pédagogie : rappeler les lois, les organisations spécialisées et les dispositifs existants. Puis, créer des outils accessibles à tou.te.s pour mieux comprendre comment lutter contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles dans la musique.
Enfin, proposer et militer pour des mesures concrètes pensées collectivement : nos groupes de travail se déroulent en ligne et sont ouverts à toute personne volontaire, quelle que soit la taille de son réseau, son âge ou son expérience dans la musique. Il est également possible d’y participer de manière anonyme, selon son temps disponible.
Pourquoi changer la grille de lecture ?
La changer permet de comprendre ce qui se joue afin de prendre la véritable mesure du problème. Le véritable sujet est celui du rapport de force et de l’abus de pouvoir, ce qui explique pourquoi discriminations et violences sexistes ou sexuelles sont liées et se nourrissent l’une l’autre. Car les abus, la violence et l’injustice se nichent dans les situations où le rapport de force est le plus asymétrique, faute de contre-pouvoirs en mesure de dissuader les personnes en position de force d’en abuser.
Et toute la difficulté réside dans le fait que les violences et les discriminations sont commises et entretenues par le premier cercle de celles et ceux qui les subissent. C’est donc le caractère inextricable de ces relations interpersonnelles qui les rend d’autant plus complexes et psychologiquement épuisantes à combattre, d’autant plus que tout se joue en silence.
La libération de la parole est un facteur majeur de changement. Nous essayons de contribuer à transformer cet élan en mesures concrètes. En cela, 2021 promet forcément d’être une meilleure année que 2020.
Propos recueillis par Esther Costes
Rejoindre l’association : Change De Disque.
À découvrir également sur Artistik Rezo : Les passionariArts : le podcast qui donne la parole aux femmes inspirantes et engagées du monde des Arts
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