Benvenuto Cellini : les Monty Python à l’Opéra
Dans une mise en scène éblouissante, Terry Gilliam, le créateur des « Monty Python » et de « Brazil » monte le seul opéra de Berlioz sur la vie d’un créateur de la Renaissance italienne. Spectaculaire, carnavalesque, cette rencontre entre musique, cinéma et cirque est éblouissante.
Un artiste maudit
Pauvre Hector Berlioz ! Sa seule composition pour l’opéra, inspirée de la vie malheureuse de l’artiste Benvenuto Cellini à Florence au 16° siècle, remaniée dans tous les sens par les librettistes Léon de Wailly et Auguste Barbier, rencontra en 1838 un échec public cuisant. Trop d’intrigues, trop de coups de théâtre, une orchestration à la complexité rythmique intenable, des changements de registres vocaux pour les choeurs…. autant d’ingrédients qui firent siffler le public du 19° siècle, trop habitué aux mélodrames ou aux drames épiques, mais qui nous réjouissent aujourd’hui. Bravo donc à l’Opéra de Paris d’avoir reprogrammé cette oeuvre dans une production créée à Londres en 2014.
Un véritable show scénique
Dès l’ouverture colorée et vive, le metteur en scène et sa chorégraphe Leah Haussman se régalent à nous éblouir, et c’est gagné : marionnettes géantes qui déboulent dans la salle au beau milieu des spectateurs ébahis, personnages ubuesques qui font des acrobaties, pluie de confettis qui jaillit sans crier gare sur nos têtes, Terry Gilliam joue le registre du carnaval à fond, du divertissement irrévérencieux et c’est tant mieux car l’orchestre tout entier et les chanteurs sont aussi à la fête. Les décors de carton pâte montent et glissent à une allure vertigineuse, les gags et les scènes comiques se succèdent dans une ambiance potache et bon enfant, qui met en valeur la prodigieuse inventivité de la mise en scène qui flirte avec Ophuls et Méliès. Les personnages, artistes, chaudronniers, pape, bonnes soeurs, ouvriers, jeune première sont croqués de manière caricaturale et fort drôle. On n’en finit pas de rire, de sourire, car il faut bien l’avouer, cette outrance de la mise en scène sauve la mise d’un livret assez faible.
Des chanteurs engagés
Saluons tout d’abord les choeurs de l’Opéra de Paris, encadrés par José Luis Basso, au premier rang d’une production qui les sollicite constamment, notamment dans les scènes de foules, comme celle de la gigantesque chaudronnerie aux décors hallucinants. John Osborn, merveilleux ténor américain dont la diction française est parfaite, compose un Cellini idéal, sentimental et jouisseur à souhait, à la ligne de chant mélodique et longue. Son amoureuse, Teresa, est incarnée par la jeunes sud-africaine Pretty Yende qui affirme sa profondeur de chant tout au long des trois heures de spectacle. Mais c’est la canadienne Michèle Losier dans le rôle flamboyant d’Ascanio, qui remporte un triomphe : agilité physique et vocale, précision dans le timbre et ligne de chant parfaite, elle virevolte avec délice en contrant la pesanteur de personnages plus encombrants, le Balducci de Maurizio Muraro et le Pape Clement VII de Marco Spotti. Dans la fosse, le chef Philippe Jordan fait vibrer toutes les couleurs d’un orchestre flamboyant. Un régal !
Hélène Kuttner
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