Billy Budd à l’Opéra Bastille
Francesca Zambello a magnifiquement mis en scène cet opéra grandiose dont le livret s’inspire de la nouvelle de Melville, tout en soulignant davantage l’aspect de l’homosexualité dans le trio Billy Budd, John Claggart, le maître d’armes, et Edward Fairfax Vere, le capitaine. Cet opéra moderne, en effet, ne réunit que des hommes : des officiers, des matelots et de jeunes mousses, sans créer de monotonie vocale.
Dans un décor fabuleux, Alison Chitty crée l’illusion avec l’avancée triangulaire de la proue du navire sur la scène. Un grand mât qui n’est pas sans rappeler la croix quand Billy Budd – Jésus –, hissé en altitude, semble se donner à la mer. Cette image très forte apparaît dès le début de l’opéra et annonce son issue tragique : un innocent puni par la justice des hommes. On peut penser aussi à Ulysse, attaché au mât par ses compagnons pour résister au chant des sirènes.
Lucas Meachem incarne un magnifique Billy Budd, ange de Dieu, jeune et beau, bon et généreux, un fils aimant et reconnaissant qui ne demande qu’à retrouver un père en la figure du capitaine. Le baryton emporte toute la salle dans son drame. Le duo avec le capitaine qui l’a convoqué pour le confronter au maître d’armes est sublime.
C’est un opéra très lyrique, très épique. Les personnages sont émouvants. Chacun force le respect, incarnant des idées du bien et du mal et ne pouvant s’y soustraire. Kim Begley en capitaine est magnifique et très applaudi. C’est le narrateur du prologue et de l’épilogue ; il raconte l’histoire qui a brisé sa vie avec puissance et grandeur d’âme. Dans cet opéra, symboliquement, c’est le père qui tue le fils.
Enfin, Gidon Saks est un maître d’armes exceptionnel. Il aime et jalouse l’image que renvoie Billy Budd, beauté et bonté. On le voit caresser de sa baguette le corps du matelot qu’il n’ose effleurer de la main et glisser amoureusement le foulard bleu couleur de la pureté de Billy Budd, dans son pantalon. Figure du mal, il apparaît comme un serpent dans son costume plus sombre. Sa gestuelle souple et féline accentue le caractère malin du personnage. Il se faufile jusqu’au capitaine pour insinuer à deux reprises son venin.
Les scènes de choeur, très belles, recréent cette ambiance des matelots. Les voix viennent de la soute et remontent comme sur un navire. La musique de Britten accompagne cette tragédie et souligne avec intensité, douceur et violence tous les mouvement de ce drame épique.
Marie Torrès
Billy Budd
Opéra en deux actes
Musique de Benjamin Britten
Livret d’Edward Morgan Forst et d’Eric Crozier
D’après la nouvelle d’Herman Melville
En langue anglaise
JEFFREY TATE Direction musicale
FRANCESCA ZAMBELLO Mise en scène
ALISON CHITTY Décors et costumes
ALAN BURRETT Lumières
PATRICK MARIE AUBERT Chef du Chœur
KIM BEGLEY Edward Fairfax Vere
LUCAS MEACHEM ° Billy Budd
GIDON SAKS John Claggart
MICHAEL DRUIETT Mr Redburn
PAUL GAY Mr Flint
SCOTT WILDE Lieutenant Ratcliffe
ANDREAS JÄGGI Red Whiskers
IGOR GNIDII Donald
YURI KISSIN Dansker
FRANÇOIS PIOLINO The Novice
JOHN EASTERLIN Squeak
FRANCK LEGUÉRINEL Bosun
PAUL CRÉMAZY Maintop
VLADIMIR KAPSHUK The Novice’s Friend
ORCHESTRE ET CHŒUR DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS
MAITRISE DES HAUTS-DE-SEINE/ CHŒUR D’ENFANTS DE L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS
Jusqu’au 15 mai 2010
Lundi 10 mai 2010 19h30
Jeudi 13 mai 2010 19h30
Samedi 15 mai 2010 19h30
Informations et réservations : 08 92 89 90 90 (0,337€ la minute) ou sur le site Internet de l’Opéra Bastille.
Tarifs : 138€ 116€ 92€ 76€ 54€ 35€ 20€ 9€ 5€
Opéra Bastille
Place de la Bastille
75012 Paris
Métro Bastille (lignes 1, 5 et 8)
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