Alain Poisot : “La musique tzigane m’a parlé à un moment de ma vie où j’étais prêt à laisser tomber le violon complètement”
Alain Poisot, musicien aux nombreuses aventures et enseignant de violon à l’école de musique de Saint-Laurent-en-Grandvaux, nous fait un retour sur son parcours atypique.
La musique est-il un monde dans lequel vous avez grandi ?
Je n’ai pas baigné dans une famille ou dans un milieu très axé sur la musique. On me l’a simplement proposé à l’âge de 8 ans. J’ai appris la flûte à bec au Cameroun, où je suis né. Puis, à 11 ans, quand je suis venu en France avec mes parents, j’ai commencé le violon au conservatoire de Chalon-sur Saône. La musique a fait partie de mes passions assez tôt, même si, étudiant, je ne pensais pas en faire mon métier.
Comment vous est apparue cette passion pour la musique tzigane ?
J’étais l’étudiant violoniste qui joue dans des orchestres régionaux, un peu comme un mouton qui n’était pas très heureux de ça. Je ne faisais pas partie des musiciens brillants, pour lesquels tout marche bien. Le violon étant très compliqué et entrainant des complexes, je faisais plutôt partie de la catégorie des laborieux.
À un moment, j’ai eu ce déclic. En autodidacte, hors des pratiques conventionnelles du conservatoire, j’ai travaillé, relevé les mélodies, essayé de comprendre toutes les ficelles de cette musique. Le terme tzigane est générique, c’est très vaste en fait. Cette musique m’a toujours fait vibrer par ce qu’elle a de riche. Tout le violon est réuni dans ces musiques. Elle sont très variées et d’un pays à l’autre, on ne les joue pas de la même manière. Puis, au bout d’un an, j’avais un petit répertoire et ma façon de jouer commençait à se métamorphoser. Je commençais à m’épanouir, à trouver un vrai sens au fait d’être violoniste.
Pouvez-vous nous parler de vos projets : la compagnie Rasposo et le Trio Leskov ?
J’ai eu plusieurs groupes et aventures. Le premier groupe : les Vagabonds Gibolescu. C’est celui qui m’a mis le pied à l’étrier et pendant 10 ans cela a été un véritable bonheur de jouer avec ces musiciens. Puis il y a eu Kapalest, c’était la volonté d’une fusion tzigane, jazz et rocknroll. C’est avec ce groupe que nous nous sommes “mariés” à la compagnie de cirque : Cie Rasposo. Cela à été l’aventure de 8 ans, d’une tournée circassienne, nationale et internationale. On était sur la route, en convoie, avec poids-lourds, caravanes et moi, avec ma roulotte faite en Roumanie. Outre le plaisir de jouer la musique que j’aime, c’était de la mettre au service d’un spectacle très beau. J’ai de la chance avec cet univers qui a été le mien pendant une tranche de vie.
Le trio Leskov est la formation avec laquelle je me produis aujourd’hui autour d’un répertoire tzigane principalement et un peu classique, arrangé à notre façon. C’est un trio acoustique composé de : violoncelle, violon et accordéon. En dehors de cette période compliquée, on se produit beaucoup sur le terroir, pour des fêtes, des prestations de villages et occasionnellement dans des salles. On se produisait également dans un petit bistrot, dans son jus depuis 3 générations, à Neuilly-sur-Seine, “Chez Janine”. C’était un rendez-vous mensuel, très chaleureux, autour d’une planchette comtoise. Pour le coup, ce n’était pas très rémunérateur, c’était quelque chose d’humain.
À choisir, lequel prédomine : l’artiste ou l’enseignant ?
Je suis plus musicien de scène qu’enseignant en salle de cours. J’essai de transmettre de bonnes choses dans les deux, mais j’ai plus vocation à être sur scène. Je m’aperçois tout de même que mon métier d’enseignant à des répercussions sur mon travail, sur mes progrès. Je suis toujours en position d’élève, voilà pourquoi je pense apprécier enseigner. J’aime aussi que les élèves aient du plaisir à jouer du violon. J’ai toujours ce soucis que cela reste du plaisir même si c’est beaucoup de travail. Alors les deux sont liés. Cette relation me nourrit moi aussi dans la façon de jouer, de progresser dans mon répertoire.
Est-il difficile d’exister musicalement dans une région rurale comme le Jura ?
Je dirais que non. Quand le cirque s’est arrêté pour moi, j’ai du me sédentariser à contre-coeur. Je me suis dit qu’après avoir connu les tournées, ce qui était très bien, il y avait aussi une manière de participer à la vie culturelle de ma région. Alors j’ai pris des initiatives. Aujourd’hui le trio Leskov est assez bien implanté, apprécié et cela me plait d’être un membre actif de ce qu’il se passe dans le Jura. Ce n’est donc pas si compliqué, ce qui est difficile aujourd’hui c’est de trouver des endroits où il y ait des moyens pour être rémunérés normalement, gagner notre vie correctement. Mais partout, pas seulement dans le Jura.
Avez-vous d’autres objectifs à réaliser, notamment dans la maitrise du violon ?
Eh bien oui ! Tous les jours, je me met des difficultés supplémentaires, je transcris la musique que j’ai envie de jouer. En effet, elle n’est pas écrite, elle est empreinte d’une certaine liberté d’interprétation. Je tends à progresser sur des difficultés qui ne sont pas forcément liées à la technique ou à la vitesse. Il y a d’autres difficultés dans la lenteur, dans l’expression, la façon de faire notamment dans les romances hongroises. Des parties lentes qui sont très compliquées par l’expressivité. C’est un challenge autour de ces musiques qui m’excitent toujours autant, qui me donnent envie de progresser et qui me mettent à l’épreuve. Finalement, j’aimerais bien enregistrer un disque. Mais c’est aussi une question de moyens.
Propos recueillis par Adeline Bouvret
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