Whatever Works jusqu’au jour où…
La théâtralité de Boris
Dans ce moulin à parole qu’est Whatever Works (on peine à lire des sous-titres en vive lutte pour se maintenir plein champ), le personnage principal, Boris Yellnikoff dévoile le processus dès le départ. Sa vie est un jeu, l’écran est une scène de théâtre découpée par un cadre, les bords de la caméra, et de l’autre côté se trouve plein de gens assis confortablement ou pas, « à manger des pop-corns » ou pas, nous.
Quand bon lui semblera, il se retournera vers nous, pauvres et infâmes spectateurs que nous sommes, vermines sans nom pullulant sur cette planète, avec d’autre but que de bêtement se reproduire avec n’importe qui et dans n’importe quelle position !
Et spectateurs français qui plus est, inventeurs du mesquin et si peu catholique « ménage à trois » – prononcez avec l’accent new-yorkais. Boris est le seul à connaître la perfidie et se plie délicieusement à cet exercice en théâtralisant sa vie au possible : il se chante son joyeux anniversaire dès qu’il se lave les mains, il accentue sa démarche de boiteux, la revendique et s’en félicite, il ne rate pas une occasion d’énoncer d’éloquentes théories sur le sens – l’inutilité – de la vie, il critique l’humanité et se pavane d’être un génie de la physique quantique passé à deux doigts, pas plus pas moins, du prix Nobel.
Ce que pense Woody Allen
L’artificialité du jeu de Larry David (Boris), livrant ici une prestation honorable comme l’ensemble des interprètes, est donc justifiée par la mise en scène. Au contraire, les autres acteurs sont aveugles. Ils sermonnent Boris lorsqu’il se retourne vers la caméra (vers le public) avec des « cet homme parle tout seul », « non, il n’y a personne ! » ou autre « mais à qui est-ce que tu parles ? » et refusent tous de croire qu’une bande de voyeurs s’est regroupée dans une salle obscure pour admirer leurs joutes verbales.
En cela, Boris a raison et les autres ont tort, il y a bien un public de cinéma. Boris devient alors le porte-parole de Woody Allen, celui qu’il faut croire, qui a toutes les vertus dont celle de dire la vérité, raisonnement d’autant plus logique qu’il est le génie autoproclamé de Whatever Works. Peu importe ce que pense Woody Allen, tout ce qu’il pourrait dire ou faire dire à son acteur – comme sarcasme et avec le plus grand cynisme du monde – a évidemment comme rôle premier de nous faire rire. La comédie des autres acteurs est plus problématique.
La farce, c’est aussi « Tant que ça marche »
Les acteurs de Whatever Works ne voient pas la caméra mais sont loin d’ignorer sa présence. Ils sont sur la scène et s’en donnent à cœur joie. Le résultat est jouissif et dénué de bon sens. Ils débarquent, chacun leur tour, la fille, la mère puis le père chez Boris comme dans le théâtre de Boulevard par la porte du fond, les valises pleins les mains, le sourire jusqu’aux oreilles et les mains gesticulantes dans tous les sens sans que jamais ne soit justifiée la raison de leur venue. La fille fugue. Elle se retrouve seule à New York, dégote le canapé de Boris qui est incapable de lui faire comprendre qu’elle doit prendre la porte quand elle empeste.
Pousser le délire à l’extrême et se marier avec les mauvaises odeurs (à bas la différence d’âge) devient gros comme une maison. La mère, en bonne catholique prude qui se transforme en artiste « pornographico-hippie » couchant avec deux hommes à la fois participe de la même farce. Et quand le père, quinquagénaire et encore plus strict accepte son homosexualité refoulée, plus rien ne nous étonne. Woody Allen pousse sa comédie au comble du grotesque, drôle par moment, quoique l’on rit un peu jaune.
La suite dans Paris
Vicky Cristina Barcelona racontait l’échec du ménage à trois femme-homme-femme entrepris par Cristina. Vicky était plutôt enthousiasmé. Dans Whatever Works, l’homosexualité est un remède à une triste hétérosexualité, la différence d’âge ne compte plus et enfin, le ménage à trois homme-femme-homme fonctionne.
Lorsque l’on sait les clichés libertins, avoués dans Whatever Works, que Woody Allen porte à la France et aux français, on peut maintenant rêver que son projet parisien soit une véritable et monstrueuse orgie…
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Florent Boucheron
Whatever Works
Film américain, 1h32, 2009
Sortie le 1er juillet 2009
Réalisé par Woody Allen.
Avec Larry David, Evan Rachel Wood, Patricia Clarkson, Ed Begley Jr, Conleth Hill et Michael McKean.
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