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Brève histoire américano-française du funk

Lauraleen Maciel 21 janvier 2021
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© Pochette Emergency Kool & The Gang - Edition Deluxe

Le funk c’est la célébration du groove, une musique qui descend tout droit dans les hanches et qui fait bouger sans même qu’on en prenne conscience. Ayant émergé dans les années 1960, elle invite sans aucun doute à la fête. C’est certainement la raison pour laquelle son pouvoir d’attraction demeure si fort, que ses racines culturelles résistent au temps et qu’il nourrit encore la création musicale actuelle.

Certains aiment à dire que le funk est la consécration de la musique afro américaine. Pourtant un mythe raconte que ces sonorités ont été inventées au cœur du 7ème arrondissement de Lyon. Nous avons alors voulu éclaircir ce mythe en recherchant des témoignages et des informations afin de conclure que Lyon n’était peut-être pas la capitale d’origine de la musique funky mais qu’elle en possédait un héritage tout à fait honorable.

1- L’histoire américaine : entre rythmes endiablés et tensions raciales

Historiquement, la musique funk a d’abord émergé vers le milieu des années 1960 aux États-Unis. Issu principalement de la soul et du jazz, le funk se caractérise par la prédominance de la section rythmique (guitare, basse, batterie), la présence fréquente de cuivres ou de saxophones sur des ponctuations rythmiques (riffs) ou bien des solos et, de manière générale, par la grande place accordée aux instruments. L’idée de ces rythmiques est venue des bars de La Nouvelle-Orléans.

Le funk prend vie à travers des textes engagés et mélodieux insistant sur la défense des Noirs et les difficultés du ghetto. On peut citer James Brown, considéré comme l’initiateur d’une funk urbaine et revendicative, d’abord avec le titre Papa’s Got a Brand New Bag, sorti en 1965, puis avec le célèbre Sex Machine de 1970.




Le développement commercial du funk accompagne, à partir de la fin des années 1960, celui de la culture afro-américaine, à l’image de James Brown. Le grand public est finalement converti, notamment par des groupes comme Commodores avec Lionel Richie et Chic, (Chic Cheer, Le Freak, Good Times). Des groupes comme Kool & The Gang, ou encore Earth, Wind and Fire, jusque-là connus des amateurs, connaissent alors un succès considérable. Le funk commence alors à se diversifier, d’autres mouvements naissent au cours des années 70, tels que le jazz-funk développé par Stevie Wonder et Betty Davis, le P-funk ou encore le disco-funk.

Au cours des années 80, la musique funk sera bouleversée par l’arrivée massive de nouveaux instruments électroniques, comme les synthétiseurs et boîtes à rythmes, favorisant la naissance de nombreux labels et de groupes. Certains d’entres eux, s’approprient ces instruments tout en prolongeant l’esprit de la musique funk des années 1970, proche de la disco noire américaine, centrée autour du groupe et propice au live. D’autres artistes, groupes ou producteurs émergent, générant une musique différente, davantage tournée vers l’électronique et le travail en studio, définissant une nouvelle forme de groove. 

2- Évolution du genre : un mariage de la soul, du rock et de la pop music

Plus récemment, le funk reste un genre qui s’incorpore dans de nombreuses créations musicales : des morceaux comme Atomic Dog de George Clinton (1982) ou Who Am I (What’s My Name) de Snoop Dogg (1993) en sont des exemples. En effet, tout au long des années 1990 et 2000, les producteurs hip-hop et R’n’B puisent beaucoup de samples et de breakbeats dans les disques de funk de l’époque pré-disco (avant 1975). Le très célèbre groupe anglais Jamiroquai connait un énorme succès grâce à sa recette à base de funk ultra-speed mélangée à différents courants notamment l’acid jazz, le rock, l’electro et le disco. Des morceaux comme You Give Me Something, Little L, Cosmic Girl, ou encore Love Foolosophy sont de vraies réincarnations du funk rythmé disco.




Aujourd’hui le funk des années 70 et 80 séduit encore. De nombreux artistes comme Bruno Mars , Daft Punk ou encore Pharrell Williams sont allés puiser à la source du mouvement pour sampler des morceaux de funk et composer leurs titres. Depuis une dizaine d’années, ce genre subit une nouvelle évolution : le Modern-Funk. On peut citer Dâm-Funk, un des premiers à utiliser ce terme pour décrire sa musique, considéré comme l’initiateur et le leader de ce style. D’autres artistes adeptes des nouvelles évolutions de ce nouveau funk se sont lancés, tels que : Turquoise Summers, XL Middleton, Moniquea, Buscrates 16 Bit Ensemble, Brian Ellis, Benedek, Freekwency et bien d’autres.

Il est donc difficile de distinguer la révolution funk de l’histoire américaine des années 60 et 70. Une (r)évolution qui suit la sismographie des événements. Celle d’une Amérique d’après-guerre en pleine ébullition. Une Amérique qui jongle entre son intervention au Vietnam depuis 1965 et la montée croissante des revendications de ses citoyens noirs menés par le pasteur Luther King et Malcolm X.

3- Lyon, capitale du funk ?

Un mythe raconte que le funk a été inventé entre Jean Macé, Saxe et Guillotière. Bien qu’il n’est pas rare d’en entendre dans des clubs ou des boites lyonnaises, nous avons pu lire à de nombreuses reprises dans les commentaires des fameuses vidéos de “69 la trik”, de véritables revendications des origines lyonnaises du funk. Quelle est la raison d’une telle passion pour la musique funk ? Et surtout qu’est-ce que le funk doit aux lyonnais ?

Il faut dire qu’en 2020, la Guillotière est un quartier en transformation. La mairie de Lyon pousse depuis des années un projet d’un urbanisme bourgeois dans tout le centre-ville. Il y a quarante ans, la situation était tout autre, ce quartier abritait une foule de musiciens, principalement venus de l’Est algérien, qui ont donné pendant près de vingt ans une identité sonore à toute une ville, et notamment à ces quartiers populaires. C’est toute une série de petits labels et studios qui vont se monter entre Lyon et Villeurbanne, pour accueillir une nouvelle scène musicale issue du raï (musique traditionnelle algérienne) et de la musique staïfi (musique festive algérienne) combinée aux grands genres populaires des années 1970 et 1980. 




Il y a bien une mode, un héritage. Un héritage qui en dit beaucoup sur la ville de Lyon à la fois en termes de richesse musicale, mais aussi culturelle et sociale. Comme bien souvent dans l’histoire, les combats politiques nourrissent les dynamiques artistiques. Dès 1978, on retrouve des chanteurs qui affirment des messages engagés dans leurs morceaux. Ces artistes dénoncent notamment les bavures policières, comme le premier titre du projet Maghreb K7 Club en référence à l’affaire Malik Oussekine : Malik ya Malik. Dans ce contexte un réel écosystème s’est construit avec l’éclosion de nombreux labels, sans oublier les nombreux rassemblements musicaux festifs dans les bars et cafés de la Guillotière – Chez Mireille, Le But et Chez Georges.

Nous pouvons remercier Bongo Joe Records associé aux Lyonnais de Sofa Records d’avoir ressuscité MAGHREB K7 CLUB : Synth Raï, Chaoui & Staifi 1985 – 1997 à travers une compilation sortie en mars dernier. Celle-ci regroupe ce qui se faisait de mieux en matière de musique raï, chaoui et staifi entre le milieu des années 80 et la fin des années 90. Ces morceaux rendus sur cassettes sont mélancoliques, dansants, joviaux ou tristes à mourir, on y parle mélancolie, immigration, précarité sociale, et amour. On y retrouve des artistes comme Nordine Staifi qui portait cette musique hybride entre influence maghrébine et disco/funk.




Lyon, capitale du funk? Pas exactement. Mais Lyon est bien la capitale d’une musique festive qui a su faire bouger et rayonner une ville, animer ses rues et même influencer des dynamiques culturelles. Alors si l’on ne peut se retrouver pour faire la fête dans des bars et cafés en cette période, on peut toujours se laisser aller aux sons qui ont rythmé les soirées lyonnaises et américaines fut une époque  !

Voici une playlist de quelques morceaux cultes, neufs, expérimentaux et curieux pour groover dans vos soirées confinées ! 

Propos de Lauraleen Maciel

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