Alela Diane
C’est en 2007 que le succès immédiat de son premier album, « The Pirate’s Gospel », a fait découvrir en Europe Alela Diane, jeune prodige de la musique folk, venue de Californie quand son visage sculptural et sa chaude voix mystérieuse nous la faisaient imaginer digne descendante d’une ancienne et fière tribu indienne. S’ensuivent en 2008 un album réalisé en collaboration avec Headless Heroes intitulé « The Silence of Love », puis un deuxième album solo, « To Be Still » en 2009, qui confirme tout le bien que l’on pensait du premier. Après la parution d’une autre collaboration avec son amie Alina, sobrement nommée « Alela & Alina », en 2009, Alela Diane livre dès avril 2011 un troisième opus, « Alela Diane and Wild Divine », du nom du groupe qui l’accompagne actuellement en tournée à-travers le monde.
Bonjour Alela Diane. Grâce au succès de votre premier album, « The Pirate’s Gospel », nous avons appris à connaître votre voix, mais nous en savons encore très peu à propos de vous-même. Pourriez-vous vous présenter, expliquer d’où vient votre passion pour la musique ?
Alela Diane : Eh bien, je viens de Californie, mais je vis à présent plus au Nord-Ouest des Etats-Unis, à Portland [Oregon]. Quant à ma musique et à mes chansons, elles proviennent surtout de ma vie. Chacune des chansons que j’écris possède une histoire spécifique : certaines d’entre elles s’inspirent de gens que j’ai rencontrés, d’autres de ma famille ou de mon passé, d’étranges histoires que j’ai entendues, de rêves que j’ai faits, ou parlent de toutes sortes de choses qui me sont arrivées.
Comment votre musique a-t-elle évoluée depuis le succès de « The Pirate’s Gospel » ?
Je pense qu’il y a eu beaucoup de changements sur chaque album depuis « The Pirate’s Gospel ». Notamment en ce qui concerne le son. Sur « To Be Still », il y avait déjà plus d’instruments, j’ai essayé davantage de choses. Et sur le dernier disque, « The Wild Divine », nous sommes un vrai groupe, nous avons élaboré le son tous ensemble. Je pense que mon premier album, « The Pirate’s Gospel », était plus délicat, plus innocent, plus folk et depuis j’ai pris davantage l’habitude de jouer avec les autres. Ma façon d’écrire a également évoluée. J’ai développé et travaillé mon style d’écriture, je me concentre davantage sur les paroles et la progression des couplets.
Je crois que j’ai enregistré « The Pirate’s Gospel » en 2004, et il me semble qu’il n’est pas paru en France avant 2007 ? De ce fait, c’est déjà un vieil enregistrement pour moi. En sept ans, je suis partie en tournée, je suis rentrée à la maison, j’ai rencontré mon mari, il s’est passé tant de choses ! J’ai tout simplement vieilli… [Elle rit]
Sur scène vous vous produisez avec votre père, Tom Menig, votre mari, Tom Bevitori, et sur votre premier album, la chanson Oh My Mama était dédiée à…
A ma mère, oui, et à toutes les mamans, en général.
… La musique est donc pour vous une affaire de famille ?
Oui je crois… Mes parents étaient tous les deux musiciens, et me jouaient des berceuses quand j’étais petite, mon père m’a aidée pour l’enregistrement et la production de mes différents albums… Ca s’est mis en place comme ça, et je ne peux pas trop virer mon père alors… [Elle rit à nouveau]. Quand mon mari nous a rejoints, au début il jouait de la basse alors que ce n’est pas son instrument d’origine : c’était juste parce que je le voulais auprès de moi ! J’étais toujours en tournée et le laisser seul à la maison pendant tout ce temps, ça aurait été terrible pour notre relation de couple. Au départ, c’est pour cette raison qu’il a intégré le groupe. Sur le dernier album, il joue de la guitare, ce qui le rend plus heureux, je pense, puisqu’il est guitariste.
Je préfère tout simplement être entourée des gens que j’aime, de ma famille, c’est plus facile pour moi parce que c’est dur une tournée, et c’est agréable d’avoir autour de soi des gens sur qui se reposer, à qui l’on peut faire confiance.
Qu’est-ce qui vous inspire ? Comment écrivez-vous ?
Comment est-ce que j’écris ? Eh bien, je pense que ça part toujours de choses que je connais… Les gens que j’ai rencontrés, ma famille, mes amis, les endroits où je suis allée… Mes voyages surtout, sont à l’origine de beaucoup de chansons : tous ces endroits que j’ai vus, les autres modes de vie que j’y ai découverts sont pour moi de grandes sources d’inspiration.
J’écris le plus souvent quand je suis en tournée. Les paroles viennent sur la route, dans le van ou n’importe où. Mais en général, je compose les mélodies, les chœurs et les arrangements une fois que je suis seule et que j’ai un peu d’espace, quand je peux être au calme pour travailler. Mais c’est quand même assez difficile de composer des chansons sur la route parce qu’on a jamais beaucoup de temps pour soi.
Le folk, pour vous, ça signifie quoi ? Selon vous, qu’est-ce que ce genre de musique exprime ?
Je pense que c’est un genre musical très ancien, très codifié et très traditionnel… Je crois en réalité que ma musique ne peut être qualifiée de « folk musique » que parce qu’on ne dispose pas de mot plus approprié, mais c’est plus une relecture, une adaptation contemporaine de ce genre. Je pense que si cette musique s’appelle du « folk », c’est parce qu’elle provient du folklore, qu’elle accorde une grande importance aux paroles, qu’elle raconte des histoires. La façon dont on écrit ces chansons compte beaucoup. Et moi, je raconte mes propres histoires, je les diffuse grâce à ma musique…
Je pense que le « folk », c’est quelque chose de plus ancien, mais je ne sais pas trop comment qualifier ce que je fais autrement que « modern folk music » car mes chansons sont tout-de-même plus proches de ce courant que de ce qu’on entend globalement aujourd’hui.
Quels sont les artistes que vous aimez ou admirez ?
Il y a beaucoup d’anciens artistes que j’adore comme Neil Young, Joni Mitchell, et bien d’autres. La plupart sont des artistes d’il y a quelques années, parce que je retrouve dans cette musique du passé une créativité que je ne décèle pas ailleurs aujourd’hui. Mais il y a tant de musique en ce monde, je découvre sans arrêt de nouvelles choses ! Parfois je trouve des disques qui ont quarante ans, que je n’avais jamais entendus avant et qui demeurent excellents. Donc je garde l’esprit et les oreilles ouverts…
Y a-t-il des causes qui vous tiennent particulièrement à cœur, ou dans lesquelles vous vous impliquez ?
Vous savez, en vérité, je ne sais même pas vraiment par où commencer, parce qu’il y a actuellement tant de problèmes en Amérique ! Je ne sais pas vraiment quoi faire, il y a tellement de causes pour lesquelles se battre ! Par exemple, on a récemment diagnostiqué une maladie à mon mari. Aux Etats-Unis, le traitement coûte 600 $ par mois. Et lorsque nous sommes arrivés en France, il y a deux mois, nous avons été consulter un médecin ici : son médicament lui a coûté 45 € pour un mois de pilules, au lieu de 600 $ ! C’est quelque chose qui me rend vraiment furieuse ! Nous n’avons pas vraiment de soins médicaux là-bas. Pourtant nous avons une assurance-santé, ce qui n’est pas le cas de tout le monde aux Etats-Unis, parce que ça coûte vraiment très cher. Ce genre de problèmes concernant la société américaine m’interpelle vraiment, mais je ne sais pas trop quoi faire, et c’est donc extrêmement frustrant !
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de votre dernier album, Alela Diane & Wild Divine ?
Eh bien nous l’avons enregistré en grande partie en Californie. C’est un album pour lequel j’avais vraiment envie de former un groupe, de partir sur les routes avec des musiciens soudés et impliqués. Le son est assez influencé par celui des années 70, il s’inspire du rock, du folk-rock et des diverses musiques de cette époque. C’est un album plutôt cohérent. Les chansons sont très significatives, elles parlent de gens que j’aime et de sujets qui me tiennent à cœur. En fait c’est surtout le fruit de la rencontre entre le groupe et moi, et je ne sais absolument pas ce que je ferai ensuite. J’ai l’impression que les gens aimeraient que je refasse un album plus intime mais je ne sais pas si j’en ai envie… Et vous qu’aimeriez-vous que je fasse ?
Il y a pas mal de gens qui m’ont dit qu’ils trouvaient que ce que je faisais toute seule était mieux, mais je pense que c’est important de se diversifier, de se pousser soi-même à essayer des choses qu’on n’avait jamais faites avant, de se tourner vers de nouvelles personnes et de se focaliser sur autre chose. Ce serait ennuyeux de refaire tout le temps la même chose, de toujours tout centrer sur la guitare acoustique et ma voix.
Le groupe a-t-il participé à la composition ?
J’ai écrit la plupart des chansons : les paroles sont généralement de moi, les mélodies aussi. Il y en a quelques-unes dont mon mari a défini les arrangements et les accords à jouer, ou pour lesquelles mon père m’a aidée à créer les transitions. Mais il y a très peu de chansons qui sont restées telles que je les ai écrites : cela ne sonnait pas très bien. Par conséquent, le son du disque a vraiment été défini avec les musiciens de Wild Divine. On l’a élaboré tous ensemble, et c’est pourquoi, je pense, le son de l’album est assez similaire à celui que nous avons sur scène, il en donne un bon aperçu.
Propos recueillis par Raphaëlle Chargois
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=JUtMuhRoBi0[/embedyt]
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ZoGesbd88p8[/embedyt]
Alela Diane & Wild Divine
Rough Trade (album disponible depuis avril 2011)
[Visuel : Alela Diane Menig, American singer and songwriter, at the Club 106, Rouen, France. 18 avril 2008. Source : www.flickr.com/photos/11445550@N00/2425703378 Auteur : Jérôme from Rouen, France (Photo Môsieur J.). Licence Creative Commons paternité 2.0 générique]
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