Carl Barât – Carl Barât
God save the Queen ! Dans une veine pourtant distincte du « no future » des Sex Pistols, Carl Barat, pur produit d’Albion, s’affirme tout en maturité avec ce premier album solo. S’il reste toujours affilié aux Libertines, groupe fondé avec le sulfureux Pete Doherty, l’ex de Dirty Pretty Things (sa seconde formation) se dévoile dans un style inédit, entre crooner pop et glam rock. A l’image de la séparation des Libertines, des atermoiements artistiques et des retrouvailles sur scène (aux festivals estivaux de Reading et Leeds en 2010), Carl Barât évoque avec élégance les passions, les ruptures, l’incertitude et les bleus à l’âme.
En dix chansons, le sujet de Sa Majesté démontre une propension extraordinaire au clair-obscur mélodique. Avec en clé de voûte de l’album deux titres : Run with the boys, fraternel, enjoué et chaloupé, emmené au saxo par Ben Castle, suivi du maléfique The Fall, sorte de « je t’aime moi non plus » désabusé et crépusculaire, travaillé comme une parade musicale désarticulée (avec la participation de Neil Hannon de Divine Comedy).
Héritage des Kinks
Carl Barât enchaîne ainsi les hymnes, magnifiant la relation amoureuse sous le filtre de l’affection éthérée puis de l’ardeur appesantie. Reflet de ce songwritting incantatoire : « We need more time to live or die » (She’s something), digne d’un axiome de John Lennon. Alors qu’avec l’efficacité redoutable de So long, my lover, les premiers temps de la séduction au cœur du West End of London s’abîment dans la cession amoureuse, s’accrochant au refrain fuyant et aux sons des violon et viole (ces mêmes cordes accompagnent la fin de l’album, plus mélodramatique). Le chanteur anglais pose même sa voix en français sur Je regrette, je regrette, confesse léger et éploré.
Plus qu’une révélation, Carl Barât, à l’instar d’un Jarvis Cocker (lui aussi passé du groupe – Pulp – à une carrière individuelle), assure un héritage générationnel, celui des Kinks de Ray Davis période Lola. L’ex-Libertines installe son univers glamour, ses slogans détachés, son aisance musicale, son rythme scandé et son univers parfois androgyne.
Pour sa première réalisation solo, Carl Barât livre ainsi un rock de velours, lascif comme la Tamise et inspiré comme un entonnement de la reine du genre : « love is a banquet on which we feed ». God save Patti Smith. God save the Queen !
Cyril Masurel
Lire aussi sur Artistik Rezo, les meilleurs CD de 2010.
Carl Barât – Carl Barât
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Sortie le 4 octobre 2010
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