Arthur H sublime l’amour au Trianon
Le Trianon est un lieu qui se prête ainsi parfaitement à la fantasmagorie d’Arthur H. Il est situé à deux pas de la place Pigalle, entre univers bohème et quartier réputé pour ses plaisirs charnels. Cette salle à la décoration baroque et aux dimensions humaines renforce le caractère intimiste de l’événement. Sur scène, l’ambiance est simple et théâtrale, teintée d’un éclairage singulier composé de lumières chaudes et diffuses. Tout concoure à créer une atmosphère feutrée et confidentielle. Le décor en clair-obscur est ainsi dessiné pour accueillir un artiste dont l’humilité et la générosité sont aussi grandes que le talent.
Arthur H entre en scène sur Ulysse et Calypso, tel un dandy des temps modernes à l’allure classieuse et sobre, néanmoins sans aucune extravagance vestimentaire. Il est élégamment vêtu de noir de pied en cap, prêt à livrer la puissance de sa poésie musicale. Le son est pur et organique, promesse d’un live qui s’annonce parfois plus rock et encore plus énergique que les morceaux gravés sur les albums. C’est le cas de Cheval de feu et de Basquiat où sa diction est précise et efficace, exprimée dans une joie électrique qu’il communique au public. Sa voix rocailleuse et envoûtante s’empare pleinement de chansons comme Chercheur d’or, cadencé par des ondes musicales invitant au lâcher-prise. A la fin de Mystic Rumba, ce sont les souffles profonds d’un saxophone tenor qui soulignent un rythme groovy et jazzy, flirtant alors avec des contrées lointaines au charme latin. Pourtant les ondes sensuelles et la voix charnelle d’Arthur H atteignent vraiment leur paroxysme dans Prendre corps, morceau porté par le verbe de Gherasim Luca et sublimé par de magnifiques accords. Ce délire sexuel traduit fiévreusement la montée en puissance du désir d’un corps à corps amoureux aussi bien dans le texte que dans la partition. En effet, les instruments se rejoignent crescendo pour s’accorder les uns aux autres, de plus en plus fort. Pure extase musicale et poétique !
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=B8OlwwaGsUI[/embedyt]
La générosité d’Arthur H est palpable durant les deux rappels permettant de poursuivre cette ode à l’amour, spécialement lorsqu’il présente avec respect les musiciens et toute l’équipe qui l’accompagnent. Il les nomme tous, même Aude qui s’occupe du « merchan-machin » parce qu’Arthur H c’est aussi la « team H ». Il poursuit ses drôleries avant de dévoiler le nom de son guitariste barbu et chevelu, révélant qu’il lui rappelle un Christ que le Pape aurait consenti à lui prêter pour la tournée ! Les apartés humoristiques qui parsèment le spectacle sont nombreux, souvent avec des clins d’œil récurrents à l’actualité politique. Mais Arthur H redevient profondément sérieux lorsque cela est nécessaire. Lors du premier rappel, il convie Nicolas Repac à le rejoindre sur scène pour livrer un extrait de leur collaboration sur l’album « L’Or noir », recueil de poésie noire sur laquelle ils ont créé une ambiance musicale ad hoc (ndlr : le disque « L’Or noir » a reçu le Grand Prix « Francophonie » 2012 de l’Académie Charles Cros). Un hommage solennel et recueilli est rendu à Aimé Césaire, grand poète fondateur du mouvement littéraire de la négritude. Puis la musique reprend ses droits avec de savoureux instants mélodieux, savamment composés pour que la salle continue de chavirer délicieusement, telle la douceur des accords du piano-voix de Chem-cheminée. La langue française vit et vibre dans le palais d’Arthur H avec encore quelques titres mais la fin du concert approche… Il la dédie à son amie Lasha dont il reprend une chanson pour ne pas oublier « tous les gens qui vivent à l’intérieur de nous ».
Considéré comme un ovni dans l’univers musical, Arthur H distille son art avec un raffinement unique invitant à se délecter de ses délires sonores et de ses délices à la fois sensuels et mélancoliques. Le Trianon a fait salle comble en ce 30 novembre 2012, mais une dernière date est programmée à Paris le 22 décembre 2012 pour satisfaire ses fidèles ou accueillir ceux qui sont prêts à tenter l’aventure Baba Love. Assister à un concert d’Arthur H c’est s’immiscer dans un univers singulier coloré de sensualité et de sincérité, les émotions donnant corps à la musique et aux mots. Beaucoup ? A la folie ? Passionnément Baba Love d’Arthur H !
Alexandra Ferrero
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...