BABX – Cristal Ballroom
Doué d’une puissance évocatrice remarquable, BABX initie, en quelques arrangements aisés, une ambiance, des images, un paysage. L’ouverture de l’album, Cristal Ballroom, annonce la virtuosité du rythme. Le balancement mélancolique du piano-voix laisse vite poindre l’angoisse passionnelle de l’absence. Cette détresse est d’abord savamment soutenue puis relancée par l’ensemble symphonique. Lâchés dans le flot, les mots fugaces, entremêlés, cadencés délicieusement, comparent la solitude à un « Ballroom déserté, où les robes tournent seules ».
La sève des compositions concentre un lyrisme céleste et agité, disposé à éclater. Dans le titre Electrochocs Ladyland, le terme du refrain se noie ainsi dans une sonorité et un timbre écorchés ; ce déchirement tacite approcherait presque les épilepsies inénarrables de David Bowie. Alors que BABX entonne déjà son envol, aspiré « vers ces cieux d’incendies, tous chargés de séisme, de secondes infinies ».
Univers gainsbourgien
Entre subtile poésie et apports musicaux élaborés, ce jeune auteur-compositeur promène ses ballades autour du globe. Le transport slave de Little Odessa égraine les « ballerines du Bolchoï », « Baboushka » et « chapka » au son des pincements du banjo, en s’achevant dans une valse tournoyante à l’accordéon. Changement de décor, changement d’humeur, BABX se tourne vers le Levant, avec le truculent Mourir au Japon : « J’veux mourir au Japon, dans un suicide collectif, parce que c’est cool le Japon, tellement cool le Japon », débité tel un diable jaillissant de sa boîte et usant de son ressort à l’infini, alimenté par la balalaïka. Moins dispersée, la voix se pose en altitude, portée par les orgues, dans « Bons baisers d’Islamabad ».
Toujours, BABX cherche à s’élever : « Je guette le Gagarine qui te conduira jusqu’à moi ». Et à s’abandonner dans les hautes sphères de la sensualité, « pendu comme un pendentif au cou d’une Geisha ». L’intention charnelle se soumet finalement au martyr dans le corps de l’album : le mythe de la mante religieuse hante Remington requiem. Proche de l’univers gainsbourgien, BABX déclame sa prosodie en claquant les vers sur des mesures lascives. Les femmes fatales sont en « talons de Remington […], tailleur Beretta chic […], portent au cœur un poudrier, flanelle métallique, paupières incendiaires, semi automatiques au creux des meurtrières ».
BABX, dandy sifflotant, désinvolte à la voix fleurie, s’attarde sur les plages du désespoir. Invitation à la débauche opulente, « Cristal Ballroom » débute par une angoisse : « quand t’es pas là… ». Et s’achève par une crainte : « Seras-tu là… ? ». Cet artiste envoûtant, par ses créations singulières, échappe à la morosité en s’élevant vers les neiges éternelles de l’indolence bienveillante.
Cyril Masurel
Cristal Ballroom – BABX
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Retrouvez l’album sur le site de la Fnac.
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