Salomé – Opéra Bastille
Cette Salomé n’en finira pas de nous faire tourner la tête et de donner le vertige avec sa danse aphrodisiaque. La preuve en est que même Al Pacino est tombé sous son charme en présentant cette année au Festival de Venise son dernier film Wild Salomé où il incarne un Hérode hypnotisé par la jeune star montante Jessica Chastain. Pour l’heure, c’est Angela Denoke qui incarne l’enfant terrible sur la scène de l’Opéra Bastille. Avec elle, c’est une présence captivante et une voix tour à tour claire et brillante, sauvage et glaciale à laquelle nous avons affaire malgré une certaine fatigue qui pouvait se faire toutefois entendre. Déjà envoutante dans son Katia Kabanova de Leos Janacek l’année dernière, elle donne ici à sa Salomé des allures de femme fatale tiraillée par sa famille et la présence envoutante du prophète Jochanaan. Interprété par le baryton finlandais Juha Uusitalo, sa présence est aussi sombre et troublante que son wanderer entendu l’année dernière dans Siegfried. On est rapidement saisi par son timbre qui se dégage de la fosse orchestrale où le chef Pinchas Steinberg, entouré de quelque cent musiciens, donne à la musique de Strauss une ambiance spectrale de mise avec ses différents leitmotivs et ses couleurs psychanalytiques et érotiques. C’est sans compter la voix étincelante de la mezzo Doris Soffel, reine de la soirée au côté du ténor Stanislas de Barbeyrac en Narraboth qui fait une belle entrée en la matière.
André Engel VS Lev Dodin
Côté mise en scène, c’est celle d’André Engel créée en 1994 qui a été choisie. Davantage théâtrale que la production esthétique de Lev Dodin présentée il y a deux ans, Engel opte pour une certaine retenue dénuée de toute prétention en se laissant aller à quelques anachronismes bienvenus. Sa Salomé est belle et bien une enfant gâtée inconsciente et agissant par pure jalousie. Un grain de folie manque pourtant à l’appel devant un décor immobile dont la lumière d’André Diot vient donner un certain (lent) mouvement. Côté chorégraphie, Françoise Gres manque son coup lors de la fameuse danse de Salomé dans laquelle Angela Denoke se démène tant bien que mal avec quelques pas de valse. Celle-ci sera finalement tuée par le page d’Herodias venant confirmer la tendance shakespearienne de cette production classique et sobre laissant avant tout place à la musique de Richard Strauss. On ne s’en plaindra aucunement devant la facilité qu’offre cette œuvre pour provoquer un public généralement des plus bien-pensants.
Edouard Brane (Twitter: Cinedouard)
Salomé
Direction musicale : Pinchas Steinberg
Mise en scène : André Engel
Décors : Nicky Rieti // Costumes : Elizabeth Neumuller // Lumières : André Diot // Dramaturgie : Dominique Muller // Chorégraphie : Françoise Grès
Avec : Stig Andersen (Herodes), Doris Soffel (Herodias), Angela Denoke (Salomé), Juha Uusitalo (Jochanaan), Stanislas De Barbeyrac (Narraboth), Isabelle Druet (Page der Herodias), Dietmar Kerschbaum (Ester Jude), Eric Huchet (Zweiter Jude), François Piolino (Dritter Jude), Andreas Jäggi (Vierter Jude), Antoine Garcin (Fünfter Jude), Scott Wilde (Erster Nazarener), Damien Pass (Zweiter Nazarener), Gregory Reinhart (Erster Soldat), Ugo Rabec (Zweiter Soldat), Thomas Dear (Ein Cappadocier)
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Durée : 1h40 sans entracte
Du 8 au 30 septembre 2011
Tarifs : 5€, 15€, 35€, 55€, 75€, 90€, 115€ et 140€
Opéra Bastille
Place de la Bastille
M° Bastille
[Crédits : Opéra national de Paris / Elisa Haberer]
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...