Xavier Beauvois – Interview
Tout le monde en parle depuis mai dernier.
Reconnaissants, pour ceux qui l’ont vu au Festival de Cannes. Transportés, pour ceux qui, par la suite, ont pu assister à l’une des ses avant-premières en France. Et tout le monde, assurément, va en parler à compter du 8 septembre, date de sa sortie en salle : un élan impressionnant, de toute façon impressionné. Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois, est “le” film de la rentrée.
S’inspirant librement de la vie des moines cisterciens de Tibhirine en Algérie, de 1993 jusqu’à leur enlèvement, en 1996, il est nimbé, en effet, d’une grâce à nulle autre pareille, spirituelle et profonde. Juste. Mais plus encore : si cette œuvre confondante d’épure fédère autant de gens et d’éloges – laïques ou pas – c’est qu’elle va bien au-delà du seul cadre religieux. Et d’une réflexion sur la foi.
Loin, très loin de l’amalgame et/ou de la controverse pénibles, sa force, ce sont ces hommes (ses moines) qui l’habitent, leur compassion, leurs principes moraux, leur dévouement à la population locale. Le cinéaste français, récompensé par un Grand prix du jury à Cannes, en adopte simplement, pleinement, le point de vue. Impeccable d’humilité et d’amour. Idem lorsqu’au détour d’une conférence de presse sur la Croisette, alors que les festivaliers s’enthousiasmaient, il revenait, avec sa tendresse et son inquiétude coutumières, sur ce tournage hors norme. De mots clés en moments doux, Xavier Beauvois nous dit l’échange, le partage, l’accueil de l’autre. Ecoutons-le, avant que, décidément, tout le monde n’ait envie d’en parler. Dans sa foulée.
Scénario
Un jour, le scénariste Etienne Comar (qui a notamment travaillé avec Laurent Bouhnik et Philippe Le Guay) me téléphone et me dit qu’il a reçu le scénar d’un jeune type qui, éventuellement, pourrait m’intéresser. Il me l’envoie, je le lis, le trouve très beau, parce que d’emblée il me paraît aller au-delà de la religion. C’est seulement à ce moment-là qu’Etienne m’avoue qu’en fait, le scénario, eh bien… il est de lui ! Aussitôt, je me plonge dans la vie de ces frères de Tibhirine et je suis séduit. Je me laisse habiter par eux. Comme chacun, d’ailleurs.
Le bon moment
Il est rare, dans une société égoïste comme la nôtre, de voir des gens s’intéresser aux autres. Je crois que ce scénario tombait au bon moment. Dans une France où l’on veut sans arrêt monter les uns contre les autres, cette histoire, ça m’a fait du bien !.
Morale
J’ai fait une retraite monastique pour m’imprégner, comprendre un peu mieux. C’est là, sur place, que je me suis dit qu’il était hors de question de faire des travellings, des afféteries stylistiques pendant le tournage et ensuite à l’écran. Cette communauté est bâtie sur des principes moraux, à ma façon, je m’y suis tenu.
La religion
J’ai la moitié de mon cerveau qui ne croit en rien et l’autre qui croit en tout ! Et puis, ce film, encore une fois, ça va au-delà de la religion. On parle d’hommes.
Lenteur
On vit dans une société où l’on est sommé d’aller vite. Mais moi, je me refuse à faire du Paul Greengrass (réalisateur de la saga Jason Bourne) ! Je pense que les gens, les spectateurs, sont intelligents de toute façon. Ils feront l’effort d’aller vers le film, vers son rythme, différent. Quand même, on est dans un monastère ! Ces moines ont fait vœu de stabilité, en quelque sorte. Les offices rythment leurs jours, ce sont des horaires très différents des nôtres.
Le fait-divers
L’enlèvement et le meurtre des sept moines français de Tibhirine, pour moi, ça n’est pas un fait divers, c’est un drame. A priori, je suis plutôt pour la version de la bavure avec l’armée algérienne, mais en réalité, on ne sait pas vraiment. L’identité des assassins, comme les circonstances exactes de leur mort, restent un mystère…
Maroc
Je n’ai pas tourné au Maroc pour des raisons de sécurité, mais parce que j’en suis amoureux ! En plus, c’est un milliard de fois plus facile de tourner là-bas que de tourner dans une rue de Paris, par exemple ! En fait, tout le film a été placé sous le signe de la grâce.
Propos recueillis par Ariane Allard
De Xavier Beauvois
Avec Michael Lonsdale, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach.
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